Bulletin 24 / 2004

Strophes de Philippe Godet

Strophes de Philippe Godet, 1850-1922, poète historien, dédiées à des mariés des Ponts-de-Martel

Aux Ponts-de-Martel qui le nierait
Un rien met en l’air les cervelles
Il n’existe point de secret
Et l’on y sait bien des nouvelles

Et les nœuds à peine formés
Qu’on ne s’épouse ni ne s’aime
Sans que tous en soient informés
Avant l’heureux couple lui-même

Oh! le mariage nouveau
Quell’ pâture, quelle aubaine!
Chacun puise en son cerveau
La seule version certaine.

On vous dira tout le roman
Jusqu’au détail le plus intime,
S’il s’agit d’amour véhément
Ou d’une mutuel’ estime

Si c’est coup de feu imprévu
Ou d’amitié déjà vieille.
Combien de fois l’on s’était vu,
Ce que l’on s’est dit à l’oreille.

Où le cœur du monsieur prit feu…
Au bal, au temple, au patinage,
Si, pour un timide aveu
Il prit à deux mains son courage.

Si le garçon paraît féru
Si la fille est démonstrative
Si le beau-père, homme bourru
Est porté pour la négative.

Si la mère a versé des pleurs,
Ce qu’a dit l’oncle, si les tantes
Aux conseils apportant les leurs
Ont fait mine d’être contentes.

Puis on vous décrit tout le trousseau
Et les nippes de la promise
Brin par brin, morceau par morceau
Depuis la robe à la chemise.

Surtout on vous dira le jour
Où, dans l’église bien remplie
Sera consacré cet amour
Date heureuse que nul n’oublie.

En ce jour trois fois solennel
Tout ce qui porte le nom de femme
Dans le village des Ponts-de-Martel
Aimerait mieux perdre son âme..

..Que de manquer au grand devoir
D’aller, comme au plus beau dimanche,
A l’église où l’on pourra voir
La mariée en robe blanche..

Et, psalmodiant maintenant,
Chacun sur son banc s’incline
Pour voir si la robe vraiment
Est de soie ou de mousseline!