Bulletin 16 / Avril 2001

Origine du patronyme Vielle

Notes sur les origines du patronyme 'VIELLE'

par Jean-Pierre Vielle, Cuernavaca, Mexico

Vielle, Viel, Vièle, Villèle : très probablement d’un mot perdu vasco-romain vigiella(r) ou viguiella(r) qui signifiait une ‘tour de veille’; dérivé du latin vigiliar, -ium: guérite ou fortification légère située sur une éminence. On trouvera également, dans le sud-ouest de la France : Viellenave, Soubervielle, Minvielle, Rivielle, Fonvielle, Capdevielle, Villevielle, etc., et en navarrais, Viella, Vielha et Villela.

Anthroponyme toponymique dont l’origine générique se trouve dans de nombreux villages gascons appelés vielle ou bielle, qui correspondent, à leur tour, à de nombreux endroits équivalents dans d’autres régions, toutes situées sur les limes de l’empire romain décadent, (Rhénanie: weil ou weiler ; Jura: velier, vilier; Jura Bernois: wil ou willer; Cornouailles: veal, vealey; Pays de Galles: vail, vailey ; Angleterre: bailey et Irlande: bally ) dans tous les cas, localement et de façon erronée interprétés comme signifiant village, et donc, dérivés supposés du mot latin villa

Cependant, l’hypothèse la plus séduisante est que ces villages – puisque village il y eut – se formèrent, non pas à partir d’une exploitation de colonisation agricole telle que la villa romana, mais en réalité – et cela, bien avant l’époque féodale – par agglomération d’habitat autour d’un ouvrage fortifié, lieu de contrôle des mouvements de personnes et de marchandises et siège du pouvoir local et de la justice.

Bon nombre de ces villages gascons ont d’ailleurs des noms composés ou la terminaison ‘vielle‘ s’accompagne en effet d’adjectifs très anciens, d’origine latine, qui contribuent définitivement à dévoiler l’identité de l’objet représenté : Orthevielle, Autevielle, Aussevielle, Massabielle, Franquevielle, Segouvielle, Saccourvielle, Cathervielle, Jurvielle, Viellepinte, Vielle-Soubiran… Laissons ces lieux-dits plaider leur propre cause : une vielle, c’était donc, il y a bien longtemps, une chose droite, perpendiculaire, franche, haute, massive, sûre, bardée de chaînes, parfois pentagonale, dominante, souveraine… symbole de la loi et de la justice… que l’on peut situer très généreusement dans le temps entre l’an 198, époque où Caton, général romain, pacifiait l’Ibérie (Catonvielle) et la période des rois Wisigoths: 406-476 (Goudourvielle).

D’autres interprétations ingénues, assez courantes, prétendent trouver les origines du nom Vielle dans l’instrument de musique appelé ‘vielle à roue’, ou comme simple corruption de vieille – la Vielle (?) Rue de Genève – ou de viale, ou par transformation de Vitalis, ou dérivé du latin velius

Par contre, il existe encore d’autres patronymes bien connus, visiblement dérivés eux-aussi de la viguiella ou vigiella, tels que Viguier, Vigier, Vigie, Vigiée…

Vielle, comme nom de famille, c’était donc, à l’origine de l’attribution des patronymes (XIIIe s.), tout simplement une précision locative associée à un prénom. On disait autrefois l’Arnaud de la vielle (de La Vielle) comme on disait le Jehan du pont (du Pont), ou le Quentin de la tour (Delatour), ou l’Henri de la môle (de La Môle)…

On trouvera effectivement, un Guilhem Arnaud de Vièle, testifié échevin de Bayonne, en 1335, auteur d’un fameux traité du bon gouvernement municipal, qui défendit ses concitoyens pauvres et petits commerçants contre les bourgeois riches, protégés des anglais; également, un Arnault de La Vielle, syndic de Peyrehorade, qui entabla, en 1658, par devant le Parlement de Paris, une bien mauvaise querelle, avec Messire Anthonin d’Ormondt, Vicomte d’Orthe, pour assurer les droits de pêche de ses syndiqués ; et aussi, né en 1645 en Nouvelle Hollande, cet Aernoudt Cornelissen Viele, connu également comme Vielle, dutch walloon , originaire d’une famille huguenote émigrée en Flandres après l’Edit de Nantes, un des fondateurs de Fort Orange (Albany), explorateur et interprète, qui fit promulguer une ordonnance éphémère empêchant le commerce de mauvais alcool contre des peaux, entre les colons hollandais et les Mohicans; et en sus, ce Don Juan de Villela, né a Viscaya vers 1560, qui devint Gouverneur de la Nouvelle Galicie, Auditeur de l’Audience de Lima, Pérou, et qui exempta les Indiens du paiement de tributs durant dix ans, pour terminer ses jours, très respecté, au Mexique, comme Visiteur de l’Audience et de l’Université; et enfin ce Long John Vielle (Bealey), mauvais garçon et ex-Vigilante du Montana repenti, qui s’intégra, en 1864, à la tribu des Pieds Noirs et défendit farouchement sa famille indienne, aux côtés de ses ‘beaux-frères’, contre les attaques meurtrières des rangers, lors du tristement fameux Massacre de Backer (1879)…

Les Vielle de Suisse, commerçants en vins, citoyens de Neuchâtel, originaires du Peuchapatte, Franches Montagnes, provenaient en fait de Barmans, un petit hameau situé a quatre kilomètres de Pontarlier (dès 1560) et probablement, avant cette date, de Gascogne. Claude François Vielle abandonna Pontarlier vers 1812, pour Les Muriaux, où il s’installa avec toute sa famille. Il ne savait pas alors qu’il allait bientôt devoir abandonner aussi sa nationalité française pour devenir citoyen suisse. Les Franches Montagnes, autrefois possession des évêques de Bâle, qui avaient été annexées par la France sous l’empire, furent dévolues à la Confédération par le Traité de Vienne (1815 ) et tout bonnement appropriées par l’ours du canton de Berne… jusqu’à l’avènement de la république du Jura, le 1er janvier 1979.

Les Vielle du Jura, devenus neuchâtelois, contribuèrent durant plusieurs générations à établir la renommée des vins blancs du vignoble qui ‘font l’étoile’ (Vielle Star). Un certain M. Jean Amable Vielle fut professeur de mathématiques au Gymnase pédagogique de Neuchâtel et à l’Académie, jusqu’en 1878, date à laquelle il céda la place à plus savant que lui (Jean-Pierre Isely, né le 11 avril 1854). Eugène, Edouard, Léon Vielle, né au Noirmont en 1844, fût agréé membre de la Compagnie des Mousquetaires de la Ville de Neuchâtel; ses armes proposées et enregistrée:; à l’armoriai de cette société portent « de gueules au léopard d’argent ». Les Vielle vécurent à Neuchâtel jusqu’en 1946, date de la fermeture forcée et définitive de leur commerce familial, autrefois établi rue Louis Favre, et début de la dispersion des descendants d’abord à La Neuve ville, à Noiraigue et à Lausanne, puis à Belfaux, Fribourg et Martigny et également en Belgique, en France et au Mexique…

( * ) L’auteur de la note qui précède est un Mexicain d’origine suisse, né a Bruxelles en 1935, de père suisse Jean-Eugène Vielle et de mère belge Marie-Madeleine Douxchamps.

Les parents de mon père étaient marchands de vins à Neuchâtel (du côté Vielle) et propriétaires du vignoble ‘Château de Belleverne’, La Chapelle de Guinchay, en Beaujolais (du côté Condeminal). En fait, la famille de mon grand père Vielle était, elle aussi, d’origine française: de Barmans dans le haut Jura, depuis 1560, et avant cela, probablement de Gascogne.

Du côté de ma mère, mon grand-père de Brouwer était un Flamand de langue française de Bruges, industriel du gaz, descendant d’un capitaine marchand de la Compagnie d’Ostende, filiale de la Compagnie des Indes Occidentales, et mon grand-père Douxchamps était lui, descendant d’une très vieille famille de gens de robe de Namur, dans la partie wallonne de la Belgique, et généalogiste distingué.

J’ai passé la plus grande partie de ma jeunesse, jusqu’à douze ans, en Suisse et le reste, en Belgique, où j’ai obtenu une licence en administration à l’Université d’Anvers, et ensuite à Paris, où j’ai acquis un doctorat en économie.

Emigré au Mexique depuis 1960 et ayant obtenu la nationalité mexicaine en 1979, je vis actuellement à Cuernavaca avec Teresa Barrera Lopez (37 ans) et son fils Daniel Aguilar (14 ans). J’ai deux fils d’un premier mariage avec Leticia Calzada Gomez : Jean-Philippe (36 ans) – marié à une Belge de Mons, Nathalie Castiaux – biogénéticien, docteur de Texas A&M, récemment détaché du Cold Spring Harbor Laboratory (Long Island) pour installer son propre groupe de recherche sur Tapomixie, aux laboratoires d’Irapuato du CINVESTAV de l’Institut Polytechnique Nacional; et Patrick, le cadet (33 ans), consultant indépendant pour l’installation et le développement de réseaux d’informatique, au gouvernement (Instituto Fédéral Electoral, Ciudad de Mexico) et dans les universités (Universidad Nacional Autonoma de Mexico et Colegio de Mexico).

A demi retraité, je travaille encore, de temps à autre, comme consultant en matière de Planification et Développement des Universités et pour le reste, sur des recherches personnelles, dont celle commentée ci-dessus, sur les origines du nom Vielle, entreprise depuis 1996.

Je ne suis pas intéressé comme tel à la généalogie de ma famille qui, comme on l’a vu plus haut, est déjà solidement établie dans les deux lignes; je cherche tout bonnement à retrouver les origines fort lointaines d’un patronyme peu commun.