Bulletin 13 / Août 1999

Lettre de Mme Brinkmann

Copie d'une lettre adressée à M. P.-A. Borel par Mme Marguerite Brinkmann, petite-fille de l'écrivain neuchâtelois Louis Favre

Neuchâtel, le 28 octobre 1970
5 rue Louis Favre

Cher Monsieur,
Vous ne pouvez pas vous imaginer le plaisir que vous m’avez fait en m’envoyant ce journal contenant le récit de toute la vie, et surtout de toute la jeunesse de mon grand-père Louis Favre ! Je suis au fond de mon lit toussant, toussant à me décrocher les poumons, et toute seule, bien sûr, lorsque ma fidèle femme de ménage m’a apporté votre pli! Je me suis tout d’abord creusé la tête: « qui a bien pu m’envoyer ça ? » Une illumination : mais le monsieur à qui j’avais offert « Ma vie d’étudiant », souvenirs de jeunesse, une conférence que mon grand-père avait faite je crois aux Belletriens. Il est beau sur cette photo ! Mais il était resté très bel homme jusqu’à la fin de sa vie. Il était resté droit comme un i, faisant tous les jours de la gymnastique avec des haltères ou avec une canne.
« Raide comme un piquet » m’a dit un de nos amis, plein de jalousie, car l’ami en question marchait plié en deux comme un canif à demi refermé, chose que j’ai pensé mais que je n’ai pas osé dire au jaloux en question ! Il l’aurait bien mérité, cet affreux jaloux. Je chercherai encore parmi mes paperasses et trouverai peut-être encore quelque chose qui pourra vous intéresser pour votre musée. Votre article est parfait et extrêmement intéressant. Moi qui n’ai connu mon grand-père qu’alors qu’il était déjà âgé, et qui lui dois beaucoup car il m’a donné le goût du travail et surtout celui de la botanique et de la mycologie, car chaque promenade était un cours d’histoire naturelle ! Souvent, en rentrant à la maison, ayant trouvé une plante rare ou particulièrement intéressante, il s’installait devant sa table de travail et en faisait une aquarelle. Jamais je ne l’ai vu s’ennuyer, trouver le temps long; il s’intéressait à tout. Sa conversation était toujours intéressante, même parfois un peu pédante ; il se croyait toujours « donnant un cours ». Dire que ça nous plaisait vraiment lorsque nous étions des enfants serait peut-être exagéré ! Mais vers l’âge de 14 ou 15 ans, lorsque j’habitais chez lui pour suivre les classes de 1ère secondaire ou d’Ecole supérieure, j’ai découvert quel trésor je possédais là près de moi et que je
n’avais qu’à écouter et me laisser « imbiber de science », comme une éponge, pour devenir instruite! J’ai une grande vénération et une grande reconnaissance pour mon grand-père.
Voilà une bien longue réponse pour vous remercier de votre si aimable envoi. Heureusement que mon écriture « à l’ancienne mode » est très lisible ! !
Merci encore et recevez mes très sincères compliments.