Bulletin 10 / Février 1998

Visite du château de Surpierre

Visite du château de Surpierre avec l'institut fribourgeois de généalogie et d'héraldique le 18 octobre 1997

par Eric Nusslé

Présents (de la section neuchâteloise): 14 personnes

Nous avions rendez-vous devant l’église de Surpierre à 14 heures 45. A l’heure dite, nous nous rendons par une allée bordée d’arbres centenaires au château, qui est situé un peu à l’écart du village en contrebas. Nous y sommes accueillis très aimablement par les propriétaires des lieux, Monsieur et Madame Bürki. Nous passons sur un ancien fossé et pénétrons par une entrée pittoresque jusqu’à une terrasse qui surplombe la vallée de la Broye. Au loin, nous entendons un cor des alpes, ce qui augmente encore l’ambiance bucolique qui règne en ces lieux.

M. Pedrazzini, président fribourgeois de la société de généalogie et d’héraldique, commence par nous dire quelques mots d’introduction. Il se félicite qu’au temps de l’Europe Unie, de la mondialisation, d’Internet, les deux sections neuchâteloise et fribourgeoise aient pu, enfin, se rassembler pour une manifestation commune. Il est d’ailleurs heureux du très grand nombre de participants. Il passe ensuite la parole à la châtelaine, Madame Bürki, qui nous parle du bâtiment devant lequel nous nous trouvons.

L'origine

La partie la plus ancienne de ce château est constituée par la chapelle du XIIIe siècle, alors que la partie principale date du XVIe. Une famille portant le nom de Surpierre y habitait. Cette lignée apparaît en 1142, par Guillaume, témoin de l’acte de fondation de l’abbaye de Montberon près de Lausanne. Elle disparaît en 1233 en la personne de Pierre. Les membres de cette dynastie agissent souvent comme témoins, mais aucun document les concernant particulièrement n’a été conservé; c’est dire que nous ne connaissons de cette
famille que quelques noms; une généalogie ne peut pas être restituée à leur propos.

A l’extinction de ces premiers dynastes, la seigneurie de Surpierre revient à leur suzerain, les Cossonay. A côté du château en pierre, se trouvait un bourg. Nous en connaissons l’existence par diverses extentes conservées à Fribourg ou à Turin. Ces registres nous permettent également d’évaluer l’étendue de cette châtellenie. Elle rapporte environ 200 livres lausannoises par an. Les coutumes de Moudon ou d’Estavayer y sont appliquées. 

Les propriétaires

Vendue à une époque inconnue par la veuve de Jean II de Cossonay à Guillaume d’Estavayer pour 3000 livres lausannoises, cette seigneurie est rachetée par les propriétaires d’origine en 1316. Au dernier mâle de la famille, Louis II de Cossonay, mort de la peste en 1383, succède son héritière, sa petite-nièce, Jeanne, épouse de Jean de Rougemont en Bourgogne. En 1399, ce couple vend Surpierre à leur créancier, Yblet de Challant. En 1404, celui-ci se soumet à la vassalité des comtes de Savoie qui acquièrent ce bien en 1472 de François de Glerens. En 1475-1476, la bâtisse souffre des guerres de Bourgogne, est occupé plusieurs fois par les Suisses qui finissent par l’incendier. Après cette période mouvementée, elle revient aux Savoie jusqu’en 1536.

Alors, le château est occupé par les Bernois qui le tiennent 10 jours pour le céder ensuite aux Fribourgeois contre des terres à Vevey. La cité du bord de la Sarine y organise un bailliage qui durera jusqu’en 1803. Au XIXe siècle, la préfecture est fixée à Estavayer, si bien qu’en 1850, le bâtiment est vendu à M. Leenhardt, négociant à Marseille, pour 12 000 francs de l’époque. Depuis, il a toujours appartenu à des privés, par exemple à la famille française Delpech ou aux Bürki qui y habitent aujourd’hui.

La visite

Après avoir passé sous un portail d’entrée armorié du XVIIe siècle, nous commençons par visiter le salon d’époque Renaissance. C’est le moment que choisit l’un des participants à cette visite, M. Desarzens, pour raconter une légende. Il paraît qu’une dame blanche se jette dans le ravin du château, car, dit-on, elle aurait été éconduite par un chevalier. Cette histoire rappelle celle que l’on raconte à propos du donjon de la Molière. Après ce petit intermède, nous passons dans la salle à manger, puis dans la chapelle remarquable du  XIIIe siècle. Des catelles y portent les armes de quelques baillis de Surpierre.

Nous montons ensuite à l’étage dans la salle des chevaliers. Cette pièce remarquable est entourée de dessins de blasons de plusieurs baillis ayant vécu à Surpierre au XVIIe siècle. M. Pedrazzini nous décrit chacune de ces armoiries, nous ne nous y attarderons pas puisqu’elles ne concernent que des familles fribourgeoises.

Etat fribourgeois

Il nous explique en outre les structures de l’Etat fribourgeois de l’Ancien Régime. Le pouvoir n’appartenait qu’à quelques familles dites patriciennes ou capables de gouvernement. Leur nombre ne s’élevait théoriquement qu’à 67, puis à 100, en réalité moins. L’Etat est géré par quelques magistrats: les deux avoyers, qui régissent l’administration alternativement pour une année, l’un dit régnant (Amtschultheiss), l’autre nommé ancien avoyer (Altschultheiss) appelé à remplacer le précédent l’année suivante, le trésorier, le chancelier, etc. Ils président ou participent aux différents Conseils de la Ville: le Grand Conseil de 200 membres (dit aussi Conseil des 200), le Conseil des Soixante, le Petit Conseil de 24 membres. Des chambres et des commissions en sont issues. C’est parmi ce personnel que sont choisis les baillis.

La Ville de Fribourg est divisée en quatre bannières: Bourg, Auge, Hôpitaux et Neuveville. Les 27 paroisses qui entourent cette cité forment les Anciennes Terres. Au delà, le territoire est divisé en bailliages. Il s’agit de domaines annexés par la Ville à diverses époques et selon divers moyens: achats ou conquêtes. Quatre baillis ne résident pas dans leurs circonscriptions; les autres y demeurent dans un château appartenant à l’Etat. C’était la situation de Surpierre, bailliage par droit de conquête depuis 1536. Le rôle du bailli peut se
comparer plus ou moins à celui des préfets actuels: il remplace l’ancien seigneur et représente au niveau local l’Etat fribourgeois. Il est choisi pour 5 ans et n’est pas rééligible pour un nouveau quinquennal. II doit être âgé de plus de 32 ans. Au niveau local, la  circonscription importante, c’est la paroisse, à la fois civile et religieuse. Elle s’occupe des écoles, des pauvres, de l’équipement de la milice, etc.

Suite de la journée

Après toutes ces intéressantes explications, nos hôtes nous offrent un apéritif bienvenu. Mais déjà il est temps de se quitter et de remercier comme il se doit la famille Bürki qui a bien voulu nous laisser entrer dans leur magrifique demeure. En partant, nous faisons encore un petit tour dans la bibliothèque où nous admirons deux armoiries Boccard et Castella.

Notre journée n’est pas terminée: M. Zwicki a organisé pour nous une sorte de petit rallye. Après avoir quitté Surpierre, il nous est recommandé de nous arrêter à Treytorrens (district de Payerne) pour visiter une magnifique église gothique. Puis, nous poursuivons jusqu’à Murist. Là, en prenant un chemin de campagne, nous arrivons à ce que, au XIXe siècle, l’historien Kuenlin croit pouvoir identifier à l’œil de l’Helvétie cité par César.

Nous nous trouvons au sommet d’une colline, à la lisière d’une forêt. En prenant un chemin de terre à gauche, nous nous approchons d’une tour féodale. Il s’agit du château de la Molière.  Cette bâtisse fut le siège de la famille du même nom issue des sires de Font. Il n’en reste qu’un donjon carré qui semble dater du XIIIe siècle. Le reste est en ruine et a servi de carrière aux habitants de Murist pour construire leurs maisons et la cure.

Nous avons pu monter au sommet de ce donjon. On y jouit d’une vue remarquable, la plus étendue de ce coin de pays. Malheureusement, un brouillard qui traînait en fond de vallée nous a empêché de voir notre beau pays de Neuchâtel. Mais, soyez en sûrs, nous reviendrons aux beaux jours. II suffit de demander la clé au restaurant de la Tour à Murist, moyennant le dépôt d’une caution de 50 francs.