Bulletin 11 / Juillet 1998

Paul Aimé Junod

Famille émigrée au Kansas en 1877

Paul Aimé Junod (1846-1918), de Lignières, et ses descendants

Résumé de l'exposé de M. Nicolas Junod

M. Junod, notre président, ne se passionne pour la généalogie que depuis août 1993. Mais depuis sa passion est dévorante, elle l’a amené à effectuer de nombreuses recherches, en particulier dans les offices d’état civil de Lignières, de Cortaillod, de Bevaix et de Cornaux. Rapidement, il a trouvé beaucoup de membres de sa famille; leur nombre se monte aujourd’hui à 3’500 personnes, dont 1’300 portent le nom de Junod et 635 sont encore vivants. Il a ainsi découvert que sa famille, originaire de Lignières, remonte à un certain Girard, mentionné dès la deuxième moitié du XVIe siècle. Malheureusement, tous ses efforts ne lui ont pas encore permis de découvrir d’où provenait ce premier personnage. Il doit sans doute se rattacher à d’autres lignées, les plus proches géographiquement étant citées à Cornaux, à Nods et à Savagnier.

Dans la cadre de sa famille, l’année 1791 fut particulièrement importante. Cette année-là, on décida à Lignières d’abandonner le libre parcours du bétail sur les terres faisant partie du ressort communal sans obligation de rachat. Cette exemption pouvait toutefois être retirée et c’est pour parer à cette éventualité que les membres des deux familles Bonjour et Junod eurent l’idée de mettre de côté l’augmentation du rendement de leur terre résultant de la suppression de la vaine pâture et de créer ainsi un fonds. Ce rendement fut évalué à 21 batz [1] par pose où l’on fauche le regain, et à 10 batz 2 crutz où l’on ne fauche pas une deuxième fois.

La Suisse n’a pas toujours été un pays riche et prospère, capable de nourrir l’ensemble de sa population. Au contraire, c’était une terre d’émigration. Les petits domaines morcelés, les familles nombreuses ne permettaient le plus souvent qu’une existence étriquée. Lorsqu’une catastrophe climatique intervenait (comme en 1816-1817, par exemple), la seule solution consistait souvent à quitter le pays de ses ancêtres. Jusqu’au XVIIIe siècle, l’on partait servir dans les troupes suisses servant à l’étranger. Au XIXe siècle, l’émigration aux Etats-Unis d’Amérique, en Amérique du Sud ou en Russie prend le pas sur cette première solution.

C’est pourquoi, Paul Aimé Junod (Lignières 1846 – Onaga, Kansas, 1918) choisit l’émigration extra-européenne. Né le 20 février 1846, il souhaitait sans doute rejoindre des Bonjour établis au Kansas depuis 1850 déjà. Cependant, son départ est retardé par le décès de sa première épouse, Hortense Victoire Samson, morte à Nods le 5 mars 1876 sans doute à la suite de l’accouchement de son troisième fils. Il part en fait en 1877 accompagné de sa deuxième femme, Sophie Bertha Bonjour (Lignières 1850 – Neuchâtel, Kansas, 1930), de ses trois fils, d’Alexandre Junod, un cousin, d’Alfred, d’Aimé et de Zélim Bonjour, des parents. Le passage du Havre à Onaga (en bateau, puis en train) coûtait vers 1885 US$ 20 par personne … en dernière classe.

Nous avons retrouvé le passeport d’un des participants à ce voyage, soit celui d’Alexandre Junod, le cousin. Il avait été délivré à Neuchâtel le 2 mars 1877. Son détenteur était âgé de 34 ans, mesurait 1 mètre 63, avait des cheveux noirs, un front moyen, des sourcils noirs, des yeux bleus, un nez moyen, une bouche moyenne, une barbe noire, un menton rond, un visage ovale, un teint de santé (?). Il présentait un signe particulier : il était boiteux. Ce document a été visé à Pontarlier le 10 mars 1877, ce qui permet de fixer la date du début de son déplacement aux Amériques.

Au cours de ses recherches, notre conférencier voulut prendre contact avec tous les Junod habitant aux USA. Il envoya une lettre-type à 150 personnes, iI reçut en retour 15 réponses environ, en particulier celle d’un certain Arthur. Il descendait par son père, Arthur Emile (Lillis, Kansas, 1913 – Texacana, Texas, 1976), par son grand-père, Emile Alfred (Neuchâtel, Kansas, 1886 – 1953) de Paul Aimé Junod et de sa deuxième épouse. A la grande surprise de notre conférencier, cette famille avait résidé au Texas, en un lieu appelé Neuchâtel, dans la lointaine Grande Plaine de l’Ouest.

C’est pourquoi, il décide d’aller rendre visite à ses lointains cousins. Il prend l’avion à Genève, fait escale à Paris, à Chicago pour s’arrêter à Kansas-City. Un trajet en voiture l’amène à Onaga. Là, il rencontre ses parents éloignés. Pour en garder un souvenir tangible, il prit avec lui une caméra vidéo. De ce travail de cinéaste amateur, il a tiré une cassette vidéo que nous avons le plaisir de visionner,

II nous montre tout d’abord celui qui l’a reçu : Richard Dean Junod, dit Butsch. Il tient un magasin de spiritueux à Onaga. Avec sa femme, née Jeanneret, et ses enfants, il habite une caravane, comme beaucoup d’autres Américains modestes. Passons maintenant au contexte : nous voyons quelques vues d’Onaga, bourgade tranquille du Middle-West américain. Nous partons ensuite pour Neuchâtel, petite localité située à 7 km. environ. On l’atteint par une route non goudronnée qui s’enfonce dans le pays profond. Neuchâtel est en fait constitué de fermes isolées. Son seul lieu de réunion consiste en une petite chapelle construite par les habitants du lieu. La localité compte 70 électeurs, pour la plupart éleveurs. Malheureusement la sèche plume d’un rédacteur de procès-verbaux ne lui permet pas de rendre l’atmosphère qui se dégage de ces images, la vie paisible des fermiers, les horizons larges et agrestes d’un Kansas inconnu pour nous. Que tous ceux qui n’ont pu assister à notre réunion sachent cependant que les personnes présentes n’ont pas boudé leur plaisir à la vision de ces images idylliques.

 

 

  1. 1 batz = 13 centimes en 1851 ; 21 batz = 2 Fr. 73 ; 1 kreutzer – 1/4 batz (Pierrehumbert).
Positionnement du Kansas sur la carte des Etats-Unis