Bulletin 19 / Automne 2002

L'heure verte

L'heure verte, les officiers supérieurs et les pasteurs du Val-de-Travers

par Denis Borel et Eric-André Klauser

L’incident de l’automne 1939, mémorisé par ces deux lettres et par le dessin caricatural dû à l’artiste neuchâtelois Eric de Coulon (1888-1956), a eu lieu à la suite d’une rencontre entre états-majors de la 1e division (divisionnaire Gustave Combe) et de la 2e division (divisionnaire Jules Borel, 1884-1963, père de l’auteur de cette communication), rencontre destinée à définir les limites tactiques entre brigades frontière 1 et 2 dans la région de la Vraconnaz (entre Sainte-Croix et la Côte-aux-Fées).

En termes apéritifs, « l’heure verte » est le moment où, avant un repas, l’on sirote rituellement un verre de « fée verte », autrement dit l’absinthe, légale ou clandestine, dénommée simplement « elle » au pied des six officier supérieurs. En 1939, cet élixir vallonnier état déjà prohibé par l’article 32 ter de la Constitution fédérale (entré en vigueur le 7 octobre 1910) et était frappé de diverses interdictions (fabrication, importation, vente et détention pour la vente), mais, ô paradoxe ! il était tout à fait licite d’en posséder pour son usage personnel et d’en boire…

Lettre des pasteurs du Val-de-Travers

La réaction des pasteurs du Val-de-Travers en 1939 est fort surprenante, en particulier dans la mesure où l’un des leurs, lors de la campagne antiasinthique qui précéda la votation fédéral du 5 juillet 1908, avait été un des plus ardents défenseurs des cultivateurs des plantes aromatiques produites dans la région (grande et petite absinthe, hysope, mélisse et menthe poivrée) : Georges E. Vivien, qui fut conducteur spirituel de la paroisse « nationale » de Môtiers de 1902 à 1914.

Quant à l’endroit du « délit », dénoncé par les ministres de l’Evangile – l’Hôtel central de Couvet -, il existe encore et toujours au N°27 de la Grand-rue, en bordure septentrionale de la place des Halles.

Autour du divisionnaire Jules Borel, commandant de la 2e division de 1938 à fin 1940, on reconnaît sur la pochade de Coulon, de gauche à droite : le premier lieutenant Marcel Etienne, officier des gaz, brigade forestière 2 ; le major Albert de Coulon, chef d’état-major, brfr 2 ; le capitaine Robert-Tissot, adjudant brfr 2 ; le colonel Louis Carbonnier, commandant brfr 2 ; et le major Schmidhauser, commissaire des guerres brfr 2.