Bulletin 28 / Mai 2006

Histoire de la fondation de l'Hôpital Pourtalès de Neuchâtel et celle de son bienfaiteur

par Pierre-Arnold Borel

Préambule: Venu d’une famille huguenote des Cévennes à Genève pour y rejoindre son frère Louis, Jérémie Pourtalès se marie dans la ville de Calvin. Il gagne ensuite définitivement Neuchâtel avec femme et enfants. Jacques-Louis Pourtalès, son fils aîné deviendra très important dans cette ville où on l’appellera « le Grand Pourtalès ».

Jacques Louis de Pourtalès
Fondateur de l'Hôpital
1722 - 1814

Jacques-Louis Pourtalès est fils de Jérémie; né à Genève le 9 août 1722. Bourgeois de la ville de Neuchâtel depuis de nombreuses années il reçoit le titre de bourgeois d’honneur de Fleurier le 1er août 1811; aussi bourgeois de Valangin, communier des Ponts-de-Martel et du Locle. En 1814 Frédéric-Guillaume III de Prusse, prince de Neuchâtel, lui confère, ainsi qu’à ses trois fils, le titre de comte. 

Créateur des importantes fabriques de toiles peintes de Cortaillod, Jacques-Louis cimente la base d’une immense fortune qu’on évaluera à une quarantaine de millions, fortune dépassant celle des monarques de l’époque. Ses nombreux comptoirs de vente et ses
maisons de commerce situés dans les principales villes d’Allemagne, de France, d’Italie et même de Russie, le firent surnommer « Roi des négociants ». En une cinquantaine d’années, les frais de transport et de voyages d’affaires s’élevèrent à environ quatre cent mille francs. Les indiennes de Cortaillod, grâce à lui, furent connues dans toute l’Europe et même au-delà. Au début du XIXème siècle, Jacques-Louis se retire des affaires à la suite de la fermeture des marchés de France et d’Italie. C’est alors qu’un beau sentiment de reconnaissance fleurit en son esprit. Les privilèges et les bienfaits dont Dieu l’avait gratifié font qu’il se voit redevable envers ses compatriotes infortunés; la pauvreté et la maladie lui semblent injustes et c’est à ce moment-là qu’il fonde son hôpital. Il fait bâtir son hôpital pour indigents. Pour l’édification de l’hôpital il assigne sur ses biens la somme de six cents mille francs or de France. Dans l’acte daté du 14 janvier 1808, il demande que ses descendants s’intéressent à cette œuvre et soient membres du Conseil d’administration. Sa colossale fortune est due « au travail, à l’économie et à l’ordre ». Son hôpital doit porter son nom. Encore en 2006, après agrandissement et rénovation c’est toujours l’Hôpital Pourtalès, le Nouvel Hôpital Pourtalès.

Jacques Louis de Pourtalès, décédé le 20 mars 1814, est enterré dans le jardin de son hôpital, selon son désir.

Quatre sarcophages monumentaux forment une croix, le sien et ceux de ses trois fils; et dans le petit cimetière familial reposent aussi une quinzaine de personnes de la famille.

Le 23 avril 1823 la famille du comte de Pourtalès remet à la Fondation de l’Hôpital un grand domaine viticole, dont les revenus doivent financer les soins donnés aux malades. Actuellement encore les revenus de ce domaine reviennent à la Fondation Pourtalès.

Il serait amusant ici de relever un trait de sa façon de vivre: Jacques-Louis s’inquiétait de voir le français prendre petit à petit prédominance sur le patois neuchâtelois. Pour lutter contre cette mode il exigeait que toute sa maison parle le patois; il renonçait même aux services d’un de ses employés s’il l’entendait parler français. Ce qui suit est tiré d’un de ses discours devant les députés du Val-de-Ruz, en 1812:  » ..vo me fate quasi vergogne, é n’y a ré ten a r’marcha, l’bon Dieu m’a gran béni et sé qué n’è pas djust k’i fasse otté par lui savai gré? pour dire dans la langue « étrangère » pour lui:  » vous me faites presque honte, il n’y a pas tant à remercier, le bon Dieu il m’a bien béni, n’est-il pas juste que je fasse quelque chose pour Lui ?.. »

Le 29 juin 1769 Jacques Louis épouse damoiselle Rose Augustine de Luze fille de Jean-Jacques, et de Françoise Warney, de Sainte-Croix; née le 6 janvier 1754, décédée le 15 février 1791. Elle avait trente ans de moins que son mari, ce qui explique ce qui suit: le prince de Hesse-Kassel, invité chez la comtesse de Pourtalès de Luze est subjugué par la somptuosité du bal digne des cours royales…L’épouse du richissime fabricant d’indiennes et banquier était dite « la reine des femmes ». De concert avec son amie madame Henriette du Peyrou née de Pury, elle aimait recevoir pour des bals, des dîners, des concerts, des comédies théâtrales. Encore des fêtes sur le lac des promenades masquées dans les rues de Neuchâtel, abondance d’amusements, courses en traînaux, etc..

Rose Augustine donne naissance à six enfants:

  • Louis né en 1773, décédé en 1848; comte, commandeur et chevalier de l’Ordre de l’Aigle rouge. En 1816 il est député aux Diètes de Zürich et de Berne. Le 20 avril 1795 il épouse Sophie de Guy d’Audanger fille de Louis communier de Fenin, bourgeois de Neuchâtel. Dont descendance.
  • Charlotte Molly Rosalie 1775 – 1780
  • Jämes Alexandre 1776 – 1855, comte, seigneur et châtelain de Gorgier; chambellan du roi de Prusse; époux d’Anne- Henriette de Palézieux-Falconnet. Dont descendance.
  • Jules Henri Charles Frédéric 1779-1861; comte, seigneur de Tloskau-Lischna et Kirchleb en Bohême. Propriétaire des châteaux d’Oberhofen et de Greng. A épousé, en 1811, Marie-Louise Elisabeth de Castellane-Norante. Dont descendance.
  • Pierre-Edouard 1780 – 1781
  • Adèle-Henriette 1787 – 1789.

Jérémie Pourtalès fils de Jean. Né au Castanet-des-Perdus le 14 janvier 1701. D’une lignée de paysans cévenols, s’exile pour pouvoir laisser s’épanouir en liberté sa foi de huguenot. Séjourne quelque temps à Genève avant de s’installer définitivement à Neuchâtel. Il est drapier, il obtient la naturalisation le 12 juin 1724. Puis la bourgeoisie le 12 décembre 1729. Frédéric II roi de Prusse l’honore de lettres de noblesse en date du 14 février 1750. Jérémie de Pourtalès, négociant en indiennes neuchâteloises est aussi agent de change et ouvre une banque à Lorient sous le nom de Bérard frères, de Pourtalès et Cie.

Jérémie achète des vignes à La Recorbe, octogénaire il viendra s’y reposer. Son épouse est Esther-Marguerite de Luze fille de Jacques bourgeois de Neuchâtel et manufacturier d’indiennes, et de Marguerite Bourgeois, d’Auvernier. Baptisée le 2o mars 1695, décédée le 24 avril 1778. Ils ont: 

  • Jacques-Louis ligne directe né en 1722.
  • Susanne-Marguerite née en 1724
  • Marianne aussi née en 1724
  • Jean-Jaques né en 1726, meurt jeune
  • Henri 1728-1796. A été pasteur à Peseux durant 24 ans; par succession il hérite des vignes de La Recorbe. Il a épousé Henriette de Tribolet fille de David bourgeois de Neuchâtel, elle est née en 1722, morte en 1816. Dont descendance.
  • Henriette née en 1729. Epouse François Gibolet pasteur à La Neuveville
  • Anne née en 1731, morte enfant.
  • Sophie 1733-1741
  • Paul né en 1735; épouse Henriette de Gégnillas; dont descendance.
  • Jean-Jérémie 1737-1740
  • Jean-Jaques né en 1738, meurt bébé.

Jean Pourtalès est fils de Paul; du Castanet des Perdus aux Cévennes. Né le 21 octobre 1648, baptisé protestant. Consul à Lasalle en 1679. Lors de la Révocation de l’Edit de Nantes en 1685, son abjuration est forcée, sa femme et lui signent l’acte pour sauver leurs biens familiaux car ils ont un commerce considérable de marchands drapiers et d’importants troupeaux de moutons Il prête aussi de l’argent aux paysans à 6 % d’intérêt l’an. Avec cet acquis il peut aider les huguenots à s’enfuir du royaume de France. En 1681, à Quissac, il avait épousé Susanne Molles fille d’Etienne seigneur de Pierredon au Languedoc; Etienne, son père est pasteur; Susanne est un beau parti, elle apporte en dot une bague en or montée d’un diamant ainsi que 2000 livres faible monnaye or. Ils sont parents de:

  • Susanne née en 1682. Elle se marie en 1702 avec Jean Viala, du Serre. Ils vont à Genève sauver leur vie de huguenots.
  • Grasinde 1683-1689
  • Jeanne née en 1686; épouse Pierre Puech, de St.-Hippolyte-du-Port.
  • Etienne 1688-1703
  • Jean 1689-1739; époux de Jeanne Moynier, de Cros. Fondateurs de la branche qui demeure cévenole.
  • Louis 1692-1751. Epoux de Catherine Mazette, de Montpellier. Se réfugient à Genève; négociants. Leur branche s’éteint au XVIIIème siècle.
  • François né en 1694; procureur à Lasalle. Epoux d’Elisabeth Féminier.
  • Pierre né en 1698; marchand à Nîmes; sa femme est Marguerite de Saillans.
  • Jérémie ligne directe né en 1701
  • Etienne né en 1703, prend le prénom de son frère mort cette année-là. Il épouse Marie-Philippine Martinesque. Ils s’enfuient à Hambourg.
  • Paul né en 1706. Va vivre à Valenciennes; épouse N. Dumoustier de Watter, dont descendance.

Lire autres détails dans le « Livre de raison et chronique de la famille de Pierre » page 62.de Pierre-Arnold Borel.

Paul Pourtalès est fils de Jaques, du Castanet des Perdus. Né vers 1610. Décédé le 19 mars 1698, enterré dans sa vigne sans les sacrements de l’Eglise catholique. Le 30 juillet 1634 il achète un quintal de laine blanche de brebis pour 115 livres or. Négociant influent à Lasalle; achète le droit de regrattier c’est-à-dire vendeur de sel. C’est dans le commerce de la laine qu’il fait fortune.

Le 22 février 1642 il se marie avec Marie Fabrègue fille de Jaques, du mas de Gazel. Elle apporte en dot la maison de Lasalle que leurs descendants habiteront pendant deux siècles. Leurs enfants sont: 

  • Susanne née en 1644. Avec son mari François Durant, comme huguenots, ils s’enfuient.
  • Jeanne née en 1646, épouse Jehan Novis, de Montnoblet
  • Jean ligne directe né en 1648
  • Marie 1652-1654
  • Jaquette née en 1655; se marie avec Pierre Bastide marchand à Lasalle.
  • Anthoyne 1668-1669
  • Isaac 1669, meurt jeune.

Jaques Pourtalès du Castanet des Perdus, est le fils d’Antoine. Il est fustier au dit village. Il y est paysan et y élève une grande famille avec sa femme Isabeau Salles qui est aussi d’une famille cévenole. Isabeau est citée en 1644 comme étant la marraine de sa petite-fille. Ils ont eu: Jean, Susanne, Fulcarand, Antoine, Pierre et Paul ligne directe.

Le 21 mai 1914, l’écrivain Guy de Pourtalès découvre le berceau de sa famille.. ».. origine la plus émouvante que l’on puisse imaginer, « le Castanet des Perdus »; c’est un lieu sauvage, peuplé de sangliers, couvert de châtaigniers millénaires, avec des vues grandioses jusqu’à l’Aigoual. Cet humble et modeste hameau de cinq à six mas abandonnés, solitaires, fut le berceau de ma famille. Vieille terre cévenole, je te salue !… sur l’une des portes, j’ai lu – 1717 – , sur l’autre J.P. peut-être Jérémie Pourtalès ?.. »

Antoine Pourtalès fils de Pierre. Berger et fustier au Castanet des Perdus. Il est le premier de la famille à s’intéresser et à suivre les nouvelles idées religieuses du protestantisme. Les enfants sont baptisés par un pasteur et portent les prénoms des marraines ou des parrains. L’état civil est inscrit dans les Bibles des familles. Si les jeunes ne pouvaient vivre dans leur pays natal à cause de leur « Religion » ils partaient au loin. Il épouse Catherine de Falguérolles le 3 novembre 1572 à Saint-Martial, par devant Valentin Emonard notaire. Catherine est d’une famille de petite noblesse, de Saint-Martial, dont plusieurs membres huguenots ont terminé leur vie sur les galères du roi. Jérémie de Pourtalès descendant de Catherine et d’Antoine écrit dans une lettre destinée à Jean-Jacques  Rousseau:.. »…l’écuyer de Falguérolles, de Monoblet au Languedoc, se trouve dans une pieuse assemblée huguenote..il s’y fait arrêter. Condamné aux galères perpétuelles par jugement du 13 mars 1692, il est conduit à Marseille et meurt en captivité le 20 septembre 1695, son corps sera enterré par les Turcs. Sa femme est conduite au couvent et leurs trois petits enfants abandonnés… »Catherine a survécu puisqu’elle a épousé Antoine…

Catherine et Antoine sont parents de 

  • Paul tonnelier
  • Jaques ligne directe
  • Pierre. 

Pierre Portalles fils de Claude, du Castanet des Perdus. Né vers 1500. Décédé en 1571. -.. se voyant desja en vieillesse et qu’il n’y a rien de plus certain que la mort et de plus incertayn que l’heure d’ycelle il fait appeler le notaire, le 28ème janvier 1571, en sa mayson pour recueillir son testament Pierre paubre paysan sur une terre ingrate.. Cévenol rische en enfants… Il avait épousé la fille de noble N.. de Bresson, Claude qui lui a donné Antoinette, Claude, Anthoine ligne directe, Jehan, Catherine, et Isabeau.

Claudius Portalesius le premier du nom connu. Du Castanet des Perdus…vit à la montagne du Caylar sur une pente abrupte couverte de chênes et de châtaigners; Claude berger et chevrier y fait paître ses bêtes. Catherine, à la maison au hameau retiré, relié par un masle sentier muletier au village cévenol de Roman de Cordières… texte de Guy de Pourtalès. Catherine Jean sa femme vient du mas de Viala de la paroisse de Saint-Martial. Ils ont: Marceline, Marguerite, Pierre ligne directe, Claude qui, elle, épouse Estienne Cambecedèze, puis Folcarande et Balthazar.