Bulletin 27 / Décembre 2005

Les Jaquet-Droz du Locle et de la Chaux-de-Fonds, bourgeois de Valangin

par Pierre-Arnold Borel

Les Noires Joux, nom si évocateur pour décrire nos montagnes, austérité d’un paysage où le sapin domine, robe sombre, égayée pourtant par une multitude de joyaux colorés, nos fleurs. Les Noires Joux d’abord, puis aussi, « Le Clos de la Franchise », après les privilèges accordés par les seigneurs de Valangin aux premiers colons.

1151 – Trois siècles passent depuis que les moines et les frères convers de Fontaine André se sont établis dans la vallée du Locle, suivis par les taillables, de serve condition.

Première génération

1439 – PIERRE DROZ, descendant de ces défricheurs, marie sa fille à Jehan Taillard, du Locle. (Taillard signifie porteur d’épée).

Deuxième génération

JEHAN est venu s’établir sur les terres de son beau-père. Les enfants porteront, de ce fait, le nom de famille de leur mère et abandonneront celui de Taillard.

Troisième génération

JAQUET et son frère Othenin se partagent les terres ancestrales des Escharbots sises Es Plattures.

1502 – Fiers de leurs libertés, ils confirment également leurs droits d’hommes libres et de bourgeois de Valangin.

La tribu Droz s’agrandit, les homonymes foisonnent. Pour pouvoir les différencier, on ajoute le prénom du père: on voit l’Othenette chez Humbert DROZ, ensuite Pernette chez Blaise DROZ ou Pierrolet chez Jaquet DROZ. 

1528 – Jaquet est mort depuis peu de temps, ses enfants sortent d’indivision en se partageant le maix de leur père, qui est de 133 3/4 faux cultivables.

Quatrième génération

Pierre s’établit aux Cernayes du Locle, Jehan à la Haute Fye. C’est de lui que descend la branche dite du Valanvron, encore largement représentée au XVIIIème siècle. Il a cinq fils: Loys, Guillaume, Pierre, Jehan et Blaiset, et une fille nommée Perrenon.

22 février 1533 – Blaise se fixe aux Esplatures; il occupe la charge de gouverneur du Locle. Dame Guillemette de Vergy lui accense aussi un maix au Valanvron.

Estevena, soeur de Pierre, de Jehan et de Biaise, épouse Girard Montandon fils de Petitjehan du Locle, tandis que sa sœur, Pernette, semble rester célibataire.

OTHENIN, sixième enfant de Jaques, a laissé peu de traces. On sait qu’il reprend partiellement le maix de famille.

Cinquième génération

24 mars 1538 – Il laisse deux filles, Thiébaulda et Biaisa. Cette dernière, lors de son mariage, donne une quittance de dot à son père pour un beau trossel, 2 faux et demie de terre, une bonne vache laitière et une brebis.

Elle épouse un certain Antoyne fils de Symon, venu de la paroisse de Semur en Bourgogne.

08 juillet 1552 – 25 août 1580 – BLAISE, le fils unique, franc habergeant et bourgeois de Valangin reconnaît posséder 71 faux de terre à l’envers des Esplatures avec un maix aux Escharbots. Par la suite, il achète encore un autre maix au Valanvron.

Sixième génération

12 septembre 1585 – JONAS paraît être également fils unique. C’est un fort beau parti, aussi peut-il prétendre à la main de Biaisa Droz, la fille de Jehan du Locle. Sa dot est bien coquette: mille livres faibles, un trossel, un bon lit et une vache laitière valant 25 livres
faibles!

Septième génération

3 février 1651 – ABRAM, le fils aîné, conserve le domaine des Esplatures, tandis que Jean, le cadet, va s’établir à La Prise Gaultier sur Couvet.
29 décembre 1660 – Nous voyons Abram dans sa ferme du Foulet s’occuper d’élevage et d’agriculture. En hiver, les femmes font de la dentelle, les hommes aussi, peut-être, puisqu’on parle de dentelliers! On file le chanvre cultivé dans les chenevières. La famille Jaquet-Droz a peut-être figuré également parmi les premiers paysans horlogeurs du pays.

La politique ne laisse pas Abram indifférent, puisqu’il est nommé conseiller du Locle. Pour parfaire son bonheur, Magdelaine Jacot-Parel du Locle lui donne sept enfants.

✞ 27 février 1678

Huitième génération

Louise, femme de David Robert, fils de Jacques; Jacqua, Magdelaine et Marie; une de ses trois dernières filles a épousé Jacques Courvoisier-Clément; mais laquelle? Abram, Moyse, qui conserve le bien des Esplatures. Rompant avec la coutume ancestrale, PIERRE quitte la juridiction du Locle et vient s’établir à La Chaux-de-Fonds. Il achète au Grand Quartier de la Vieille Chaux, une maison avec un four pour cuire le pain, un courtil et un droit de participation à la fontaine du village.

2 décembre 1661 – Il achète encore un autre domaine avec terre arable, cernil, bois, pâquier et allée d’arbres de la maison au chemin public. On semble pouvoir situer ce dernier « Sur le Pont » où vit également la famille de sa femme. Marchand drapier comme son beau-père, Pierre Jaquet-Droz devient un important personnage du village. Membre du Conseil des Vingt et du Conseil de justice, il rendra de nombreux services à la communauté.

3 avril 1708 – Afin d’améliorer la position de ses fils, il leur alloue à chacun une avance d’hoirie de mille écus petits.

✞ 27 avril 1708

Magdelaine Amey-Droz survit vingt ans à Pierre, son mari; elle est fille du marchand drapier Josué Amey-Droz, gouverneur de la mairie, et de MAGDELAINE SANDOZ fille de Jean fils Willemin, et petite-fille d’Abraham Amey-Droz, fils de Josué, fils d’Amey, fils de Claude Droz, fils d’Otheneret et de Jehanne Robert, fille de Guillaume.

✞ 26 mai 1740

Neuvième génération

Pierre dans son testament cite ses enfants: Anne-Marie, Fredrich, Suzanne, l’épouse de Josué Huguenin-Junet, ancien d’église et justicier; Magdelaine, la femme de Jonas Montandon des Eplatures. Quant à Moyse « policeur et graveur », il épouse Lucrèce Sandoz dite « des Orgues ».

Né le 14 décembre 1686 – ✞ 28 décembre 1711 – ABRAM retient le maix « Dessus le Pont » où il fait de l’élevage (24.12.1767). Lors d’une vente de deux taureaux de l’année, de poil noir et blanc (28.10.1711), pour lesquels il retire la somme de 645 batz, il assure à l’acheteur qu’ils sont en parfaite santé, ayant pâturé tout l’été l’excellente herbe de Pouillerel!.

C’est dans la maison voisine « Sur le Pont » qu’il a trouvé femme.

Marie-Magdelaine est la fille du capitaine des milices de la compagnie du Valanvron, Daniel Droz, fils de Daniel, fils de Pierre, bourgeois de Valangin. ✞ 30 novembre 1749 à env. 60 ans.

Dixième génération

Encore une fois, un fils unique et trois filles. Marie-Magdelaine, Anne-Marie et Suzanne-Marie, qui meurt d’apoplexie le jour de ses noces avec David Robert, l’officier des milices. Tout ceci pour arriver à PIERRE, notre célèbre créateur d’automates. Né le 28 juillet 1721.

1738-1740 : Il étudie la philosophie à l’université de Bâle.

22 octobre 1747 : Il passe un contrat pour une horloge qu’il a confectionnée; serait-ce la première?
C’est son mariage avec Marianne Sandoz-Gendre, fille d’Abram-Louis juré en renfort de La Chaux-de-Fonds, petite fille de Jacques Sandoz Gendre, justicier. Et d’Elisabeth Guyot, arrière-petite-fille d’Abraham Sandoz-Gendre et de de Judith Sandoz, fille de Jacques Sandoz du Locle. Anne-Marie Robert, sa mère, femme d’Abram-Louis Sandoz-Gendre est la fille d’Abram Robert du Cernil des Combes à Pouillerel, fils d’Abram Robert et de Suzanne Humbert-Droz, fille d’Esaïe Humbert-Droz de la Sombaille, fils de Josué. Esaïe Humbert-Droz de la Sombaille a épousé Suzanne Amey-Droz, fille de David, conseiller, fils d’Abram, résidant aux Endroits du Cemil-Antoine.

Marie-Anne, la femme de Pierre Jaquet-Droz, meurt des suites de couches ✞ 27 décembre 1755, laissant à Pierre Jaquet-Droz trois petits enfants: Henri-Louis, Julie, qui deviendra Madame Jacques-Louis Perrot, de Neuchâtel, et Charlotte.

Onzième génération

HENRI-LOUIS, collaborateur de son père, meurt prématurément de phtisie à Naples. Avec lui s’éteint la descendance mâle de cette branche, mais leurs chers enfants, les automates Jaquet-Droz, gardent grâce au remontoir, une vie magique. Né le 13 octobre 1752 – ✞ 15 novembre 1791.

Pierre Jaquet-Droz (1721-1790)

N’est-ce pas merveilleux que des personnages faits de main d’homme défient les siècles et nous enchantent par leurs gestes précis d’automates? C’est eux qui perpétuent le nom de JAQUET-DROZ.

Avril 1971