Bulletin 36 / Décembre 2008

Quelques notes à propos des origines de la famille Estévenin, du Locle

par Germain Hausmann

Le compte rendu que j’ai écrit dans ce même bulletin traite de la famille Grosclaude jusqu’à son ancêtre, Claude Estévenin dit le Gros Claude, du Locle, qui vivait au début du XVIe siècle. Il se trouve que ma famille est elle aussi originaire du Locle, ce qui m’a amené à faire des recherches assez poussées non seulement jusqu’à la première reconnaissance datant de 1507, mais aussi pour les siècles antérieurs. Les sources sont alors fort rares et fort lacunaires, qui plus est de lecture difficile. Il s’agit le plus souvent de comptes ne donnant que le patronyme de celui qui paie l’impôt et la quotité de celui-ci. Il est très rare que des filiations apparaissent. Ces renseignements ne permettent pas d’établir des généalogies. Il nous faut procéder par hypothèses dont voici un exemple : si on rencontre un Jean Robert qui paie telle redevance jusqu’en 1471 et que dès 1472 on voit qu’un Humbert Robert est redevable à son seigneur de la même somme, on peut raisonnablement penser que le second est le fils du premier et qu’il lui a succédé.

En faisant mes recherches et vu la difficulté d’accès aux sources, j’ai systématiquement noté l’ensemble des Loclois que je rencontrais. Pour ma famille, je notais scrupuleusement tous les renseignements possibles, pour les autres lignées je me contentais de relever le prénom et le patronyme. C’est à partir de ce matériau très lacunaire que j’ai rédigé les lignes qui suivent. Il ne s’agit que d’une première approche grossière de la question que seule une étude attentive et complète des sources pourrait rendre définitive. Nous  n’avons là qu’une ébauche qui pourra être très éloignée de la version définitive.

La famille Estévenin apparaît au Locle en 1439 en la personne de Jean (AENeuchâtel, Recettes diverses 168). Il descend sans doute d’un des nombreux personnages prénommés Estévenin dans les années qui précèdent, comme par exemple Estévenin de La Jaluse cité de 1415 à 1421. Mais aucune certitude à ce sujet, car ce prénom est courant à l’époque et une demi douzaine de personnes pourrait prétendre à être l’ancêtre éponyme de cette lignée. Pour en revenir à Jean Estévenin, il est encore cité en 1461, en 1463 et en 1467 (AENeuchâtel, H 18/10). Il a un fils, Matthieu, mentionné en 1463 (AENeuchâtel, H 18/10), en 1469 et en 1470 (AENeuchâtel, D 18/10).

En 1469, sont mentionnés les enfants (anonymes) de Pierre Estévenin (*AEN, D 10/18). Il s’agit sans doute de Jean Estévenin qui est aussi nommé Jean Pierre Estévenin. A l’époque, le double prénom n’existait pas et il faut comprendre cette formule ainsi : Jean, [fils] de Pierre Estévenin. Jean est cité en 1471 (*AENE, *RD 168), en 1472 (*AENE, H 18/24, en 1478 (*AENE, *RD 168), en 1484, en 1485 et en 1493 (*AENE, *RD 100). En 1507, il est mort et se sont ses héritiers qui, par la voix de Claude Estévenin, passent la première reconnaissance du Locle (*AENE, Reconnaissances, Mont. Val, n° 1A).

Un nommé Pierre Estévenin est constamment associé à Jean, il apparaît dans les mêmes sources et aux même dates. Il s’agit sans doute de son frère. Il laisse un fils Estévenin Estévenin qui reconnaît ses biens en 1507 (*AENE, Reconnaissances, Mont. Val, n° 1A).

En 1485, les textes nomment un autre couple, sans doute des frères : Matthieu et Vuillemin Estévenin (*AENE, *RD 100). La conformité des prénoms peut faire penser qu’ils descendent du Matthieu, fils de Jean cité plus haut (à moins qu’il s’agisse du même personnage). Vuillemin a un fils, Bourquin Estévenin qui reconnaît ses biens en 1507 (*AENE, Reconnaissances, Mont. Val, n° 1A).

Quant à Gros Claude Estévenin, le notaire qui a rédigé sa reconnaissance en 1507 (*AENE, Reconnaissances, Mont. Val, n° 1A), le dit fils de Jean Junod. Dans nos notes, le seul personnage portant ce nom de Junod est cité en 1459 où on le dit originaire de La Sagne (*AENE, H 18/10). il meurt dans l’année qui suit, car c’est sa veuve qui paie l’impôt en 1461 (*AENE, H 18/10). Claude n’appartient donc pas à proprement parlé à la famille Estévenin et aurait dû s’appeler Junod. Le changement de patronyme est assez courant à cette époque et ne doit pas nous étonner. Mais, il semble bien appartenir, sans doute de manière indirecte, à la famille Estévenin. Un examen attentif de sa reconnaissance de biens montre que pratiquement toutes les parcelles qu’il détient sont bordées par un ou plusieurs Estévenin, Estévenin, Bourquin, les héritiers de Jean Pierre Estévenin ou les héritiers de Matthieu Estévenin. Une telle proximité fait penser à un partage de terres familiales entre cohéritiers, le mère de Claude pourrait être par exemple une
Estévenin. En outre, le Gros Claude Estévenin représente les héritiers de Pierre Estévenin dans leur reconnaissance de 1507. Il semble là encore que Claude est un parent.

Permettez-moi de terminer ce petit texte par un roman : Jean Junod, un Sagnard, épouse une Locloise fille de Jean Estévenin. Ils eurent au moins un enfant, Claude. Mais Jean meurt tôt, laissant une jeune veuve et un orphelin âgé de quelques années. Celui-ci prit naturellement le patronyme de sa mère, en l’absence de son père, qui en outre n’était pas originaire de la paroisse et n’avait pas de groupe familial paternel pour le soutenir. Il s’intégra donc dans la fratrie maternelle. Voilà un beau récit, mais un généalogiste sérieux ne devrait pas se laisser guider par son imagination !!