Bulletin 22 / 2004

Le repeuplement de l'Alsace par des familles suisses

Conférence de M. André Strebler le 29 août 2003 [1]

Une vingtaine de membres était réunie au Buffet de gare des Hauts-Geneveys au rendez-vous des soirées de la SNG pour écouter parler du repeuplement de l’Alsace après la guerre de Trente ans. Un exposé plein de spontanéité, dans lequel Monsieur Strebler a su communiquer son enthousiasme et sa passion pour le sujet.

« Je n’ai pas la prétention de traiter le sujet en historien », déclare-il d’emblée, « mais pour aborder le sujet, j’ai d’abord dû faire un retour en arrière, un survol historique pour essayer de comprendre les évènements qui se sont déroulés au 17e siècle ».

L’Alsace est divisée en 2 régions très distinctes, la Basse Alsace et la Haute Alsace, longtemps séparées géographiquement par une zone de marécages formés par les méandres du Rhin. Entre les deux régions, le Nord et le Sud, il n’y avait que très peu de contact. Politiquement, il n’y a aucune unité et économiquement, la Haute Alsace a toujours été une région plus fertile, plus riche, que la Basse Alsace, grâce à ses vignobles. Enfin, à toutes ces divisions il faut ajouter la diversité religieuse.

L’invention de Gutenberg, au 15e siècle, va favoriser la diffusion des idées. Au 16e siècle la Réforme s’implante en Alsace et au début du 17e siècle, la situation religieuse est très tendue. Des révoltes de paysans éclatent un peu partout, durement réprimées. C’est dans ce contexte que va éclater la Guerre de Trente ans (1618-1648), qui va embraser toute l’Europe.

Le traité de Westphalie, en 1648, met fin aux hostilités et fait de l’Alsace une province française, mais une province ravagée et misérable : les villages sont détruits, les terres ne sont plus cultivées, les populations ont fui et les loups rôdent partout.

Pour relever et repeupler l’Alsace, Louis XIV offre des terres aux soldats démobilisés. L’opération sera un fiasco, parce que les soldats sont de mauvais cultivateurs.

C’est dans ce contexte que l’on voit arriver par vagues successives des familles d’origine suisse qui vont s’établir en Alsace et réussir leur implantation. Des liens existaient déjà depuis longtemps entre l’Alsace et la Suisse. Les nouveaux arrivants sont des petites gens, qui n’ont pas grand chose si ce n’est leur savoir-faire. Ils quittent la Suisse pour des raisons économiques ou religieuses, pour rester indépendants. Ce sont des cultivateurs cadets de famille et donc sans domaine, des artisans en tous genres (cordonniers, meuniers, menuisiers, etc.). Pour les accueillir, Louis XIV publie un édit selon lequel tout nouvel arrivant pouvait recevoir une maison et quelques arpents de terre.

Ces confédérés arrivent dans une région dévastée, où tout est à reconstruire. Ils se mettent au travail et y réussissent. Ce sont des gens jeunes, qui n’ont rien à perdre et tout à gagner. Ils arrivent souvent par groupe d’une même origine (Thurgovie, Berne, Zurich, etc.) et vont mettre en place des structures sur le modèle de ce qu’ils avaient chez eux, notamment les bourgeoisies. Et quand Louis XIV va vouloir imposer ses lois, selon leur habitude, les émigrés vont discuter et chercher un compromis.

Ainsi, lorsque Louis XIV demande à son ministre Colbert si les lois du royaume sont bien appliquées en Alsace, celui-ci répond : – « Oui, Sire. Avec rigueur, mais à la suisse « l’ordre règne, les affaires vont bien. Et surtout, n’y changez rien ! »

L’arrivée de Suisses en Alsace a été un enrichissement incroyable pour la région. A la veille de la guerre de 70, on peut dire que la population alsacienne est en grande majorité d’origine suisse. En 1871, environ 80’000 alsaciens vont quitter l’Alsace, mais 400’000 allemands vont venir s’établir en Alsace…

Notes

  1. L’article ci-dessus est un condensé de l’exposé, qui était accompagné d’un dossier d’une trentaine de pages. Il peut être consulté à la bibliothèque généalogique. S’adresser à la Bibliothèque de la Ville du Locle ou directement à la SNG.