Bulletin 18 / Printemps 2002

Au nom du père

par Eric-André Klauser

Sous ce titre et avec le sous-titre « Gènes, pas de test de paternité en vue dans les pharmacies suisses. L’entreprise romande qui se proposait de le diffuser renonce. La question de la filiation reste posée », le magazine L’Hebdo du 24 janvier 2002  a publié un article d’Elisabeth Gordon qui intéresse directement les généalogistes.

D’entrée, la journaliste observe : « Oh, le doute ! L’affreux doute : cet enfant est-il vraiment le mien ? A cette question vieille comme les pères, la science apporte désormais, grâce aux analyses d’ADN, une réponse qui ne laisse plus de place à l’ambiguïté. On s’adresse à un institut de médecine légale ou l’on achète un test via Internet. Et l’on sait. Cela aurait même pu être beaucoup plus simple : la société Eatech, basée à Genève et à Sion, envisageait en effet de commercialiser un kit [PATERtest] en pharmacie. Facile. Trois bâtonnets pour prélever, en famille, la salive de papa, maman et enfant. Puis, quelques jours plus tard, la vérité. » Et de s’interroger : « D’où vient, chez les hommes, ce besoin de savoir à tout prix que leur enfant est bien « le sang de leur sang« , ou « le génome [ensemble des chromosomes d’un gamète] de leur génome », comme on serait maintenant tenté de le dire ? »

En guise de réponse, elle relate notamment les propos d’un théologien et d’un scientifique : « Les questions liées à la paternité, et à travers elle, aux moeurs, se sont en fait toujours posées. « Toute l’histoire de l’humanité, de l’Eglise, de la littérature le montre« , constate Denis Müller, professeur d’éthique à la Faculté de théologie de l’Université de Lausanne. Mais l’apparition de ce sérum de vérité que sont les tests ADN a singulièrement changé la donne. « Le mirage de la certitude du tout-génétique laisse entendre qu’on pourrait enfin résoudre par la science le mystère de la paternité, de la filiation, de la parentalité. Comme si ce mystère pouvait être complètement dominé par une connaissance objective; comme si le biologique était la clé du mystère du sens. Cela ne signifie pas que le biologique n’a aucune importance, mais cela montre la confusion des genres« . François Ansermet, médecin-chef au SUPEA, le service de pédopsychiatrie à Lausanne, ne dit pas autre chose lorsqu’il estime qu’ « on ne peut réduire un père aux spermatozoïdes« . Pour lui, le test en paternité donne une « fausse réponse à une vraie question ». S’il est légitime de se demander « qu’est-ce qu’un père ?« , il est faux de répondre « celui qui a donné ses spermatozoïdes« . Et l’enfant dans tout cela ? Nul ne lui conteste le droit de connaître ses origines biologiques. Il n’empêche. « Ce qui compte dans la construction de l’identité d’un enfant, c’est la filiation psychique, dit François Ansermet. On est le fils d’une relation qui s’établit avec les membres de son entourage; on est le fils d’une famille et de son histoire. A travers une série d’identifications, on emprunte d’ailleurs des traits à son père ou à sa mère ».

Des réflexions à mettre en parallèle avec ces quelques lignes parues dans l’hebdomadaire Femina du 23 décembre 2001 : « Les fondamentalistes qui tentent de réduire « la femme à son utérus«  n’ont heureusement pas eu gain de cause à Berne. Le Conseil national a clairement recommandé (139 voix contre 7) de rejeter l’initiative populaire « Pour la mère et l’enfant » qui interdit l’avortement, sauf si la vie de la mère est gravement menacée. « Excessive, inapplicable, rigide, cette initiative nous ait revenir cent ans en arrière, au temps des faiseuses d’anges« , a dit la rapporteuse de la commission, Anne-Catherine Menétrey (Verts / VD), ajoutant qu’il est particulièrement choquant qu’elle n’autorise même pas l’interruption d’une grossesse résultant d’un viol. En juin dernier, le Conseil des Etats l’avait déjà balayée par 35 voix contre 0. Il appartient maintenant au peuple de se prononcer, vraisemblablement en juin prochain. »