Bulletin 13 / Août 1999

Bizarrerie pseudonymique

par Eric-André Klauser

En terminologie anthroponymique, un pseudonyme est un faux nom, un nom d’emprunt sous lequel, pour des raisons diverses, un artiste, un journaliste, un résistant, un politicien etc. dissimule sa véritable identité. Ce substantif vient du grec pseudônumos, composé de pseudos : mensonge, et onoma : nom. Par exemple, André Maurois est le pseudonyme d’Emile Herzog ; Lénine, celui de Vladimir Ilitch Oulianov ; Edith Piaf, celui de Giovanna Gassion ; Michèle Morgan, celui de Simone Roussel ; Chaban, celui de Jacques Delmas, dit Chaban-Delmas après la guerre ; Bourvil, celui d’André Rainbourg ; Voltaire, celui de François Marie Arouet.

Parmi les innombrables pseudonymes masquant le prénom et le patronyme légaux de tel homme ou de telle femme, il en est un dont le cheminement à travers le temps et l’espace est plutôt curieux. Né à Rome en 1492, Giulio Pippi, après avoir été l’élève de Raphaël, devint un peintre et un architecte célèbre sous le pseudonyme de Jules Romain, en italien Giulio Romano ; il mourut en 1546. Or, près de quatre siècles plus tard naissait à Saint-Julien-Chapteuil (Haute-Loire, France), en 1885, un certain Louis Farigoule, futur normalien et agrégé de philosophie ; entré en littérature (poète, romancier, dramaturge, essayiste, satiriste, journaliste), il décida de signer ses œuvres d’un pseudonyme et choisit celui qu’avait imaginé Giulio Pippi, tout en lui ajoutant un « s » final : Jules Romains, auteur de « Knock ou le Triomphe de la médecine », de « Les Copains » et de « Les Hommes de bonne volonté », mort en 1972 à Paris.

« Vous avez dit bizarre ? Comme c’est bizarre ! » (Marcel Carné et Jacques Prévert : « Drôle de drame »).