Bulletin 12 / Février 1999

Visite Archives de l'Etat de Neuchâtel

Visite des Archives de l'Etat de Neuchâtel, le 14 février 1998

par Germain Hausmann

A 9 heures du matin, 22 membres de notre société se rassemblent dans la Salle Marie de Savoie au château de Neuchâtel. Tout d’abord, notre président présente en quelques mots notre hôte, M. de Tribolet, archiviste de l’Etat de Neuchâtel, qui nous fait aujourd’hui un honneur tout particulier. En effet, il nous reçoit un samedi matin, alors que, comme nous avons pu le constater en entrant, le château est fermé à double tour pendant le week-end. M. de Tribolet précise que seuls, les membres du Conseil d’Etat et quelques très hauts fonctionnaires, ont droit à avoir une clé. Lui-même ne fait pas partie de ces privilégiés et a dû demander le sésame pour nous ouvrir aujourd’hui.

Il nous décrit tout d’abord la magnifique salle dans laquelle nous nous trouvons. Celle-ci est dédiée à Marie de Savoie, l’épouse dès 1478 du comte Philippe de Hochberg, qui fit partie tout d’abord de la cour des ducs de Bourgogne, puis de celle du roi de France. C’est pourquoi cette pièce a subi une influence architecturale bourguignonne. Datent de cette époque les armes des Hochberg sur la cheminée. Des carreaux armoriés, du XVe siècle, découverts en divers endroits du château, ont été réunis ici dans un angle du parquet. Par contre, le mobilier et l’éclairage sont résolument modernes, pour éviter de faire du faux vieux. Nos prédécesseurs n’ont pas eu le même souci, puisque le plafond, d’aspect assez ancien, n’est en fait qu’une reconstruction récente.

Attardons nous encore sur le tableau représentant en pied Jean-Pierre Chambrier d’Oleyres (1753-1822), qui fut le seul gouverneur de la principauté de Neuchâtel originaire de notre canton. En effet, le roi de Prusse, comme c’était la coutume alors, ne nommait pour le représenter à Neuchâtel que des étrangers à la Principauté, le plus souvent des huguenots réfugiés à Berlin, mais aussi quelques Prussiens

Mais passons maintenant aux Archives. Elles sont situées au château de Neuchâtel, porte n° 4, en sous-sol par rapport à la cour. Cet emplacement, charmant par son environnement architectural, comporte cependant quelques inconvénients, le principal étant le manque de place. L’année dernière, ce service recevait en moyenne 12-13 lecteurs par jour. Cette fréquentation est tout à fait normale par rapport au nombre d’habitants de notre canton. Cependant, à cause de l’exiguïté des lieux, seules, 10 places de travail sont prévues pour les accueillir. En jour d’affluence, certains lecteurs, arrivés en cours de journée, ne peuvent être servis, car on ne sait où les placer. Ce manque de place se retrouve dans les lieux où sont entreposés les documents. Certaines séries commencent à se trouver à l’étroit dans leurs rayonnages et ne peuvent plus s’étendre.

Il convient aussi de s’interroger sur le rôle de l’archiviste. Pour beaucoup de gens, ce personnage ne sert qu’à conserver de vieux parchemins, des documents poussiéreux sans utilité immédiate, bref gère une sorte de musée. Il faut lutter contre cette image muséographique du métier. Au contraire, l’archiviste doit suivre l’actualité et être en rapport constant avec les autres services de l’Etat. Son rôle consiste principalement à éviter à ce que des documents pourrissent dans les greniers, ne soient détruits lors de déménagements, ne disparaissent pour des problèmes juridiques (par exemple qu’on élimine des pièces simplement «parce qu’est écoulé le délai légal de conservation de 10 ans »). La récente affaire des fonds juifs en déshérence a montré à quel point des destructions massives et peu soucieuses de l’Histoire peuvent être dommageables à un Etat, tant du point de vue de son image de marque que de ses finances. L’introduction de l’informatique pose aussi de nombreux problèmes de conservation, tant du point de vue juridique (ce point est désormais réglé à Neuchâtel) qu’à propos du support matériel portant l’information. L’archiviste doit en fait veiller à ce que les générations futures puissent garder un souvenir tangible de notre temps. Sa tâche de gardien de la mémoire est d’autant plus importante que, par l’apparition de nouvelles techniques et une certaine américanisation de notre société, la conscience historique se perd dans notre pays.

Mais il est temps de visiter les Archives de l’Etat. Nous descendons d’un étage pour nous trouver à la réception. C’est là que le nouvel arrivant doit s’inscrire, c’est aussi là qu’il demande les divers inventaires des archives. Ceux-ci sont fort nombreux, ils donnent par exemple la liste des registres paroissiaux, des reconnaissances de biens, des rentiers, des registres notariés, etc. Ils font même l’analyse de certains documents précieux (par exemple la liste des noms de famille apparaissant dans les extentes du XIVe siècle).

Puis le lecteur descendra dans la salle de lecture où il consultera les documents qu’il a commandés. Généralement, le généalogiste commence par recourir aux registres d’état civil. Rappelons cependant au novice qu’il ne verra pas les plus récents s’il ne possède pas une autorisation délivrée par le Département de justice. En outre, les registres paroissiaux antérieurs à 1852/1854 ne sont pas consultables, afin d’éviter qu’ils ne soient détériorés par de trop fréquentes manipulations. Il conviendra aux lecteurs qui s’occupent de ces périodes, de visionner leur copie sur microfilms.

Le généalogiste peut aussi consulter le fichier d’état civil. En effet, les archivistes de l’Etat et leurs aides ont constitué au cours de ce siècle un remarquable fichier, rassemblant l’ensemble des faits d’état civil qui se trouvent dans les registres paroissiaux, complété par des notes biographiques tirées de registres notariés, de manuels de justice, des manuels du Conseil d’Etat, etc. Ces fiches, classées par ordre alphabétique puis, pour un même personnage, par ordre chronologique, donnent une foule de renseignements sur la majorité de la population neuchâteloise entre 1650 et 1850. Elles couvrent aussi les autres périodes de notre histoire, de façon moins systématique cependant. A côté de ce fichier général, se trouvent des fichiers thématiques, consacrés par exemple aux agrégations, aux pasteurs neuchâtelois, aux officiers de la Principauté, aux Neuchâtelois de l’étranger, etc. Une liste que nous mettons en annexe de ce procès-verbal vous permettra d’en entrevoir la richesse.

Lorsque les registres paroissiaux manquent, on doit recourir à un autre type de source : les reconnaissances de biens, qui généralement permettent de faire remonter nos généalogies jusque vers 1500. N’oubliez pas en outre que les rentiers peuvent à certaines occasions dénouer des situations confuses et embrouillées. Mais, notre travail ne consiste pas seulement à aligner des générations, à reconstituer des familles. Il s’agit pour nous aussi de donner un peu de corps à une simple énumération de noms et de dates. Pour ce faire, il convient tout d’abord de consulter les « Dossiers particuliers ». Chaque famille neuchâteloise a le sien. On y trouve un peu de tout : des coupures de presse, des esquisses généalogiques, des actes d’état civil, certaines fois des parchemins, bref une mine de renseignements toujours utiles. Dans des domaines plus précis, le chercheur qui veut savoir où résidait son ancêtre, peut chercher dans les registres de l’Assurance contre l’incendie (depuis 1812). S’il a du temps, il compulsera avec bonheur les registres notariés d’où il tirera de nombreux renseignements biographiques. Les registres de passeports lui permettront de connaître la date d’émigration de son parent, etc. Bref, les Archives de l’Etat sont une source inépuisable pour tout généalogiste curieux.

Au travers de ce bref exposé, nous avons voulu esquisser à très gros traits les possibilités de recherches dans notre dépôt. Nous espérons que cette brève introduction vous aura permis de mieux connaître notre service, notre tâche et nos difficultés.

Cette visite s’est terminée au douzième coup de midi.