Bulletin 19 / Automne 2002

Éditorial

Cocktail angélique, nuptial, parental et familial

par Eric-André Klauser

Ce 19e numéro du bulletin de la Société neuchâteloise de généalogie propose un menu classique – accompagné de quelques mises en bouches alléchantes et relevé de quelques saveurs inattendues – qui devrait titiller les papilles gustatives des inconditionnels de la recherche proprement dite de l’origine et de la filiation des familles. Il y est notamment question des Delachaux dit Gay, des Guinand, des Huguenin-Tenet, des Humbert-Droz dit Walter, des Jeanneret, des Letondal dit Blanc, des Marchandet, des Perret, des Robert, des Petitpierre Concierge et des Sandoz.

Inutile donc de palabrer dans cet éditorial – désormais semestriel – sinon pour attirer l’attention de nos lecteurs sur certains articles plus pragmatiques qui devraient intéresser tant les autochtones que les étrangers. En particulier ceux qui sont consacrés à l’émigration neuchâteloise; à l’accès aux registres d’état civil; à la première exposition franco-suisse « Généalogie à travers le Jura », organisée à Couvet du 22 au 24 mars dernier; aux anniversaires de mariage (à ce propos, nous réitérons nos félicitations et nos veux à Henriette et Marc Robert-Primault, de Neuchâtel, membres de la SNG et de la famille des artistes peintres Robert, qui ont fêté le 6 juin 2002 leurs noces de diamant, autrement dit le 60e anniversaire de leur mariage) et à d’autres sujets auxiliaires de la généalogie.

Aussi profitons des lignes vacantes de cet espace liminaire pour signaler deux ou trois faits « divers » – mais non sans intérêt pour les « faiseurs de suites » – , relatés par la presse de ces derniers mois. Le quotidien romand Le Temps du 10 avril 2002 a publié une information sous la rubrique « Piété : nouvelles directives du Vatican. Seuls trois anges ont droit à un prénom » : « Le Vatican interdit formellement aux fidèles de donner des prénoms aux anges, un usage assez répandu parmi les catholiques à un niveau populaire. Dans un manuel concernant la piété populaire, le Vatican affirme que « l’usage de donner aux anges des prénoms particuliers est à réprouver, sauf dans le cas de Michel [préposé au peuple juif et vainqueur de Lucifer], Gabriel [interprète des visions et des prophéties, et annonciateur à Marie de la naissance de Jésus] et Raphaël [conducteur de l’aveugle Tobie et guérisseur] ». Un homme, qui avait invoqué dans une prière les anges Uriel, Raguel, Tubuel, Ineas, Tubuas, Sabaoc et Siniel, a été condamné par le pape Zacharie en 745 pour s’être adressé à des démons ». On croit rêver au vu et au su d’une telle décision qui prive la quasi-totalité des membres des trois ordres de la hiérarchie des anges (les séraphins, les chérubins et les trônes) d’un « nom particulier joint au nom patronymique et servant à distinguer les différentes personnes d’une même famille ». D’autant plus que les trois prénoms autorisés sont masculins, alors qu’on n’a pas fini de gloser sur le sexe de ces entremetteurs virtuels, de ces intermédiaires entre Dieu et les hommes. A quand l’interdiction pontificale de choisir hors de la Bible, au risque d’être excommunié, le nom de baptême d’un enfant « humain » ? A bon escient, un ange passe… et nous aussi.

L’hebdomadaire Femina du 14 avril 2002, sous le titre « Cousin, cousine », combat enfin un préjugé séculaire : « Les mariages consanguins entre cousins germains sont moins risqués qu’on ne le pense pour leur progéniture. Une équipe de chercheurs américains, dirigée par le Dr Robin Bennett, conseillère génétique de l’Université de Washington (Seattle), vient de le confirmer. Le risque pour de tels couples d’avoir un enfant atteint d’une malformation est de 7 à 8 % contre environ 5 % pour le reste de la population ». Il n’empêche que les unions extrafamiliales s’avèrent préférables à tous points de vue, même si, parfois, le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point.

Le Temps du 20 mars 2002 a réservé une bonne demi-page de sa rubrique « Société » à une question souvent débattue : « L’enfant adopté a le droit de connaître le nom de ses parents [biologiques], même contre leur gré. Le Tribunal fédéral accorde à tout enfant adopté le droit à l’origine, dès 18 ans [Arrêt 1P.460/2002 du 4 mars 2002]. Depuis quelques années, ils sont de plus en plus nombreux à en faire la demande. Les vertus supposées du silence et de l’oubli ne sont plus défendables. On sait aujourd’hui que les secrets de famille ne protègent de rien, mais détruisent à retardement ceux qui en sont porteurs. Et que d’avoir un trou noir comme seule origine est un manque que rien ne comblera ». La véracité généalogique, elle également, en sort gagnante.

En concluons cette entrée en matière par une citation – à méditer – du Fonds des ressuscités, 1956, de Léon Savary (1895-1968), journaliste et écrivain : « Je tiens pour ridicule la fierté que l’on tire d’une filiation ».

Eric-André Klauser

Vice-président de la SNG et corédacteur du bulletin