Bulletin 13 / Août 1999

Famille Huguenin-Virchaux

La famille Huguenin-Virchaux

Résumé de la conférence de M. Jean-Marc von Allmen

par Germain HAUSMANN

M. Jean-Marc VON ALLMEN descend par ses grands-parents de deux familles neuchâteloises, les HUGUENIN-VlRCHAUX et les ROULET. Depuis deux ans, il est parti à la recherche de ses ancêtres. Les résultats en si peu de temps sont spectaculaires, mais il avait une aide précieuse, son épouse, Sarah VON ALLMEN, qui, malgré ses origines anglaises, s’est passionnée pour les ancêtres suisses de son mari. Son aide lui fut particulièrement précieuse.

Les HUGUENIN-VlRCHAUX descendent de la famille HUGUENIN, du Locle. Avant d’aborder la généalogie proprement dite, voyons d’où est issue cette lignée.

Elle provient des Montagnes neuchâteloises, soit d’un ensemble de vallées d’altitude (à 1000 mètres environ) sises au nord-ouest de la ville de Neuchâtel, en direction de la frontière française. Dans l’une d’entre elles, existait un petit lac, ce qui lui a donné son nom. En effet, le nom de Le Locle vient du celtique « loch », le lac. Ce grand étang était entouré de marais. Un petit ruisseau l’alimentait et était son exutoire, le Bied. Tout cela a disparu aujourd’hui, le lac et le marais ont été asséchés, le Bied canalisé.

Le Locle est cité une première fois vers 1150. Un acte non daté de cette époque raconte comment les seigneurs de Valangin en firent don au monastère de Fontaine-André qui venait d’être fondé près du lac de Neuchâtel, au-dessus de La Coudre. L’obituaire de cette abbaye rappelle aussi ce fait. Sous l’aile protectrice de ces moines (il s’agissait en fait de chanoines dépendant de l’ordre de Prémontré), des familles commencent peu à peu à coloniser la région. Au XIVe siècle, les seigneurs de Valangin rachètent à cette abbaye tous ses droits et entreprennent une politique encore plus active de colonisation. Ils cherchent à y attirer le plus de personnes possible en leur octroyant des franchises. La première d’entre elles, en 1372, libère les habitants du Locle et de La Sagne et les proclame hommes libres. Désormais, ils s’appelleront « francs-abergeants ». De plus en plus de privilèges leur sont acquis, généralement contre payement, jusqu’en 1480, date où la région est connue comme « le Clos des franchises ». A partir de 1502, sous certaines conditions, ces hommes libres peuvent obtenir la position sociale alors fort enviée de bourgeois de Valangin.

Après avoir ainsi brièvement évoqué le contexte dans lequel vivaient les Loclois, intéressons-nous plus particulièrement à la famille HUGUENIN. Rappelons tout d’abord que ce nom tire son origine d’un prénom, d’un diminutif de Hugues. Il signifie le petit ou le jeune Hugues. L’ancêtre de la famille se prénommait sans doute ainsi, mais portait un autre nom de famille. Comme cela arrive souvent à cette époque, sa descendance reprit uniquement son prénom. Le prénom de Huguenin étant assez couramment porté au Locle à cette époque, nous ne pouvons malheureusement pas définir qui était cet ancêtre éponyme.

En fait, la famille apparaît en 1461-1462 en la personne de deux frères : Jehan et Vuillemin HUGUENIN. Dès 1463, nous rencontrons un certain Othenin, le fils de Vuillemin. Avec son frère Jehan, ils sont cités jusqu’en 1485. Othenin avait donc vingt ans au moins en 1463. Il serait né donc avant 1443, et son père au moins vingt ans avant, soit avant 1423.

C’est de cet Othenin, dit aussi Outhenyn chez Heuguenin, un franc-abergeant vivant à la fin du XVe siècle, que proviennent toutes les personnes appelées jusqu’à aujourd’hui Huguenin. A ce jour, notre conférencier a pu en découvrir plus de 3900. Ils ont vécu aux alentours du Locle, de La Chaux-du-Milieu, des Ponts-de-Martel, de La Sagne et des Planchettes. Certains ont émigré aux Etat-Unis ou en Australie, d’autres se trouvent en Hollande, en France, au Mexique. Avec le nom des personnes alliées (qui portent le plus souvent d’autres noms locaux comme JACOT, JEANNERET, MATTHEY, PERRENOUD, ROBERT, VUILLE, etc.), notre conférencier a rassemblé des renseignements d’ordre généalogique sur plus de 5000 personnes.

Les fils ou les petits-fils d’Othenin ont certaines fois été désignés par des surnoms que leurs descendants ont gardés. Au cours de son étude, M. VON ALLMEN a rencontré des HUGUENIN-BENJAMIN, des HUGUENIN-BERGENAT, des HUGUENIN DES BOIS, des HUGUENIN-BOSSON, des HUGUENIN-DUMITTAN, des HUGUENIN-ELBE, des HUGUENIN-JONATHAN, des HUGUENIN-JUNET, des HUGUENIN-LENOIR, des HUGUENIN-L’HARDY, des HUGUENIN-D’HOTAUX, des HUGUENIN-RlCHARD, des HUGUENIN-TENET, des HUGUENIN-VIRCHAUX, des HUGUENIN-VUILLEMENET, des HUGUENIN-VUILLEMIN et des JEANHUGUENIN. Précisons que toutes les familles inscrites en gras ont pu être rattachées au tronc commun. Ces doubles patronymes, tels que nous les rencontrons ici, sont typiques du canton de Neuchâtel, ainsi que de la région voisine de Franche-Comté.

C’est d’un des petits-fils d’Othenin, Jaques (fils d’Othenin, petit-fils d’Othenin), que descendent les HUGUENIN-VIRCHAUX. Ce personnage avait acheté un champ un peu à l’extérieur du Locle à un homme nommé Janthot VlRCHAULX, d’où le nom que prirent ses descendants. Le 19 décembre 1553, ledit Jaques HUGUENIN fait la reconnaissance suivante (reconnaissances des Monts de Travers, 1553, f. 383-389): « Jaques Huguenin de chiez feu Outhenin, qui fust fils d’Otthenyn, le 19 décembre 1553, par pure franchise, confesse publicquement, estant de franche condition, les biens à leu advenus et déjà reconnus par Hugonin, Jacob et Outthenin (le père du confessant), tous trois fïlz de feu Outhenyn Heugonin, communier du Loucle, son droict et partaige d’un maix en morcel de terre estant en prelz, cernix, pasquiers et pasturaiges gisant à la Chaux de Chevalée, territoire de Travers, partys en trois lods (dont le tier advenu audict reconnaissant), jouxtant devers ouberre (sud) les Roches des Glottes, devers joran (nord) la Brévina, sur la part duquel fut édifié une mayson de boys pour laquelle il doit 4 gros, monnoye payable à mondict seigneur noble Symon de Neufchastel. Jaques aura l’aisance d’y faire un four à pain pour son usage. La dixme du bledz qui croistra sur ledict maix à scavoir deux esmynes à la mesure de Neufchastel par pose de belle vuagne que ledit reconnaissant payera selon les us et coutumes du lieu … ».

Le nom d’HUGUENIN-VIRCHAUX va peu à peu s’officialiser. Tout d’abord, il se fixe sans doute oralement, pour progressivement être reconnu dans les textes écrits. En fait, seuls, les petits-enfants, voire même les arrière-petits-enfants, porteront le nom d’HUGUENIN avec son suffixe.

Ainsi, Jonathan, fils de David, petit-fils de Blayset et arrière-petit-fils dudit Jaques, est encore inscrit sous le nom d’HUGUENIN, ainsi que ses enfants, et même ses petits-enfants. C’est seulement à partir de son petit-fils, Moïse, fils de Daniel, que le nom d’HUGUENIN-VIRCHAUX apparaît régulièrement et sera repris par l’état civil.

Mais, pour en revenir à Jonathan, on le désigne lors de son troisième mariage par le nom de « HUGUENIN DIT VIRCHAUX ». Ce suffixe montre bien que VIRCHAUX n’est alors considéré que comme un surnom. Jonathan semble avoir possédé une demeure à La Baume, hameau en dehors du Locle. Il meurt aux Planchettes, après, sans doute, avoir laissé à son fils la gestion de sa ferme. Comme il porte un prénom rare, il devient pour un temps l’ancêtre éponyme d’une lignée. Ses descendants se nommeront au choix « HUGUENIN-DIT-JONATHAN », « HUGUENIN-VIRCHAUX-DIT-JONATHAN » OU « HUGUENIN-DIT-CHEZ-JONATHAN », mais cela ne durera pas.

Toujours à propos de ce personnage, notons que sa seconde femme, Susanne Marie, est la veuve de Jacques HUGUENIN, notaire et justicier, du Locle, auteur d’un armorial neuchâtelois.

De Jonathan, descend la lignée de notre conférencier. Parmi tous les personnages qui la composent, relevons en particulier deux cas assez extraordinaires : tout d’abord, Daniel HUGUENIN-VlRCHAUX (1789-vers 1827-37), fils de Daniel Henry, petit-fils de Daniel, arrière-petit-fils de Jonathan. Il avait décidé que son prénom lui survivrait. Aussi, il l’a donné à chacun de ses fils, tous nés au Locle : Daniel Henri (né en 1815), Daniel Auguste (1816-vers 1846-1849), Daniel Frédéric (né en 1820), Louis Daniel (né en 1823) et Daniel Philippe (né en 1827). Voilà un bel exemple de ténacité.

Son fils, Daniel Henri (né en 1815) était manifestement féru d’histoire. Avec son épouse, Emilie RACINE (née en 1814), il a affublé presque tous ses enfants de prénoms hors du commun, certains à références royalistes. Il veut sans doute montrer ainsi ses préférences politiques. Voici la liste de ses enfants, tous nés au Locle, la plupart décédés aux USA : Louise Amélie, née en 1839 et morte vers 1872, Jules César, 1840-1877, Bernard Soliman, né en 1842 (Soliman: nom d’un sultan ottoman), Bemadotte Iwan, 1843-1872, (Bernadotte : nom d’un général français devenu roi de Suède), Zélie Stratonice Henriette, née en 1844 (Stratonice : princesse macédonienne connue pour sa grande beauté), Adolphe Aloïs Reding, 1845-1873 (Aloïs de Reding : chef des Schwytzois qui ont résisté à l’invasion française en 1798), Marie Antoinette, née en 1847 (du nom de la reine de France) et Elisabeth Louise, née en 1850 (du nom de l’épouse de Frédéric-Guillaume IV, roi de Prusse et prince de Neuchâtel).

A la famille HUGUENIN-VlRCHAUX, appartenait aussi le peintre neuchâtelois Fritz Edouard HUGUENIN-VlRCHAUX, plus connu sous son pseudonyme HUGUENIN-LASSAUGUETTE. M. Pierre Arnold BOREL a présenté la généalogie de ce personnage, il y a quelques temps (cf. Assemblée générale du 17 décembre 1996). Il descend d’un frère de Jonathan. Notre conférencier a pris contact avec les descendants de cet artiste qui habitent en France et au Mexique. Il a pu obtenir de leur part quelques détails inédits.
M. VON ALLMEN s’intéresse non seulement aux familles restées en Suisse, mais essaie aussi de prendre contact avec celles qui ont émigré. Il ne faut pas oublier que la Suisse au XIXe siècle n’était pas aussi riche qu’aujourd’hui. Elle nourrissait avec peine tous ses habitants. Cette situation a entraîné un flux plus

En 1819, des émigrants provenant essentiellement du canton de Fribourg fondent la colonie de Nova Friburgo au Brésil. En Bessarabie, le village de Chabag est créé en 1822. En 1846, le canton de Glaris organise une émigration massive de ses ressortissants qui s’installent à New Glaris.

C’est ainsi que beaucoup de Neuchâtelois ou de Jurassiens quittent la Suisse au cours du XIXe siècle, pour commencer une nouvelle vie. Certaines communes leur donnaient même les moyens financiers de le faire, en leur accordant un subside de 400 francs suisses ou six mois du salaire d’un ouvrier. Elles espéraient ainsi se débarrasser de pauvres qu’elles n’auraient plus besoin d’assister en cas de crise économique. Elles assortissaient d’ailleurs leur don d’une condition : il leur était interdit de revenir au pays ; sinon, ils avaient l’obligation de rembourser la somme à eux avancée, avec un intérêt de 4% par an calculé à partir du jour de leur départ. Comme il était souvent difficile de trouver du travail en Suisse, ces conditions étaient acceptées avec empressement, tant l’Amérique paraissait être un paradis où il était facile de s’enrichir et d’acquérir des terres.

Dès 1850, des annonces sont publiées régulièrement dans les journaux par des agences de voyages bâloises, bernoises ou françaises. Au départ du Havre, le voyage coûte entre 80 et 100 francs suisses, selon le nombre d’émigrants. La nourriture à bord, d’une valeur de 40 francs environ, se compose de 40 livres de biscuits, de 5 livres de riz, de 5 livres de farine, de 4 livres de beurre, de 14 livres de jambon, de 2 livres de sel, d’un sac de pommes de terre et de 2 litres de vinaigre. Les émigrants sont obligés d’apprêter eux-mêmes leurs repas. A cela, s’ajoutent le prix du transport au Havre (environ 60 francs) et la nourriture pour 4 ou 5 jours passés dans la diligence. Des clippers, tels que le « Savannah » ou le « Sirius », traversent l’Atlantique en moins de 200 jours, rendant le trajet beaucoup plus facile (et moins meurtrier) que pour les premiers colons.

En 1857, l’agence d’André ZWBLCHENBART, de Bâle, annonçait des passages en paquebots pour New York, ainsi qu’en trois-mâts américains vers la Nouvelle-Orléans. Trente-trois ans plus tard, en 1880, la même agence vantait ses transports en paquebots à vapeur en direction des Etats-Unis, vers le Canada ou l’Amérique du Sud.

La recherche de ces branches émigrées intéresse notre conférencier. Pour établir un contact, le moyen le plus simple est Internet. Il a ainsi constitué sur ce média une page de généalogie en français et une autre en anglais, dont l’adresse est la suivante : http://www.home.ch/~spawl 634. Il reçoit de 1 à 5 messages par jour qui proviennent de personnes cherchant leurs origines. Il lui a été ainsi possible de relier au tronc principal plusieurs familles américaines portant le nom de HUGUENIN, ainsi qu’une branche australienne, une mexicaine et des françaises. En fait, le travail ne fait que commencer. Il a déjà récolté des renseignements sur 15000 personnes pour les quatre familles de ses grands-parents.

En voici quelques exemples : Julius Abram HUGUENIN s’est intéressé à son ancêtre, David HUGUENIN, qui était planteur de coton en Caroline du Sud. Il était parti vers 1770 lors de la fondation de la cité de Purysburg (par un membre de la famille neuchâteloise DE PURY). L’endroit était malsain ; il y eut beaucoup de morts. Mais David parvient à survivre. Sa plantation était exploitée par de nombreux esclaves noirs. Sa descendance est abondante (environ 1000 personnes). On pourrait raconter plusieurs anecdotes intéressantes à ce sujet, comme ce duel à propos d’une affaire d’honneur. Lors de la guerre de Sécession, certains membres de la famille servent au Nord, d’autres chez les Confédérés.

Notre conférencier a trouvé aux USA une branche HUGUENIN-ELIE, une HUGUENIN-VUILLEMENET, plusieurs HUGUENIN-VIRCHAUX ou simplement HUGUENIN. Au Mexique, il suit la trace des descendants du peintre HUGUENIN-LASSAUGUETTE. En France, il rencontre plusieurs familles, dont certaines ont des liens de parenté avec Franz LISZT et Richard WAGNER. En Australie, s’est installée une branche de la famille HUGUENIN-DUMITTAN. Il y en a aussi en Hollande et ailleurs. Il reste encore beaucoup de travail à effectuer.

Il ne faut pas uniquement utiliser l’informatique. Tout le monde n’est pas relié à Internet. La bonne vieille méthode du courrier postal reste utile et d’un emploi constant. Il s’agit aussi de faire attention au fait que l’orthographe d’un nom de famille peut évoluer. Les Américains anglicisent certains noms, les Allemands les germanisent certaines fois. De même, nos ancêtres francisaient des noms étrangers. Ainsi, des VON ALLMEN sont devenus des DUCOMMUN-DIT-L’ALLEMAND.

On doit aussi se méfier d’étymologies populaires. Ainsi, beaucoup de HUGUENIN croient que leur nom provient des Huguenots qui se sont réfugiés en Suisse. Il s’agit en fait de la collision de deux mots d’origine fort différente. Comme nous l’avons vu plus haut, Huguenin vient du prénom Hugues, alors que Huguenot tire vraisemblablement son origine de « Eidgenots », nom du parti genevois favorable à la Confédération (Eidgenossenschaft en allemand) et à Calvin.

Notre conférencier n’a pas, de loin pas, résolu tous les problèmes à propos des HUGUENIN et des ROULET. Il subsiste beaucoup de noms flottants, qu’on ne peut rattacher à aucune branche. Les fréquents cas d’homonymie et la maigreur des renseignements à notre disposition ne nous permettent souvent pas de déterminer à quelle branche appartient tel personnage. Il faut pour se décider être attentif aux noms des parrains ou des marraines, poursuivre la généalogie sur encore une génération même pour les filles. Toutes ces méthodes permettent d’y voir plus clair, mais ne résolvent pas tous les cas.