Bulletin 49 / Décembre 2013

Pierre Ordinaire - la légende ne fait plus foi

par Michel Kreis - Jacques Grandjean - Jacques Kaeslin

L’histoire de l’extrait d’absinthe repose sur une bonne part de légende, notamment au sujet des personnes qui sont à l’origine du breuvage. Si le seul fait incontestable, du moins pas remis en cause jusqu’ici, de cette légende est bien la naissance au Val-de-Travers de cette boisson apéritive, les personnages qui y sont associés font l’objet de polémiques, parfois virulentes. Nombre d’écrits de toute nature ont raconté les débuts de l’absinthe, en se nourrissant d’éléments d’informations glanés de-ci de-là, sans apport de documents anciens à même d’étayer leur contenu.

Parmi ces personnages, il en est un qui suscite une multitude d’interrogations et qui alimente, de façon récurrente, les théories sur les origines de l’extrait d’absinthe. Il s’agit de Pierre Ordinaire, né le 11 septembre 1741 à Quingey, bourg situé dans le département du Doubs, où ses parents auraient été fermiers ou journaliers.

Personnage pittoresque et bon enfant

Selon la légende, Pierre Ordinaire était médecin et chirurgien, ayant trouvé refuge au Val-de-Travers, persécuté qu’il aurait été en France pour des raisons politiques et/ou religieuses. Il aurait apporté dans ses bagages une recette pour produire de l’extrait d’absinthe, dispensant généreusement l’élixir à ses patients, auprès desquels il se rendait en chevauchant son petit cheval nommé Roquette.

D’autres versions racontent qu’il a acheté la fameuse recette de la Mère Henriod, une guérisseuse un peu sorcière, ou encore des sœurs Henriod de Couvet qui faisaient de l’extrait d’absinthe avant son arrivée à Couvet.

Les informations relatives à Pierre Ordinaire développées ci-après reposent sur des documents de l’époque qui proviennent des archives de la commune de Couvet et des archives de l’État de Neuchâtel. La découverte récente d’autres documents, jusqu’ici totalement ignorés, permettent d’apporter un éclairage nouveau sur la personne de Pierre Ordinaire. Rappelons d’abord les faits déjà connus.

Comment Pierre Ordinaire arrive à Couvet ?

Le 21 août 1768, l’assemblée de la communauté de Couvet adopte la résolution qui avait été prise avec les communautés de Môtiers, Boveresse et Fleurier afin de trouver un médecin-chirurgien pour les quatre communes, auquel une pension de cent livres faibles sera allouée, à raison d’un quart du montant chacune. S’il réside à Couvet, il lui sera alloué à proportion des communiers.

Répondant à cet « appel d’offres », Pierre Ordinaire s’est présenté à Couvet. Voici ce que dit textuellement le procès-verbal de l’assemblée du 8 septembre 1768 :

« Le sieur Ordinaire s’étant présenté à Monsieur Perrelet pour subir l’examen requis pour sa réception en ce lieu, au moyen de deux louis neufs de pension et M. Perrelet ayant requis l’honorable communauté de se déclarer sur la nature de l’examen qu’elle  demandait, il a été dit qu’en présentant ses lettres d’apprentissage et de conduite, il est reçu pour une année sans autre examen. »

Le vrai médecin quitte Couvet

Trois jours plus tard, l’assemblée de commune est à nouveau réunie pour rendre sa décision sur la candidature du médecin français François Joseph Deleschaux. Au procès-verbal figure ce qui suit :

« Le sieur Deleschaux de Besançon ayant présenté ses actes de maîtrise pour être reçu médecin et chirurgien de ce lieu, il a été dit unanimement qu’il est reçu en cette qualité, mais toutefois sous la réserve que, si le sieur Ordinaire reçu le 8 de ce mois, présente ses lettres d’apprentissage et de maîtrise, on reconfirmera sa réception. »

Sans doute écœuré par les manœuvres de Pierre Ordinaire et le soutien que celui-ci reçoit d’une partie des habitants, le Dr Deleschaux quitte Couvet avant la fin de l’année et s’installe à Neuchâtel en qualité de médecin de Sa Majesté, demeurant au château. Il est décédé en 1819 au chef-lieu et son corps repose dans l’ancien cimetière du Landeron, village où il avait été reçu bourgeois en 1815.

Un mariage et sept enfants

Désormais établi à Couvet où il habite dans l’immeuble de l’ancien Hôtel de l’Aigle, Pierre Ordinaire épouse, trois ans après son arrivée, Marie Henriette Petitpierre, fille du propriétaire de l’établissement. Le mariage a été célébré le 28 octobre 1771 au Russey, autre bourg du département du Doubs, à proximité de la frontière avec notre pays. Sept enfants sont nés de cette union, naissances à Quingey pour trois d’entre eux, les autres natifs de Couvet. L’aîné, Pierre Marie Joseph, né le 20 mars 1772 à Quingey, exercera comme médecin-major au sein du régiment des Gardes suisses.

Le lieu du mariage nous interpelle, dans la mesure où Pierre Ordinaire passait pour être persécuté dans son pays d’origine pour des motifs politiques ou religieux. Or, à cette époque, cette région de Franche-Comté, au demeurant très catholique, était en  effervescence et les troubles y furent sévèrement réprimés. La raison du mariage en revanche se comprend plus aisément au regard de la date de naissance du premier enfant.

Peu respectueux des lois

Installé à Couvet, où il ne rencontre aucune concurrence, Pierre Ordinaire ne fait pas l’unanimité. En effet, peu respectueux des lois et coutumes de l’époque et du lieu, il a été gagé plusieurs fois pour les motifs les plus divers, pour avoir hébergé – à réitérées reprises – un étranger, ne pas avoir réparé sa cheminée, ou encore fauché du regain chez autrui. Bien que marié à la fille d’un notable de Couvet, la question de son éloignement du village a été évoquée en assemblée de communauté, aussi bien au moment de son arrivée que des années plus tard.

Il attire l’attention des autorités

À la requête du Conseil d’État, Jacques Frédéric Martinet, capitaine et châtelain du Val-de-Travers, rédigea deux rapports, datés des 31 octobre 1768 et 18 février 1769. Huit pages sur lesquelles ce magistrat relate les informations qu’il a recueillies sur le compte de Pierre Ordinaire, notamment sur son arrivée dans notre pays. Ci-après en italique, nous reproduisons textuellement des extraits de ces deux documents, en respectant l’orthographe et la syntaxe de l’auteur :

« …vous vous rappellerés sans doutte qu’un certain Pierre Ordinayre de Quingey et soy disant Maître Chirurgien et Medecin, présenta requette au Conseil pour en obtenir la permission d’exercer sa profession dans le Val-de-Travers, alleguant qu’on luy avoit offert une pension capable de l’y fixer pour un commencement et qu’il pourra produire des certificats de la Communauté de Couvet ou il fait sa residence ordinaire, sur laquelle requette ayant été delibéré le 11ème de ce mois, le Conseil luy accorda la permission d’exercer la Medecine et la Chirurgie au Val-de-Travers, tant et si longtems qu’il se comporterait bien et que je n’y trouverois aucun inconvenient…

Ni médecin ni chirurgien ?

…je prendray la liberté de representer que ledit Ordinaire n’a n’y les talents n’y la conduitte requise pour meritter la faveur qu’on luy a accordé à la verité conditionnel-lement ; cet homme là sachant que la Communauté de Couvet cherchoit une personne qui  entendit la Chirurgie et un peu la Medecine, vint s’y présenter, se vantant de connoitre l’une et l’autre, demandant simplement un logement ou deux Louis, et s’engageant de produire de bons certificats pour justifier qu’il avoit fait ses cours d’étude et subi ses  examens à Besançon..

…qu’on le recevroit en qualité de Chirurgien mais sous conditions qu’il luy produiroit les certificats en düe forme qu’il avoit ofert de se procurer et d’exhiber et qu’enfin, il subiroit, un examen sous les yeux et aupres de Mr le Medecin du Roy…

Il ne peut justifier de ses titres et qualités

…cependant il n’a satisfait n’y à l’un n’y à l’autre de ces egards et deux mois se sont ecoulés sans que Pierre Ordinaire ait fait à ces fins la plus petitte demarche… 

…comprenant bien, que non seullement il ne pourroit pas produire les certificats qu’on luy avoit demandé et qu’il etoit hors d’etat de subir un examen, il à le 11ème octobre présenté la requette dont j’ay parlé cy dessus, et laquelle contient bien des faits hasardés…

…la Comunauté fit aviser ledit Ordinayre, afin, luy dit-on, que s’il vouloit aussi se fayre examiner il put descendre en ville, à tout quoi Ordinaire auroit repondu, qu’il avoit deja eté à Neufchatel et qu’il n’avoit rien a y fayre ; effectivement, il n’y a pas eté, mais le sieur Delechaux s’y est rendu…

Il offre des tournées générales…

…d’un autre coté j’aprens que Pierre Ordinayre, qui s’est fait un party dans la Communauté en faisant boire quelques bouteilles de vin à droitte et à gauche, se croit ancré icy, et s’imagine que pour luy importe que je trouve qu’il y ait de l’inconvenient qu’il reste icy…

…j’ay l’honneur de prier le Conseil de m’autoriser de fayre dire à Pierre Ordinaire, qu’il luy est defendu d’exercer soit Medecine soit Chirurgie dans la juridiction du Val-de-Travers, et qu’ainsy il ait a en sortir ; ce sera un grand bien pour ces quartiers…

et présente un certificat de complaisance

…d’abord se domicilier à Couvet, n’y aporta pour tout certificat, qu’une declaration que son frere avoit fait en presence d’un notayre de Pontarlier, par laquelle il afirmoit que son frere, qui est à Couvet, avoit fait un cours d’anatomie à Besançon sous un sieur Jussy, et avoit travaillé sous luy declarant pendant trois ans…

Canonnier et déserteur

…declaration contraire à toutte verité, ainsy qu’on le verra cy apres, puisqu’il a servy huit ans dans le Regiment de Metz immediattement devant le tems qu’il vint en 1767 à la Chaudefond…

…que je recu une lettre du Grand Major du Regiment de Metz du Corps Royal d’artillerie en garnison à Auxonne, par laquelle il me marquoit, qu’ayant eté informé que Pierre Ordinayre qui avoit deserté le 20 juin 1767, demeuroit à Couvet, il me prioit de luy fayre oter l’uniforme du Regiment qu’il avoit sur le corps, et de le luy envoyer par le canal de Mr le Subdelegué Blondeau ; c’est ce que j’ay executté exactement…

Son expulsion serait source de désordres

…c’est qu’en expulsant Ordinayre, il auroit eté fortement a craindre que ses partisans qui sont les dix neuf vingtiemes de la Communauté, et parmy lesquels il y a nombre de tetes chaudes, et d’autres qui ont en vue certaines personnes inconsiderement zelées pour Delechaux, ne se fussent portées à des violences et des excès contre ce dernier…

…de sorte que l’on ne scauroit, à ce qu’il me paroit, rien fayre de mieux pour parer à tout inconvenient et prevenir des desordres, que de laisser subsister les permissions que le Gouvernement a acordé tant à Delechaux qu’à Ordinayre d’exercer l’un et l’autre leur profession dans le pays…

Il reçoit le soutien de notables…

Un autre document, une lettre non datée, signée de dix notables du village, a été adressée au Conseil d’État. Les signataires expliquent la situation dans laquelle se trouve le village, lequel manque cruellement d’un médecin en raison du départ de M. Deleschaux et, « vu les craintes de leurs épouses de perdre un sujet dont la capacité est généralement reconnue », sollicitent l’autorité pour qu’elle accorde à Pierre Ordinaire l’autorisation d’exercer.

et mobilise le Conseil d’État

Cette requête a été formulée dans le courant de janvier 1769, voire au tout début  de février. On peut le déduire de la décision du Conseil d’État du 15 février 1769, où il est décrété que la requête des suppliants sera examinée après que le châtelain du Val-de-Travers aura fait son enquête pour déterminer s’il est vrai que Pierre Ordinaire soit déserteur de France.

En l’espace de quelque huit mois, de novembre 1768 à juin 1769, le Conseil d’État a traité du cas de Pierre Ordinaire à l’occasion de dix séances, ce qui nous donne une idée de l’importance accordée à cette affaire. Les relations qui en sont faites dans les manuels de cette autorité ne nous apportent cependant pas toutes les certitudes que l’on pourrait en attendre et sont même parfois contradictoires, en particulier sur la question de l’examen subi, ou non, par Pierre Ordinaire de ses capacités de médecin devant le médecin du roi à Neuchâtel.

Son expulsion est ordonnée puis suspendue

Le 20 mars 1769, après avoir reçu le deuxième rapport du châtelain dont nous avons parlé, le Conseil d’État décréta « sur les avis que le Gouvernement a reçu que le nommé Pierre Ordinaire, soi-disant chirurgien domicilié à Couvet, était déserteur du Régiment de Metz Corps Royal d’artillerie en France, il est ordonné à M. Martinet, Conseiller d’État, Capitaine et Châtelain du Val-de-Travers, de lui faire signifier qu’il ait à sortir de cet État dans quinze jours à compter depuis le jour que la signification lui en aura été faite, faute de quoi et s’il vient à contrevenir au présent, il en devra être recherché et puni comme il convient. »

Les communautés de Couvet, Môtiers, Boveresse, Fleurier et St-Sulpice ont demandé au Conseil d’État de surseoir à sa décision d’expulser Pierre Ordinaire, vu la confiance qu’il a acquise dans ces communautés et les soins désintéressés qu’il prodigue aux malades. Le Conseil d’État n’apprécie pas du tout cette démarche et le fait savoir. Il suspend néanmoins jusqu’à la fin du mois d’avril son ordre d’expulsion.

Grâce royale

Finalement, en juin 1769, c’est le capitaine François Petitpierre, propriétaire de l’Hôtel de l’Aigle Noire et futur beau-père de Pierre Ordinaire, qui intervient auprès du Conseil d’État. Il présente les documents attestant que le Roi de France a accordé sa grâce à Pierre Ordinaire pour avoir déserté de ses armées, que la somme de 400 livres de France – prix de cette grâce royale – a été payée par François Petitpierre. La mesure d’expulsion est dès lors ramenée et Pierre Ordinaire autorisé à demeurer dans le pays tant et aussi longtemps qu’il se comportera bien.

Que retenir de ces informations nouvelles ? Les rapports du châtelain Martinet sont, à n’en point douter, le reflet des renseignements tels qu’il les a recueillis. Difficile de l’imaginer induire le Conseil d’État en erreur en l’informant faussement. Les détails relatifs à l’incorporation de Pierre Ordinaire au sein du Régiment Royal-Artillerie de Metz, stationné à Auxonne, lui ont été communiqués par le major de ce régiment, lequel précisait que le canonnier Ordinaire avait servi huit ans avant de déserter. On peut cependant  s’interroger sur cette désertion.

Pas de formation académique

En effet, la période d’engagement dans ce corps d’armée français était de huit ans, et on peut fort bien imaginer que Pierre Ordinaire n’ait pas eu envie de « rempiler », quittant l’armée sans préavis ou sans respecter les règles, filant « à l’anglaise » avec son  uniforme. Ce départ a très bien pu être qualifié de désertion par l’état-major.

Huit ans au sein de l’armée en qualité de canonnier, a-t-il dès lors eu la possibilité d’y suivre une formation de médecin et/ou de chirurgien de campagne ? Cela n’est pas impossible, mais peu probable. Pierre Ordinaire n’aurait pas eu besoin d’évoquer le cours  d’anatomie du Dr Jussy qu’il aurait suivi durant trois années à Besançon et il n’aurait eu aucune appréhension à passer un « examen de capacité » à Neuchâtel.

L’incertitude demeure cependant quant à ses titres et qualités de médecin-chirurgien. D’un côté, il paraît avoir été apprécié pour ses compétences par une partie de la population, de l’autre, le Conseil d’État – au travers des mentions qu’il fait de ce cas dans ses manuels – n’est pas clair du tout sur l’examen par le Dr Dublé, médecin du Roi, et le Dr Perrelet des réelles compétences de Pierre Ordinaire. L’incertitude est encore de mise s’agissant de l’examen lui-même. En quoi a-t-il vraiment consisté ? En une simple présentation de ses « lettres d’apprentissage et de maîtrise » comme indiqué dans le procès-verbal de l’assemblée de communauté du 8 septembre 1768, ou d’autre chose ? 

Nous avons tout lieu de penser que l’examen ne consistait de fait qu’en la capacité du requérant à produire un ou des documents attestant de ses qualités de médecin et chirurgien, que Pierre Ordinaire n’a pu présenter autre chose qu’une attestation de complaisance établie par son frère auprès d’un notaire de Pontarlier. D’où le conflit entre la Commune, le châtelain du Val-de-Travers et le Conseil d’État.

Il délivre des certificats de complaisance

Notre sentiment à cet égard est conforté par deux attestations que Pierre Ordinaire a fait établir, les 30 décembre 1785 et 8 juin 1786 devant le notaire Henri François Henriod à Couvet, au bénéfice des nommés François et Jean Ordinaire.

Ces actes notariés relatent « que le sieur François Ordinaire de Levier en Franche-Comté et baillage de Salins, a fait sous lui pendant l’espace de deux ans son apprentissage de chirurgie chez lui à Couvet ; pendant lequel temps il a soigné les malades et travaillé avec succès à nombre de cures difficiles, de manière à mériter l’approbation du sieur Pierre Ordinaire, chirurgien juré, ainsi que celle du public. »

« le sieur Pierre Ordinaire, chirurgien juré de la ville de Quingey en Franche-Comté, a dit et déclaré que le sieur Jean Ordinaire, chirurgien de Refange, baillage de Salins en Franche-Comté a fait sous lui pendant le courant d’une année un cours de botanique ainsi que de médecine et de chirurgie ; ayant pendant ce temps-là travaillé avec succès, au contentement du sieur Pierre Ordinaire, et d’autres intéressés, à diverses cures difficiles, de manière que, tant par son application, son assiduité, que par la régularité de ses  mœurs, il a mérité toute sa confiance et le meilleur témoignage possible. »

De la sorte, Pierre Ordinaire faisait établir au bénéfice de parents, proches ou encore de connaissances, une attestation dont il avait lui-même bénéficié par l’entremise de son frère pour exercer à Couvet. Des recherches menées à Besançon n’ont pas permis de trouver la moindre trace d’un apprentissage ou d’études en faculté qu’il aurait suivis. En tout état de cause, il n’a pas suivi, trois ans durant, les cours de l’éminent professeur bisontin Jacques Philippe Jussy.

Enrôlé dans l’artillerie royale

Notre conviction que Pierre Ordinaire n’a pas suivi de formation académique en médecine et chirurgie se transforme en certitude après avoir consulté les archives militaires de France, conservées au Château de Vincennes, desquelles nous avons obtenu les informations suivantes.

L’extrait ci-dessus est tiré du rôle servant à l’enregistrement des noms des soldats qui composent le corps royal de l’artillerie en garnison à Metz. Il mentionne que Pierre Ordinaire, fils de Nicolas et de Suzanne née Fagnon, est natif de Quingey en Franche-Comté, qu’il est né en 1742. Suit son signalement sommaire et la date de son engagement en tant que canonnier-bombardier de 2ème classe, le 19 février 1762, et ceci pour six ans. (Ce dernier point diffère des huit ans mentionnés par le châtelain du Val-de-Travers dans son rapport au Conseil d’État.)

Né le 11 septembre 1741, et non 1742, Pierre Ordinaire était âgé de vingt ans et cinq mois au moment de son enrôlement dans l’armée. Fils de fermiers ou journaliers, nous imaginons difficilement qu’il ait eu la possibilité de suivre une formation en médecine et chirurgie avant son entrée dans l’armée. Après l’avoir quittée, il est venu habiter à La Chaux-de-Fonds, où sa présence est attestée en novembre 1767 déjà.

S’il avait reçu une telle formation durant sa période au service du roi de France, il n’aurait certainement pas dû recourir aux bons offices de son frère pour obtenir une attestation devant notaire à Pontarlier pour justifier de ses qualités, et le major du régiment de Metz aurait mentionné, dans sa lettre au châtelain du Val-de-Travers, son statut de médecin militaire et non celui de canonnier.

Val-de-Travers en juin 2013