Bulletin 11 / Juillet 1998

Mémoires Ami Auguste Jeanjaquet

Mémoires de famille écrits en 1944 par le pendulier Ami Auguste Jeanjaquet (1854-1948)

(d'après une copie de Pierre-Arnold Borel)

N.B. : Ces mémoires ayant été publiés par M. Pierre-Arnold Borel, nous n’en extrayons ici que quelques anecdotes particulièrement évocatrices du temps passé. Les personnes qui voudraient en savoir plus sont priées de se rapporter aux exemplaires déposés dans les bibliothèques du canton de Neuchâtel ou d’en commander un tirage au Château des Monts, au Locle.

« J’écris des mémoires dans lesquels la plus grande partie des faits que je mentionne se sont passés aux Verrières ou, plutôt, sur leur territoire. J’ai habité depuis l’âge de 8 ans la commune, j’ai fréquenté les écoles de la montagne jusqu’à ma sortie des classes primaires à 14 ans et crois être en mesure de narrer ce qu’étaient les écoles du village il y a quatre-vingts ans. Je ne parlerai pas uniquement de mes souvenirs scolaires, mais aussi de faits qui peuvent intéresser les gens aimant à connaître les choses du passé, ainsi que le caractère et l’esprit de nos devanciers. »

« Notre commune d’origine n’est pas celle des Verrières ; nous sommes bourgeois de Neuchâtel et Couvet. Ma famille ne descend pas d’émigrés ; elle est autochtone, de vieille souche neuchâteloise. Dans son beau livre intitulé Chez nous, Jules Baillods parle de quatre familles de bourgeois de Neuchâtel venues s’établir à Couvet après un grand incendie qui détruisit une bonne partie de leur ville. Ces quatre familles sont, dans l’ordre alphabétique, les suivantes : les Borel, les Henriod, les Jeanjaquet, les Petitpierre … Les nouveaux arrivants eurent donc deux communes au lieu d’une. »

« Mon grand-père, David Frédéric Jeanjaquet, charpentier de son état, possédait le domaine de « La Roche » sur Couvet, ainsi que le petit moulin à cheval sur la roche, au point culminant de la route de la Brévine descendant sur le Val-de-Travers. »

« II eut cinq enfants : deux filles et trois fils. Ses deux filles épousèrent l’une Abram-Louis Borel, pendulier, l’autre Pierre Auguste, le frère du précédent … L’aîné de la famille [Jeanjaquet], Frédéric Auguste, se fit agriculteur ; Constant se voua à la pendulerie, de même que mon père, Louis Frédéric, le cadet, qui fit son apprentissage chez son beau-frère, Pierre Auguste Borel… »

« Un seul des trois fils fut fidèle aux opinions politiques de leur père, l’aîné, Frédéric Auguste. Quant au second, Constant, et mon père, le cadet, ils furent de bonne heure attachés aux idées républicaines… Comme tout bon Covasson, notre grand-père avait aussi son sobriquet : les gens ne l’appelaient le plus souvent que le « Coucou de La Roche ». Notre père fut appelé « Quintau » jusqu’à sa mort. »

« Son fils aîné, ayant acheté le domaine de « Vers chez Sulpy » sur Môtiers lors de son mariage, alla s’y établir ; il y demeura jusqu’à sa mort. N’ayant eu qu’une fille, il ne fut pas comme mon père obligé de jouer serré pour élever une nombreuse famille … C’était un homme ayant la réplique facile; ses facéties étaient connues; il ne fallait pas se prendre de bec avec lui, il mettait toujours les rieurs de son côté; ses répliques étaient spirituelles, quelques fois même poivrées… »

« A vingt ans, mon père se maria, prenant femme aux Bayards. Quoique Covasson, il n’aima jamais beaucoup les gens de son village. Il les trouvait timorés, pédants et, la plupart, entachés de mômerie [1]. Il s’établit aux Bayards, y séjourna plusieurs années … [il] quitta peu de temps après [1848] le village pour le « Haut de la Tour » … Il y avait installé un restaurant à l’enseigne de « La Chaîne » … Lorsque commencèrent les travaux pour la voie ferrée, notre père comprit immédiatement le parti qu’on pouvait tirer de la situation. Il résolut d’interrompre pour un certain temps son établissage [2] de pendules pour fournir la pension au nombreux personnel occupé par l’entreprise. Nous eûmes donc à nourrir les ingénieurs, les entrepreneurs, les chefs de chantier et une grande partie des ouvriers et manœuvres. »

«Depuis le «Haut de la Tour» jusqu’à l’entrée du troisième tunnel aboutissant à la gare de Boveresse, c’était une véritable fourmilière. Outre le perforage des tunnels, il allait encore monter les deux viaducs de «Prise Milord » et de « La Foule ». Il y avait des équipes de jour, et d’autres de nuit; et il fallait aller sur les chantiers pour la distribution des vivres. Chaque semaine, mon père partait avant le jour pour Pontarlier prendre livraison du bétail nécessaire à l’entreprise. Aussitôt de retour, il fallait l’abattre et le dépecer… »

« Tous [sic] semblait vouloir aller pour le mieux lorsque, tout à coup, un grand malheur s’abattit sur notre famille. Nous eûmes la douleur de perdre notre mère … C’était en 1855 qu’il [mon père] est resté veuf avec huit enfants, dont l’aîné avait douze ans et moi, le dernier, un peu plus d’un an. Les deux sœurs de mon père, habitant Couvet, s’offrirent à prendre chez elles les deux plus jeunes de la famille, ma sœur Elise et moi… »

« Ma sœur, Elise, vint nous annoncer que le grand-père avait cessé de vivre. II avait désiré pour son déjeuner un œuf cuit dur ; or, étant affligé d’un asthme, il avait été pris d’un accès de toux en avalant le jaune. Atteint de suffocations, il rendit le dernier soupir. Il avait alors quatre-vingt-neuf ans et, chose presque incroyable, emportait avec lui toutes ses dents dans la tombe. Je suivis jusqu’au cimetière la dépouille mortelle entre mon père et mon oncle, me tenant tous les deux par la main. Le corbillard n’était pas encore en usage à Couvet, la civière des morts pas davantage. Les porteurs avaient de fortes courroies suspendues aux épaules et qu’on accrochait au cercueil. C’est ainsi qu’on se rendait au cimetière. Deux jeunes gens portaient les tabourets, sur lesquels on déposait le défunt chaque fois que les porteurs éprouvaient le besoin de se reposer, c’était éreintant. Il me souvient que, sur le cimetière, j’entends le pasteur officiant s’écrier avec force : « Lazare, sors dehors. » C’est tout ce qui m’est resté de l’oraison… »

« Ma sœur Lucie … était à Neuchâtel… Mon père, qui s’était remarié, lui avait écrit de nous prendre, ma sœur et moi, à son passage pour nous ramener définitivement au foyer paternel… »

«L’été venu, la voie [de chemin de fer] fut terminée. Nous en vîmes l’inauguration ; la locomotive et tous les wagons étaient pavoisés. Jamais pareille fête n’avait encore eu lieu dans le pays. Les Bayardais, accompagnés de leur marmaille, étaient tous descendus au « Haut de la Tour ». C’était un spectacle magnifique … Le chemin de fer … fut incontestablement une chose utile devant rendre bien des services; néanmoins un sentiment de mélancolie s’empare de nous quand nous pensons à toutes les choses disparues… »

« La vieille diligence à trois ou quatre chevaux, son postillon en veston gris-bleu et son chapeau en cuir bouilli, perché sur son siège, faisant claquer son fouet ; le conducteur en tunique, à laquelle était agrafée la plaque postale ; ce dernier occupant l’impériale, le clairon à sa portée pour annoncer à chaque entrée de village l’arrivée de la voiture postale. Aux relais, les chevaux tout harnachés étaient prêts à être attelés aussitôt la voiture arrivée. On ne perdait pas de temps. Parmi les voyageurs, on remarquait toutes sortes de visages, des beaux, des laids, des jeunes et des vieux, des gais et des tristes. Ce spectacle m’a beaucoup marqué. »

« Et les routiers, impossible de les oublier ! Je vois encore ces files de voitures, ces convois espacés tramés par de lourds chevaux du Limousin forts comme des éléphants, leur collier recouvert d’une peau de mouton peinte en bleu qu’on dépliait sur leurs épaules pour les protéger contre les intempéries. Au bout de chaque convoi, la voiture en tête avait sur son devant un grand cerceau sur lequel on plaçait une bâche imperméable et faisant toit. Là dessous se plaçaient les effets d’habillement et le linge des conducteurs. Ils étaient nombreux ceux devant être [absents pour] plusieurs semaines avant de rentrer à leur lieu de départ. Faisant claquer leurs fouets, ces hommes marchaient la nuit comme le jour. Au tintement des lourds grelots suspendus à la courbe des ételles [3] des colliers se joignait le clapotement des roues sur leurs essieux de fer. Tous ces convois remplissaient le paysage d’une poésie qu’on n’y rencontre plus depuis le passage des trains express marchant à toute vitesse… »

« Le 10 novembre 1862, jour où j’atteignais l’âge de huit ans révolus, ma famille quittait le « Haut de la Tour » … pour s’installer « Vers chez le Brandt » … Une fois définitivement installé,… mon père reprit sa profession de pendulier ; sa réputation était bien établie… »

« Le premier instituteur que nous eûmes : … Louis Alexandre Colomb … L’homme était bossu et affligé d’un nez long et énorme ; l’un de ses yeux était atone (nous le comparions à un œil de poisson crevé), l’autre, gris d’acier, pétillait de malice et d’intelligence, devenait terrible quand son possesseur se mettait en colère, ce qui était fréquent Alors, notre homme frappait à bras raccourcis, à tort et à travers sans s’inquiéter des cris poussés par le torturé. Le « Petit Colomb » (comme chacun le nommait habituellement) avait la manie de priser du tabac râpé en poudre. Il en usait si copieusement que souvent nous apercevions au bout de son immense nez une grosse goutte de sauce brune qui, plus d’une fois, tomba sur un de nos livres ou de nos cahiers… »

« Notre magister était loin d’être un imbécile … Ce qui est triste à constater, c’est que notre régent qui se sentait incapable d’enseigner ailleurs que dans une école de hameau perdu dans les neiges, ne put jamais être nommé à un poste permanent dans un village; sa difformité physique l’en empêchait. Son caractère s’était aigri. A sa déchéance physique vint bientôt s’en ajouter une plus triste encore, celle morale. Notre homme, pour oublier sa peine, avait fini par s’adonner à la boisson. On le voyait quelquefois ivre comme un chiffonnier… »

« Notre régent … fut remplacé par Auguste Lambelet, de Meudon. Le nouveau venu offrait un frappant contraste avec son prédécesseur. Autant celui-ci était court et rabougri, autant le nouveau venu était long et efflanqué. Il était de santé précaire, toussait à journée faite, expectorait de même, fumeur de pipe passionné qui, bien que se sachant poussif au dernier degré, n’aurait pas voulu renoncer à une habitude lui procurant un plaisir à nul autre pareil (disait-il !). Le pauvre diable était un des nombreux enfants d’un cordonnier… Auguste Lambelet était du même âge que le « Petit Colomb ». Ils furent tous deux élevés à l’Asile des Bayards … Les deux enfants ne manquaient ni l’un ni l’autre d’intelligence; Ils s’appliquèrent si bien que, … quelques années plus tard, les deux jeunes gens furent admis à passer l’examen pour l’obtention d’un brevet d’enseignement et réussirent… Auguste Lambelet était loin d’être un méchant homme. Il se donnait toute la peine possible pour instruire sa classe, mais il était si faible qu’après chaque accès de toux, de même qu’à la suite du moindre effort, son visage était tout en sueur. Le pauvre diable, dès son enfance, avait subi bien des privations. »

« L’hiver suivant (1868-1869), l’école fut transférée à « Chincul-Dessus » … Le nouveau régent, Gustave Blanc, était un petit paysan des Bayards, porteur du brevet de 3e degré. Son poste ne durait pas plus de cinq mois. C’était un grand gaillard, robuste, sachant maintenir la discipline dans sa classe sans rouer de coups ses élèves. Il n’était pas précisément un aigle, sa culture loin d’être vaste, mais sa science était suffisante pour la plus grande partie des élèves à lui dévolus. Il connaissait sa grammaire et son arithmétique. Quant à l’histoire et à la géographie, ce n’était pas son fort, pas plus que le solfège et le reste. Tous les matins, il partait des Bayards après avoir trait et fourragé ses trois vaches, pour arriver toujours régulier à 8 heures et demie à « Chincul-Dessus »… »

« Nos voisins français sont cordiaux, sympathiques et affables … Le jour de la Fête-Dieu, la ville [de Pontarlier] était décorée de feuillage et de fleurs. Sur la place principale se groupaient tous les corps constitués devant prendre part au cortège … les sapeurs en tête dans une tenue datant du Premier Empire : tabliers blancs en peau de buffle, haut bonnet à poil, hache sur l’épaule et toute une ferblanterie d’insignes sur la poitrine. Ensuite, les pompiers constituant la Garde nationale, tous coiffés d’un casque jaune surmonté d’une chenille rouge et d’un plumet noir. Ces troupiers étaient armés d’un fusil à silex, [de l’époque napoléonienne et de la Restauration. Puis venait le clergé avec ses nombreuses bannières et oriflammes, toutes les congrégations religieuses, les écoles la magistrature, les hauts fonctionnaires, puis toute la masse des fidèles où dominaient les femmes. Parmi cette foule, un grand nombre d’enfants de dix à douze ans [étaient] costumés en curés chacun muni d’une sébile pour récolter les petits sous des fidèles et des nombreux spectateurs de l’extérieur… »

« La plus grande partie des paysans de la contrée [soit des environs des Verrières] étaient des Suisses d’autres cantons, tous braves et laborieux … Un seul ne comptait aucun ami, sa méchanceté était proverbiale … J’ai toujours ignoré pourquoi on le surnommait « Jacques du Savon » … C’est, je suppose, parce qu’il n’en usait jamais … »

« II y avait… devant la ferme un siège à fumier, mais comme cet agronome ne mettait pas de paille sous ses bêtes, il lui était impossible d’établir un fumier bien tassé. La bouse de l’écurie transportée sur le prétendu siège à fumier, pluie et neige aidant, en faisaient une jolie mare. Au bord de cette mare répugnante, était installée une cabine de bois ressemblant à une guérite de factionnaire, c’était le cabinet d’aisances … Aux alentours de la maison croupissait un train de char auquel il manquait une roue, une brouette défoncée, un vieux buffet sans porte, des choses inutilisables et dégoûtantes. Tel était le milieu dans lequel l’illustre « Jacques du Savon » régnait en souverain. »

« Or, il advint qu’un jour nous eûmes l’occasion de jouer un tour à cet être détestable. Un dimanche de mai, nous nous étions rendus, un de mes camarades et moi, à la cueillette des morilles du côté de « La Grosse Prise » ; nous dûmes à notre retour passer près de la demeure du tyran. Nous le vîmes sortir de son antre, se diriger vers la cambuse servant de W.C.. Il ne pouvait nous apercevoir. Il entre dans l’établissement, ferme la porte. Sans nous être concertés, mon camarade et moi, … depuis derrière la guérite, d’un bon coup d’épaule chacun, la couchons à terre, porte en dessous. [Nous] courrons nous blottir derrière le mur proche; accroupis derrière ce paravent, nous contemplons notre ouvrage, curieux de voir le dénouement de l’équipée. « Fifine ! Fifine ! » braillait le prisonnier furieux «Arrive donc, feignante ! Viens-tu, oui ou non ? Retourne à la cuisine. Va cherche la hache, décloue le toit ! Sors-moi d’ici. » Fifine se met en devoir de défoncer le toit… La trouée faite, on aperçoit émerger une tête embroussaillée, les deux épaules du rat captif qui se dresse sur son séant. Alors, nous nous rendons compte de l’étendue du désastre : les jambes nues, pantalons sur les souliers, chemise collée au corps, voici le Chevalier à la triste figure, lequel, n’osant prendre ses chausses à la main (pour cause !) regagne son logis à petits pas, sacrant, envoyant à tous les diables les auteurs de sa situation ridicule et piteuse … La mésaventure fit du bruit, le fameux « Jacques du Savon » lui-même emboucha la trompette de la publicité… »

« L’armée de l’Est, commandée par Bourbaki, était acculée à la frontière suisse … [4] Une grande partie des habitants de cette ville (Pontarlier) fit pénétrer en Suisse des objet précieux pour les soustraire à la rapacité du vainqueur, en nous priant de les aider. »

« Ainsi, pendant les jours précédant l’arrivée de l’armée en retraite, nous dûmes, mon frère et moi, descendre tous les jours en ville par le chemin de « La Ronde » et des « Entre-Portes » avec chacun un traîneau attelé d’un bon cheval… Le 1er février fut le dernier jour où nous allâmes à Pontarlier. Pendant tous les jours précédents nous vîmes arriver les malheureux soldats de l’année de l’Est. Ce premier février, nous ne vîmes plus arriver un seul soldat français. A une heure, comme nous étions occupés à mettre la dernière main à nos chargements, au boulevard Saint-Pierre, arrive une bande de gamins criant : « les Prussiens, voici les Prussiens ». En effet, nous voyons arriver par la route de Salins le premier détachement de l’armée allemande arrivant à Pontarlier. Ces hommes passent à deux mètres de nous, musique en tête avec fifres, chaussés de grosses bottes, martelant le sol gelé. Sans tourner la tête, ces soldats défilent d’une façon impeccable… Le soir de ce jour mémorable, nous étions de retour sains et saufs à 5 heures du soir. Le canons du fort de Larmont tiraient leurs derniers coups lorsque nous dételions nos chevaux… »

« La ville de Pontarlier occupée par les Allemands sous les ordres de Manteuffel, il était facile de s’y rendre sans passeport. Par conséquent, légion furent les curieux qui passèrent la frontière. On voulait voir les Prussiens. Parmi les Verrisans se rendant à Pontarlier, quelques-uns ne cachaient pas leur opinion, aimant s’afficher bons royalistes. Entre autres, une institutrice sur le retour se faisait remarquer par un juvénil [sic] enthousiasme. »

« Un dimanche, la musique d’un des régiments de l’année d’occupation donnait un concert militaire sur la place où un pavillon était dressé. Parmi les auditeurs, des Suisses dont un petit nombre de Bédouins [5] applaudissait à tout rompre. Le concert terminé, un Verrisan, royaliste notaire, s’approche du chef pour le féliciter, lui donnant l’accolade. [Il] lui présente son chapeau au fond duquel grouillait la monnaie recueillie dans les rangs des auditeurs. Le chef de musique fit tout de suite comprendre au généreux royaliste qu’il avait en face de lui une fanfare militaire jouant gratuitement pour le public. Les nombreux Français, témoins de ce fait, ne se trompèrent pas sur le sens à donner à cette façon d’agir … Ils trouvaient la chose déplacée, comme une insulte à leur infortune. Aussi s’apprêtaient-ils à faire un mauvais parti à ces lourds étrangers fraternisant avec leur occupant. Les soldats allemands durent les accompagner à la gare sous escorte avant que les Français ne leur administrent une volée. Le journal de Pontarlier protesta énergiquement contre la façon d’agir de ces gens aussi dépourvus de cœur que de tact. Nos journaux s’empressèrent de lui donner raison… Ainsi finit l’équipée de quelques imbéciles, incorrigibles encroûtés… »

Journal inachevé.

Notes

  1. Mômerie : piété outrée, comme les piétistes ou autres sectaires pratiquant leur foi.
  2. Etablissage : Fabrication d’horlogerie. Se dit surtout de l’ancienne manière de fabriquer, avec « comptoir » et ouvriers à domicile, par opposition au travail à l’usine et par séries.
  3. Etelles : Partie en bois du collier des chevaux d’attelage.
  4. cf. Bulletin d’août 1997 (p.52-53) : Un témoin raconte l’épopée des Bourbaki, par Meinrad Nusslé.
  5. Bédouins : surnom des royalistes