Bulletin 58 / Août 2018

Faut-il réviser sa généalogie ?

par Guylaine Fischer-Jourdain

Il y a quelque temps, de nombreux généalogistes ont relayé sur Internet l’initiative d’un généalogiste blogueur américain, qui a décidé de balayer d’un revers de manche vingt années de recherches, et de recommencer son arbre.

Comment expliquer qu’après quelques années, certains généalogistes soient atteints par l’étrange besoin d’effacer tout un travail de longue haleine pour le refaire ?

On entend souvent dire qu’une généalogie n’est jamais terminée, mais il faut bien reconnaître qu’au fil du temps, les découvertes d’ancêtres directs sont moins nombreuses puisque, forcément, les documents d’archives finissent par manquer. La joie de la découverte, éprouvée lors des premières trouvailles, se fait de plus en plus rare. Pour beaucoup de chercheurs, le moment est alors venu de se fixer de nouveaux défis généalogiques qui soient tout aussi passionnants et valorisants que ceux rencontrés lors des premières recherches, en leur permettant de vérifier des données incertaines, de consulter d’autres sources pour préciser et approfondir leur premier travail.

Qualité du travail déjà effectué

Les généalogistes débutants, voire des plus expérimentés, ont souvent des idées préconçues qui, malheureusement peuvent être sources d’erreurs. Parmi les plus fréquentes, croire qu’une seule graphie est possible pour un nom de famille, ou chercher au hasard un acte de naissance, ou encore penser que toutes les informations trouvées sur Internet sont justes, etc.

L’impatience du débutant : sous une apparente facilité, les premières recherches sont certainement les plus difficiles à effectuer. Le manque d’expérience et l’irrésistible envie de découvrir rapidement de nouveaux ancêtres sont parfois des causes d’erreurs dès les premières générations. Une confusion entre deux couples, une homonymie, une erreur de date, et catastrophe, c’est toute une branche qui peut s’écrouler. La fierté de traverser les premières décennies pousse à avancer toujours plus vite, souvent trop vite, en  négligeant certaines vérifications. Il suffit d’un blocage qui paraissait insurmontable à l’époque des premières découvertes, ou d’un intérêt soi-disant moindre pour que des individus soient restés dans l’ombre ou que certaines lignées n’aient jamais été explorées totalement.

Le manque de rigueur : la mention des sources, c’est-à-dire la provenance des informations, est souvent oubliée dans les fichiers. Quelques années plus tard, en y regardant de plus près, il s’avère parfois que de nombreux événements ne sont pas corroborés par des sources et qu’il peut être difficile de s’y retrouver lorsque certaines filiations doivent être vérifiées.

Une histoire oubliée : le but, fixé au départ, de retrouver ses racines a souvent été oublié le long du chemin, et bien des généalogistes découvrent que leur fichier ne raconte pas l’histoire de leur famille, mais l’histoire de familles, souvent trouvées au hasard de recherches dans des généalogies mises en ligne ou lors de la consultation de bases de données. La tentation d’amasser les individus n’ayant pas toujours de liens entre eux a souvent été trop grande.

Comment reprendre son arbre ?

En France, l’idée d’effacer ses données ne convainc pas vraiment et beaucoup ne retiennent que la perte de temps et la complexité d’une nouvelle étude. Pourtant certains généalogistes s’accordent sur la nécessité de vérifier et compléter leurs données, de redécouvrir certains ancêtres, voire même parfois d’épurer leur fichier.

Vérifier les données : une nouvelle lecture des actes, avec les connaissances acquises en matière de droit civil ou canonique et de paléographie, peut permettre de découvrir des informations non repérées lors des premières recherches. Par exemple, l’exploitation des témoins qui peut permettre d’effectuer des recoupements familiaux, ou l’étude des signatures qui donne des indications sur le niveau d’alphabétisation des individus, etc.

La mise en ligne des registres d’état civil et paroissiaux par les Archives départementales de la Haute-Saône facilite grandement cette vérification.

Compléter les données : la hâte de trouver toujours plus d’ancêtres a parfois conduit à négliger la recherche de certains événements, par exemple un acte de décès ou de sépulture, qui n’aurait à l’époque fait que confirmer une ascendance déjà connue.

C’est peut-être aussi le moment de consulter d’autres sources que l’état civil et de découvrir les recensements de populations, les fiches matricules des ancêtres masculins, les tables de successions et absences ou le contrôle des actes. Tous ces documents sont consultables en ligne sur le site des Archives départementales de la Haute-Saône. La possibilité de consulter des liasses d’actes notariés sur le site de la SALSA [1]  offre également la chance de se plonger au cœur des joies et des peines des familles. Ainsi, une généalogie n’est pas qu’une suite de noms et de dates. Elle devient véritablement le reflet de la vie des générations passées.

Épurer les fichiers : les programmes de généalogie sont un véritable atout pour classer, organiser et restituer une généalogie. Mais ils peuvent vite devenir difficilement gérables lorsque le nombre d’individus enregistré est important. Il n’est pas rare de devoir faire face à des doublons, à des individus non reliés ou à des incohérences. La plupart des programmes, qu’ils soient gratuits ou non, ont des options permettant de gérer efficacement les fichiers.

Mais peut-être que certains généalogistes préféreront créer un nouveau fichier sur des bases plus saines en indiquant précisément les sources pour chaque événement ainsi qu’en y insérant des anecdotes de l’histoire familiale, grâce aux notes.

Effacer des mois ou des années de travail généalogique est sans doute exagéré, mais une vérification méthodique des recherches déjà effectuées n’est sans doute pas superflue. Le temps est peut-être venu aussi de penser à la transmission de l’histoire familiale et de se consacrer à la rédaction d’un livret retraçant les grands moments de la vie de nos ancêtres…

 

Article paru dans « Haute-Saône SALSA n° 104, janvier-avril 2018 » et reproduit avec l’aimable autorisation de son auteur que nous remercions ici.

Notes

  1. Pour accéder aux actes en ligne, il est nécessaire d’être adhérent et de demander les codes d’accès au webmaster