Bulletin 20 / Juin 2003

Les patronymes neuchâtelois

Le texte qui suit est pris d’un exposé présenté en mai 1961 à la Société neuchâteloise de généalogie par Monsieur Dr Alf. Schnegg, archiviste de l’Etat de Neuchâtel.

« Le patronyme est le nom du père transmissible de génération en génération. Il existe depuis 600 ans, dès la seconde moitié du Moyen-Age. Le système romain était différent : il se composait de trois noms, le prénom, le gentilice (nom du groupe familial) et le cognomen (nom d’une branche de ce groupe).

Avec l’avènement du christianisme, pour marquer le passage d’une religion à l’autre, on abandonna les noms primitifs pour se choisir, le jour de son baptême, un seul nom nouveau. Pendant des siècles, il n’y eut que le seul nom de baptême qui disparaissait à la mort de l’individu.

C’est au XIIIème siècle qu’apparaît le deuxième nom, le surnom, à cause de la raréfaction des noms germains romanisés dans une population augmentant en nombre. Le surnom personnel ne s’hérite pas, c’est souvent un nom de lieu : Estévenin de Brot, Jaquillon de Saules.

L’homme libre s’efforce alors de transmettre son nom. On voit l’hérédité de nom apparaître dans les bourgs de la population est affranchie de la mainmorte1: le nom de baptême devient héréditaire, le surnom est donné d’après l’origine du personnage, d’après son habitat, sa profession, un défaut physique : Il est aussi un sobriquet. Dans le comté de Neuchâtel, les patronymes se forment d’après les noms des apôtres : Pierre devient Grandpierre, Petitpierre, Peter, Perrot, Perret, Perroud, Perrin, Petremand, Jean devient Grandjean, Jeanneret, Jeannin, Jeannet, Heinzely, Jacques devient Jaquet, Perrinjaquet, Jacot, Jacottet et André Andrié, car, Pierre, Jacques et Jean sont des apôtres familiers.

Depuis le XIVème siècle, les patronymes se forment aussi d’après les prénoms des comtes de Neuchâtel : Amédée, Berthold, Conrad, Rodolphe, Rollin et Ulrich, amiet, Amyot, Amez-Droz, Berthoud, Berthod, Bertrand, Berthollet, Cunier, Cugnet, Conod, Roulet, Roux, Rollier, Hory, Oriot, Udriet, Uldry.

D’après les noms germaniques : Albrecht a donné Aubert, Burkhard a donné Bourquin, Bourgoin; Othenin, Otheneret viennent d’Othon; Girard de Gerhardt; Wilhelm a donné Guillaume et Guye et Jacot-Guillarmod.

Les patronymes pris parmi les saints populaires de Suisse : Barbe et Benoît se retrouvent dans celui de la famille Humbert dit Barbe; les Benoît (dont le berceau est La Sagne); les Blaise, les Claude abondent dans les Grosclaude, Bonclaude, Matthey-Claudet; Etienne se retrouve dans Thiévent, Estevenin; Gall dans Gallot et Gallon; Hugues et Huguenin, Huguenaüd; Léonard dans les Nardin, Nerdenet; quant à Marin, il a donné Martenet. Un saint très populaire, Nicolas, se retrouve dans Nicolet, Nicole, Colin, Coulet, Coulaz, Collier, Nicod et Nicoud. Enfin, Sulpice, Simon et Thomas sont évoqués dans les patronymes Petitpierre-Sulpy, Reymond; Simonet, Simonin, Simoine; Thomasset; Frelic vient de Félix; Doret de Théodore, Theynet d’Antoine.

Parmi les noms de villages, de hameaux, où est né le premier connu du nom : ainsi, l’on trouve des familles Cortaillod, Sagne, Wavre, Montandon, de Montmollin, Dessaules, de Thielle, d’Epagnier, Descoeudres, etc… et en composition : Ducommun dit Boudry, les Jeanneret de La Coudre, les Borel de Malmont, etc…

Certains noms indiquent un particularité de l’habitation : Dubied (canal conduisant à la roue du moulin à eau), Dumont, Duplan, Du Pasquier (de la pâture), Matthey des Bornels, Matthey de l’Etang, Huguenin-Dumittan (mittan = milieu du village), Boy de la Tour, Miéville. Enfin, une indication ethnique : Beaujon dit Breton, Lombard, Junod dit l’Auxerrois, Montandon dit l’Allemand.

La catégorie indicatrice de métiers, états, fonctions est très largement représentée : Banderet (banneret), Chambrier, Bedaux, Bonhôte, Barbier, Barillier, Bouvier, Bovet, Clerc, Courvoisier, Magnin, Monnier (meunier), Piaget (péager), L’Eplattenier (scieur), etc… Les désignations de parenté ont donné Gendre, Gindraux, Veuve, Maumary, Parel (parrain).

Les sobriquets, qui font, dans la plupart des cas, allusion à une particularité physique : Blanc, Berthoud-Maublane, Huguenin-dit-le-Noir, Morel, Morelet; Morard, Reuge (que l’on prononçait Reudje = rouge), Jeanneret-Gris (patronyme de Le Corbusier), Châtin, Grisel, Grezet (couleur des cheveux ou du teint).

Les particularités physiqus sont évidentes : Legrand, Joly, Fleury, Junet, Junier, Junod, etc… C’est encore un détail corporel que révèlent les familles Boyteux, Barbezat (très barbu), Pellaton, Pointet, Py, Piéchaut, L’Hardy, Galland, Paillardet, Pottu, Sandoz-Bragard (élégant), Braillard (qui braille, qui crie); une allusion ironique : Pape, Roy, Prince, Comtesse, Ladame. La dignité parait professionnelle pour les Chevalier, Châtelain, Baillods, Prévost, Page, Prudhomme, Pélerin.

Bon nombre de noms neuchâtelois nous ramènent au règne animal : Colomb, Mouchet, Pingeon, Lesquereux, Clerc dit Vulpe, Grillon, Brochetton, Petitpierre-dit-Perchetaz (que l’on prononçait pertchètt’ = poisson, perche); les végétaux se retrouvent dans Choux, Porret (poireau).

1 Mainmorte : Droit donc jouissaient les seigneurs qui leur permettait de recueillir les biens de leurs serfs décédés.