Bulletin 36 / Décembre 2008

Le patronyme Grosclaude dans le pays de Montbéliard

Compte rendu par Germain Hausmann

Vers 1660, le patronyme Grosclaude apparaît dans le pays de Montbéliard en la personne de Jean, Abraham, Daniel et Pierre à Dung, d’Abraham à Allenjoie. Voilà le point de départ d’un excellent article écrit dans le revue généalogique de nos voisins francs-comtois de mars de cette année. L’auteur y développe de manière assez remarquable le résultat de ses recherches qui furent sans doute assez longues et laborieuses, car elles se sont déroulées en France, dans les cantons de Neuchâtel et de Fribourg où un grand nombre de sources furent utilisées.

En France, le patronyme Grosclaude est assez rare et semble se cantonner, hormis Paris, dans l’Est. En particulier, il est particulièrement représenté dans la région de Montbéliard, qui offre la particularité unique d’être francophone et en majorité protestante, non pas de la branche calviniste comme les Huguenots cévenols, mais de la cuvée luthérienne. Après la désastreuse Guerre de Dix Ans, avatar local de la Guerre de Trente Ans, certains terroirs étaient dépeuplés et de nombreux immigrants d’origine protestantes vinrent s’y installer.

Mais d’où provenaient ces Grosclaude ? Par une analyse très fouillée, notre auteur découvre en compulsant de nombreuses sources (registres paroissiaux, montres d’armes, registres judiciaires) qu’un d’entre eux était dit du Locle.

Voilà une piste qu’il faut suivre. M. Grosclaude découvre que “la richesse des archives de l’État de Neuchâtel permet de suivre sans difficulté l’origine, la formation et la stabilisation de ce patronyme”. L’ancêtre de la famille locloise est un certain Claude Estévenin qui fait sa reconnaissance en 1507. A partir de 1534, Claude Estévenin est nommé par les notaires le “Gros Claude Estévenin”, sans doute pour le différencier d’un autre Claude Estévenin qui finira par vendre ses biens et quitter définitivement la région vers 1540. Les descendants furent appelés soit Estévenin soit Grosclaude Estévenin. A partir de la fin du XVIe siècle, le patronyme Grosclaude commence à primer sur celui d’Estévenin et à devenir exclusivement utilisé dans les registres paroissiaux (qui commencent en 1655).

Notre auteur suit à la trace la descendance de ce Gros Claude et il lui faudra beaucoup de ténacité pour arriver à démêler l’écheveau qui se présente à lui. Grâce aux reconnaissances de biens, il remarque que la famille qui l’intéresse, en se subdivisant en plusieurs branches, perd peu à peu la richesse qui l’a caractérisait. L’ancêtre possédait 14 parcelles pour environ 32 hectares, ses descendants doivent se contenter en 1660 de 0 à 13,5 hectares. La famille compte encore des paysans, mais on y rencontre aussi des artisans (cordonniers, tailleurs, etc.) un grangier, des salariés, des soldats. Ce trait n’est pas spécifique à cette lignée, le XVIe siècle s’est soldé dans les Montagnes neuchâteloises par un fort accroissement démographique, si bien qu’en 1660 la région est surpeuplée. Tous les coins et recoins du territoire, même les plus inhospitaliers et les moins productifs, sont habités et cultivés. On voit que les Montagnons avant l’horlogerie vivaient chichement sur un espace assez pauvre en ressources.

Voilà pourquoi, certains furent poussés à sortir de ce territoire. Grâce à un registre intitulé “actes judiciaires reçus par David Perrelet” aux AENeuchâtel, notre émérite généalogiste trouve une procédure concernant un rameau de cette famille résidant à Morat. Des témoins âgés fournissent la généalogie de ces émigrants et permettent de les rattacher sans conteste aux Grosclaude du Locle. L’examen des registres d’état civil de Meyrier et de Môtiers-Vully permet de retrouver les noms des personnes qui, quelques années plus tard, se retrouve à Dung dans le Montbéliard. Voilà, la boucle est bouclée, CQFD.

Arrivé à ce point, l’auteur entame une étude précise du développement de cette famille dans leur nouveau lieu de résidence, leur lente ascension sociale. On suit pas à pas leur intégration. On remarque qu’ils ont aussi gardé le souvenir de leurs origines. Ils y recourent certaines fois lorsque les circonstances difficiles, par la Révolution française, les poussent à demander des lettres d’origines à leur commune d’origine suisse.

La recherche effectuée par M. François Grosclaude est en tout point remarquable. Les sources sont abondantes et variées, conséquence d’une longue investigation. Leur utilisation est toujours assez prudente pour que les conclusions présentées trouvent l’adhésion immédiate du lecteur. Voilà un travail que l’on voudrait lire plus souvent dans nos revues.

Un tiré à part de cet article se trouve auprès de notre bibliothécaire. Vous voudrez bien prendre contact avec elle si vous voulez consulter cet ouvrage.

Sources: François GROSCLAUDE, Le patronyme Grosclaude dans le pays de Montbéliard (25), origine et modalité d’implantation, dans Généalogie Franc-Comtoise 113, mars 2008, p. 49-58.