Bulletin 15 / Décembre 2000

Adieu à Georges Fallet

par Germain Hausmann

Lorsque nous avons appris le décès subit de Georges Fallet, ce fut pour nous tous un choc car rien ne pouvait faire penser à une fin si rapide et si soudaine. Je l’avais personnellement rencontré il y a une dizaine de jours aux Archives. Il semblait être en pleine forme, passionné par ses recherches, plaisantant sur une faute d’orthographe, fier de me présenter ses dernières trouvailles. Comme souvent, pour ne pas perdre de précieuses minutes, il était monté quatre à quatre les Escaliers du Château. Il avait atteint le sommet de la colline, essoufflé certes (on le serait à moins), mais en meilleures condition physique que de plus jeunes.

La vie n’ avait pas toujours été pour lui un long fleuve tranquille. Né de père inconnu, il n’avait pu être élevé auprès de sa mère. Passant d’une famille d’accueil à l’autre, il connut une enfance ballottée, sans jamais espérer pouvoir établir des relations stables avec son entourage. Il n’était d’ailleurs pas toujours bien traité. Il a parfois joué le rôle d’une petite Cosette au masculin chez des Thénardier où les desserts et les douceurs n’étaient réservés qu’aux enfants de la famille. Un jours que je lui racontais que, dans un dossier  d’assistance que je venais de consulter, j’avais rencontré une enfant poussée par la faim à manger de l’herbe, il ne s’était pas choqué qu’une telle situation puisse se produire. Alors que je m’étonnais de son insensibilité, il m’avoua qu’une telle mésaventure lui était personnellement arrivée lors d’un placement chez des gens habitant au bord du Lac Léman. Aussi, les séjours qu’il faisait dans la maison de son grand-père, à Dombresson, lui laissèrent des souvenirs merveilleux, comme de brefs instants de bonheur familial.

Après son école obligatoire, il entreprit un apprentissage de vendeur dont il avait gardé un goût certain pour les chiffres, ainsi qu’une grande sûreté et rapidité en calcul mental. Son certificat en poche, il partit en Suisse alémanique. Après un bref séjour à Lucerne, où son logeur lui coupait l’électricité le soir, il s’établit à Saint-Gall. Il s’attacha vite à cette petite cité, un peu provinciale, qui devint pour lui une seconde patrie d’origine. Il aimait aussi ses habitants et leur langage chantant et remplit ses obligations militaires dans les troupes saint-galloises. Il conserva même l’habitude, jusqu’à la fin de sa vie, d’écouter la radio alémanique. Il se réjouissait tout particulièrement d’y retourner, en cet automne 2000, après avoir économisé, sou par sou, l’argent du billet de train. C’est là qu’il tomba en pleine rue, à son arrivée, le 13 octobre dernier, terrassé par une crise cardiaque dans sa cinquante-cinquième année.

Mais reprenons le fil de son existence. Après son séjour à Saint-Gall il trouva un emploi chez Suchard où la fabrication du chocolat n’eut bientôt plus de secret pour lui. Bien intégré, il représenta même ses collègues au sein du Conseil d’entreprise.

Ce retour en terre neuchâteloise lui permit d’assouvir sa passion pour la généalogie. Il passait toutes ses vacances aux Archives à la recherche de ses ancêtres, d’abord sous le regard sévère de M. Schnegg, puis sous la direction de M. Courvoisier. Grâce à plusieurs années d’efforts, il put reconstituer toute la généalogie de sa famille. Tout naturellement, il entra à la Société neuchâteloise de généalogie de Neuchâtel et s’y distingua tout de suite par son assiduité. Bien que très réservé, il se fit connaître par sa disponibilité et ses connaissances et fit même partie du comité.

Hospitalisé pendant plusieurs mois, les services chargés de vider son appartement jetèrent tous ses travaux généalogiques, ses notes, ses photographies. Il perdit ainsi le fruit d’années de travail et ses souvenirs de Saint-Gall auxquels il tenait tant. Il tomba alors dans une profonde dépression. Puis, un jour, il revint aux Archives, désormais dirigées par M. de Tribolet et reconstitua non seulement la généalogie des Fallet, mais celle de toutes les familles alliées. Il se consacra désormais presque à plein temps à sa passion  généalogique. Il contribua activement au recensement des généalogies conservées au Château et devint le « répondeur officiel » aux questions posées dans notre Bulletin. En quelques années, Georges Fallet rassembla un nombre impressionnant de données généalogiques qui, espérons-le, ne disparaîtront pas comme la dernière fois mais permettront de constituer un « Fonds Fallet » à la Bibliothèque de la Ville du Locle, où est déposée la bibliothèque de notre société.