Bulletin 16 / Avril 2001

Pernod absinthiers

Quatre générations d'absinthiers neuchâtelois : Les Pernod de La Sagne et des Ponts-de-Martel

par Eric-André Klauser

Famille Perrenoud

« Perrenoud, Perrenod, Pernod : famille de La Sagne (Neuchâtel) connue dès le XVe siècle, dont une branche détachée aux Ponts-de-Martel dans le même siècle a donné naissance à plusieurs familles: Comtesse, Grandjean-Perrenoud-Comtesse (connue sous le nom de Grandjean), Grand-Guillaume-Perrenoud (connue sous le nom de Perrenoud) et Péter-Comtesse. (…) Une branche, fixée à Couvet, s’est fait connaître, sous le nom de Pernod, dans la fabrication de l’absinthe dès la fin du XVIIIe siècle. » (Léon Montandon, Dictionnaire historique et biographique de la Suisse [DHBS], vol.5, 1930, p. 248) » 

Dans l’almanach Le Véritable Messager boiteux de Neuchâtel de 1939 p. 74, le même historien, sous la rubrique « Familles neuchâteloises », apporte ces précisions: « La grande famille Perrenoud ou Pernod (…) compte plusieurs branches portant des désinences diverses. On y retrouve, là plus qu’ailleurs, la persistance d’un nom de famille alliée et le rôle joué par un prénom, précédé d’un adjectif. Parce qu’en 1465, Jean et son frère Jeannin Perrenoud, à La Sagne [Combe aux Glottes], étaient aussi appelés Perrenoud-Comtesse, sans doute à cause de leur mère, il en est résulté que la descendance d’un fils de Jeannin n’est plus’ connue aujourd’hui que sous le nom de Comtesse. L’autre frère eut deux fils, appelés tous deux Jean. L’un, peut-être à cause de sa taille ou parce qu’il était l’aîné, était qualifié Grand Jean Perrenoud-Comtesse. Cette expression s’est conservée dans la famille issue du prénommé. Relevons, toutefois, que dans l’usage courant on se contente de dire Grandjean. Le second Jean, le cadet sans doute, a laissé une descendance que l’on a peine à reconnaître sous le nom de Péter-Comtesse. Enfin, une troisième branche de la famille a compté au XVIe siècle un personnage surnommé Grand Guillaume. Il n’en fallut pas davantage, ce sobriquet ayant été conservé, pour détacher de la famille Perrenoud un nouveau rameau, qui a nom Grand-Guillaume-Perrenoud. Ses membres sont connus sous le nom de Perrenoud. Deux autres branches de la famille, conclut Léon Montandon, sont désignés sous les noms de Perrenoud-André et Perrenoud le Favre. »

Quant à l’étymologie du patronyme Perrenoud ou Pernod, elle renvoie au prénom Pierre dont elle constitue un hypocoristique, c’est-à-dire un diminutif familier. Par le nom de baptême Petrus – du latin « petra », la pierre, la roche, ce prénom est issu du grec « petros », dans la même acception.

Essai généalogique

1. Perrenodz Jehan
Paysan, cité aux Glottes en 1493; peut-être fils de Pierre, né à La Sagne; déjà mentionné avec Jehannin, son frère, en 1463 lorsqu’ils paient un cens d’avoine; le 17 mai 1473, « il reprit de Monseigneur, en Martel, 14 faulx de joux, chaque faulx payant 4 deniers pors cens et 20 florins d’entraige ». Père de Pierre (2).

2. Pierre
Forgeron à Marmoud 1480; il achète un bois à La Rosière le 5 avril 1505; ∞ Agnès, fille de Rollet Vuille. Père de Pierre (rec. biens aux Glottes le 30 juin 1525) et de Guillaume (3).

3. Guillaume
Vit en 1520 à La Sagne; homme censier de Monseigneur de Travers ; il reconnaît le 30 juin 1525, posséder un bien à la Combe aux Glottes; + avant 1553. Père de Blaise, Antoine, Othenin et Andrey (4).

4. Andrey
Censier du seigneur de Travers ; il reconnaît des biens aux Glottes rière Travers le 15 décembre 1553; possède 39 faux de terre au Bois de l’Halle; passe pour être la souche des Perrenoud de La Brévine; + avant 1602. Père d’Abraham (meunier ; en 1590, Marguerite de Laviron, Madame de Travers, « lui accorde permission de construire un moulin sur le ruisseau des Glottes, avec raisse, baptoir, foule et molières, jusqu’à trois rouages »), Guillaume, Pierret et Moÿse (5).

5. Moÿse
Reçoit des lettres de bourgeoisie de Valangin; maître armurier aux Glottes qu’il tient en indivision avec ses frères en 1590. Père de Syméon (maître arquebusier aux Glottes), Jérémie (maître arquebusier à la Moleta) et Daniel (6).

6. Daniel
Maître canonnier aux Glottes; + avant 1658. Père de Syméon, Moÿse, Pierre et Abraham (7).

7. Abraham
De Joratel; maître arquebusier; ancien d’Eglise aux Ponts-de-Martel. Père de Pierre, Jean Jaques, David, Daniel, Jeanne Marie, Magdelaine, Abraham et Moÿse (8).

8. Moÿse
De Joratel; baptisé 02.04.1671 aux Ponts-de-Martel; laboureur; ancien d’Eglise; ∞ 21.02.1699 Elizabeth Robert-Charrue, fille d’Adelbert, des Ponts-de-Martel. Père de Jeanne Marguerite, Madelaine, Abraham et Daniel (9).

9. Daniel
De Joratel; baptisé 18.04.1706; + 08.09.1791; conseiller de mairie aux Ponts-de-Martel; enseigne, capitaine militaire de milice; ∞ 23.10.1728 Judith Marie Sandoz, fille de Daniel. Père de Charles Daniel, Marie Elisabeth, Daniel-Henri, Frédéric, Jonas Pierre, David François et Abram-Louis (10).

1ère génération d'absinthiers

10. Abram-Louis Perrenod
Dit de Joratel ; baptisé 20.02.1735 aux Ponts-de-Martel; + 26. 01. 1911 à Couvet ; horloger et potringueur (préparateur de remèdes, guérisseur), puis bouilleur de cru à Couvet ; a laissé un livre de raison, intitulé « Livre d’essais et de remarques » et contenant en particulier une « recette d’extrait D’absinte« ; ∞ 06.08.1763 au Locle à Susanne Esther Favre, du Locle, fille d’Abram, juge en renfort, et d’Anne Marie née Vuagneux, + 07.10.1817 à Couvet. Père de Henriette (* 16.12.1764 au Locle), Amélie * 29.08.1774 au Locle) et Henri-Louis (11).

2e génération d'absinthiers

11. Henri-Louis Pernod
* 01.03.1776 au Locle, + 08.12.1851 à Pontarlier, bouilleur de cru, fabricant d’absinthe à Couvet et Pontarlier; ∞ 1 Julie Ducommun (+ 1806), fille de Moyse ; ∞2 25.05.1807 Emilie Dubied, * 20.09.1781, + 24.11.1867, fille du major et justicier Daniel-Henri Dubied (1758-1841), négociant en dentelles et distillateur à Couvet, et de Rose-Marguerite Duval (1755-1821); obtient le 08.02.1843 pour lui et ses enfants l’agrégation à la commune de Couvet sous le nom de Pernod.

D’abord établi à Couvet comme dessinateur et maître de dessin, travaille dès 1797-1798 comme ouvrier distillateur dans l’entreprise « Dubied père & fils » de son futur beau-père Daniel-Henri Dubied et de son futur beau-frère Marcelin Dubied, avant de créer sa propre maison à Couvet et, en 1805, à Pontarlier, connue sous la raison sociale « Pernod fils ». Père d’Emile (* 12.08.1798 à Couvet, médecin, ∞ Sophie Calame), Louis Edouard I (12.1), Louis-Auguste (* 30.03.1808 à Couvet, + 14.08.1808) et Louis I (12.2).

Henri-Louis Pernod 1776-1851

Henri-Louis Pernod
1776-1851

3e génération d'absinthiers

12.1 Louis Edouard Pernod I
Fils de Henri-Louis Pernod et de Julie Ducommun, * 29.11.1799 à Couvet, + 10.06.1886 à Neuchâtel-Monruz (chalet de La Favarge) ; ∞1 30.07.1826 Françoise Jenny Petitpierre, mère de 13.1, 13.2 et 13.3; ∞2 Henriette Elisabeth Françoise Reymond; dès 1827, reprend à son compte la distillerie paternelle établie dans un bâtiment de 32 m2, sur la rive gauche du Sucre, au bas du jardin de l’auberge de l’Ecu de France (future buanderie de cette hôtellerie), puis s’installe dans de nouveaux bâtiments au No 3 de la rue de la Gare (fabrique de carton ondulé Bourquin dès 1913); cet établissement porte le nom « Edouard Pernod », de même que la succursale ouverte en 1850 à Lunel, dans le département languedocien de l’Hérault. Père de Célestin Edouard Pernod II (13.1), Caroline (13.2) et Louise (13.3).

12.2. Louis Pernod I
Fils de Henri-Louis Pernod et d’Emilie Dubied, * 25.11.1809, + 16.04.1847 ; frère de Louis-Auguste (* 30.03.1808, + 14.08.1808); ∞ 1835 Louise-Hermine Liermann, originaire du Grand Duché de Bade (* 26.12.1814, + 08.06.1878); co-dirige la maison « Pernod fils », sise à Pontarlier, d’abord dans l’ancien couvent des Ursulines à la Grande Rue, puis dans le couvent des Augustins et enfin au faubourg Saint-Etienne (seuls les bureaux étant demeurés à Couvet) avec son père – qui lui a survécu quatre ans – et sa mère – qui décédera vingt ans après lui. Quatre enfants : Louis Alfred II (13.4), Fritz (13.5), Marie Elisabeth (13.6) et Rose Emilie (13.7).

4e génération d'absinthiers

13.1. Célestin Edouard Pernod II
Fils de Louis Edouard Pernod I et de Françoise Jenny Petitpierre; * 08.03.1827, + 05.12.1901 à Couvet; ∞ Amélie Philippine Reiss, poétesse et écrivain (* 1838, à Lyon, + 1897, à Couvet); reprend en 1880 la distillerie paternelle de Couvet et fonde en 1897 une succursale à Pontarlier, route des Granges.

La même année, ces deux entreprises sont réunies sous la raison sociale « Société anonyme des Etablissements Edouard Pernod »; en 1912, la marque « Edouard Pernod » sera vendue à Hubert Bresson, de Fougerolles (Haute-Saône), fils du distillateur de kirsch et d’absinthe suisse Abel Bresson (+ 1878) et chef de la maison mère dès 1880, puis aussi des succursales d’Ivry (Seine), de Beaucaire (Gard) et d’Oran (Algérie).

13.2 Caroline Legler-Pernod
Fille de Louis Edouard Pernod I et de Françoise Jenny Petitpierre; ∞ 1863 Otto Legler, frère du distillateur covasson Gustave Legler-Montandon: profitant de la renommée du patronyme de sa femme, Otto Legler lance à Couvet, l’année même de son mariage, la maison « Legler-Pernod », avant d’ouvrir en 1885 une succursale à Pontarlier.

13.3 Louise Gempp-Pernod
Fille de Louis Edouard Pernod I et de Françoise Jenny Petitpierre; * 1828; ∞ Gustave Charles Gempp qui, en 1880, accède à la tête de la succursale de Lunel à laquelle, bien entendu, il donne le double nom de Gempp-Pernod.

13.4. Louis Alfred Pernod II
Fils de Louis Pernod I et de Louise Hermine Liermann; * 09.09.1836 à Couvet, + 20.10.1910 à Saint-Aubin; ∞ 14.9.1861 Elisabeth (dite Betty) Keppler (* 11.10.1839).
7 enfants:

  • Elisabeth, * 20.08.1862, + 07.09.1862;
  • Louis Wilhelm, * 25.01.1864, + 13.07.1868;
  • Maurice, * 23.12.1865, + 10.5.1872;
  • Emilie, * 12.02.1870, +……….. ∞ 07.10.1891 Jules Gustave Langer;
  • Louis, * 05.05.1872, + 20.02.1923, ∞1 26.05.1896 Blanche Berthoud, ∞2 21.01.1912 Ermilie Uherek;
  • Thérèse Anna, *23.05.1876, + 15.06.1880;
  • Jean Victor, *29.01.1880,+ 16.03.1880.

13.5. Fritz Pernod
Fils de Louis Pernod I et de Louise Hermine Liermann; * 27.07.1838, à Couvet, + 17.03.1880; ∞ 03.06.1862 Anna Lucie Keppler (* 04.01.1841), sœur d’Elisabeth.
3 enfants :

  • Louise, * 05.10.1863;
  • Fritz, * 15.02.1867, et
  • Maurice Wilhelm, * 17.05.1875.

13.6.Marie Elisabeth Pernod
Fille de Louis Pernod I et de Louise Hermine Liermann; * 28.01.1840 à Couvet; + 31.10.1901; ∞ 27.6.1864 Louis Albert Borel, * 03.09.1830, + 11.02.1903. 4 enfants.

13.7. Rosé Emilie Pernod
Fille de Louis Pernod I et de Louise Hermine Liermann; * 13.07.1841, à Couvet, + 30.09.1895; ∞ 03.06.1862 Eugène Mauler (* 04.12.1835, + 10.05.1893). 7 enfants.

 

Louis Alfred Pernod

4ème génération :
Louis Alfred Pernod II
1836-1910

Fritz Pernod

4ème génération :
Fritz Pernod
1838-1880

Notes

N.B. Après la mort, en 1847, de son fils Louis Pernod I (3e génération), puis en 1851, de son mari Henri-Louis (2e génération), Emilie Pernod-Dubied continue – jusqu’à son propre décès en 1867 – l’exploitation de la distillerie de Pontarlier avec ses deux petits-fils Louis Alfred Pernod II et Fritz Pernod (4e génération). Resté seul à la tête de la maison dès 1880, année de la mort de son frère Fritz, Louis Alfred Pernod II, le 23 janvier 1888, vend l’affaire pour 5 millions et demi de francs aux banquiers Arthur-Georges et Edmond-Charles Veil-Picard, de Besançon, tout en conservant à la société son nom originel de « Pernod fils ».

Louis Alfred Pernod II a eu sept enfants (dont cinq sont décédés en bas âge ou prématurément), alors que Fritz Pernod en a eu trois. Mais aucun de ces descendants n’a joué de rôle dans le monde absinthier, la « fée verte » ayant été prohibée en 1910 en Suisse et en 1915 en France.

Louis Pernod III (1872-1923, fils de Louis Pernod II), « châtelain de Vaumarcus » a épousé en 1896 Blanche Berthoud (1864-1938), fille d’Auguste-Henri Berthoud, artiste peintre, dont le Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel possède plusieurs oeuvres. Après son divorce en 1911, Louis III se remarie en 1912 avec Emilie Uherek (1875-1923).

[Cet essai généalogique complète la communication présentée oralement par Eric-André Klauser lors de la sortie de la Société neuchâteloise de généalogie à Môtiers (NE) le 23 septembre 2000]