Bulletin 24 / 2004

Alexandre Agassiz (1835-1910)

Alexandre Agassiz, ingénieur civil et océanographe

par Robin Moschard, Neuchâtel, juillet 2003

Bien qu’Alexandre Agassiz soit né à Neuchâtel, il est assez peu connu chez nous. En effet, à la mort de sa mère en 1848, il rejoindra, jeune garçon, son père aux Etats-Unis qui s’y trouve déjà depuis deux ans. Il y fera sa vie tout comme ses 2 sœurs, acquérant ainsi la nationalité américaine.

Pour preuve dans son passeport, à la date du 6 septembre 1848, il est écrit: « Sujet naturalisé de l’Etat, demeurant à Neuchâtel, allant à Fribourg en Brisgau, 12 ans ½« . Puis au 2 avril 1849: « Naturalisé de l’Etat, domicilié à Neuchâtel, allant aux Etats-Unis rejoindre son père, qui y est domicilié, 13 ans« .

Son père Louis (1807-1873), célèbre paléontologiste et auteur de quelque 268 publications, est originaire de Bavois VD (1450) et d’Orbe (1746). Il a été nommé bourgeois d’honneur de Neuchâtel en 1838, lors de la période scientifiquement fastueuse de cette ville dont il a été le principal instigateur pendant presque 15 ans (1832-1846). Il est arrivé à Neuchâtel en novembre 1832 en provenance de Paris, où il a été durant quelques mois le disciple d’un autre célèbre paléontologue, Cuvier (1769-1832). Mais celui-ci vient de mourir en mai 1832. C’est ainsi que sur l’invitation de Louis Coulon fils (1804-94), créateur du Musée d’histoire naturelle de Neuchâtel, il se voit proposé, à l’âge de 25 ans, une chaire du même nom spécialement créée pour lui. Son oncle François Mayor (1776-1850), aussi d’origine vaudoise, est installé dans cette ville comme banquier où il a été reçu bourgeois en 1818. Ses parents ne sont pas loin puisqu’ils se trouvent à Concise où son père est pasteur.

L’année suivante, en octobre 1833, Louis se marie avec une allemande probablement dans la patrie de cette dernière, et trois enfants naissent de cette union:

Alexandre (1835-1910), Ida (1837-1935) alliée Higginson et Pauline (1841-1917) alliée Shaw.

Dans un article paru dans la FAN du 25 décembre 1922  au sujet d’Ida, on peut lire : La fille d’Agassiz à Neuchâtel.- Pour la première fois dans ce siècle, une descendante directe du grand Agassiz viendra visiter notre pays. On sait que Louis Agassiz né à Môtiers dans le Vully est mort aux Etats-Unis où ses enfants et petits-enfants ont toujours habités dès lors. Sa fille aînée Mme Ida Higginson âgée de 86 ans, a tenu à venir en Europe montrer à son petit-fils la patrie de son illustre père. Elle a écrit à sa cousine Mme Auguste Mayor [née Marie Cécile Junod (1835-1932) d’Auvernier, qui habite la belle propriété « Brooklyn » à la rue de la Maladière 20 (à l’endroit du CPLN actuel), qu’elle se réjouit de voir les collections de son père dans l’institut de géologie de Neuchâtel, où son directeur M. [Emile] Argand [1879-1940] sera heureux de recevoir la fille du maître des maîtres de la géologie.

La Feuille d’Avis des Montagnes du 7 mai 1923 , relate le fait: Neuchâtel a eu, la semaine dernière la visite d’une fille du grand naturaliste Agassiz, Mme Higginson de Boston, âgée de 85 ans, qui désirait revoir les lieux où s’était écoulée son enfance. Elle a parcouru avec intérêt l’institut de géologie qui renferme de nombreux souvenirs de son père lorsqu’il était professeur à Neuchâtel [1832-46]. Elle a aussi visité la maison du Faubourg de l’Hôpital 35 [n° 25 depuis 1957], qu’elle avait habité de 1843 à 1846. Avant de partir pour l’Amérique, elle est allée à Fribourg en Brisgau voir la tombe de sa mère. Mme Higginson qui est en parfaite santé parle de revenir l’an prochain en Europe.

Alexandre Agassiz

Alexandre Agassiz, est né le 17 décembre 1835 à Neuchâtel, et décédé le 27 mars 1910 à bord du bateau « Adriatic » qui retourne d’Europe en Amérique. Fils de Louis (1807-73), géologue et paléontologue, et de Cécile Braun (1809-48) d’origine allemande. Bans de mariage publiés à Cambridge/Boston (Mass.) 13.11.1860, et à Neuchâtel 15.11.1860, avec Anna Russel (West Roxbury, Suffolk, Mass. ° 23.4.1840, + 22.12.1873), de Cambridge (Massachusetts). Dont 3 fils: Georges (1862-1951), Maximilian (°1866) et Louis  Rodolphe (°1871) allié Scott.

Le texte qui suit est tiré de la revue « Scientific American » du 18 juin 1887. Il rend hommage à Alexandre Agassiz qui, à 52 ans, le considère au faîte de sa carrière. Son cousin Auguste Mayor (1815-1904) l’a traduit en français, formant 8 pages rédigées probablement la même année. Faisant partie des archives familiales Marc Moschard, cette traduction manuscrite a été déposée à la BPUN.

Cousin germain et ami de Louis Agassiz, Auguste Mayor lui a voué toute sa vie une admiration sans faille à Alexandre. De fait, il a été le collectionneur de ses archives qui composent pour une bonne part le Fonds Louis Agassiz de l’Institut de Géologie de l’Université de Neuchâtel et qui est déposé aux AEN. Par ailleurs, on retrouvera la généalogie de la famille MAYOR dans le bulletin de la SNG n°13/1999. 

Alexandre Agassiz (1835-1910)

Les hommes de génie ont rarement une postérité qui leur fait honneur ; ni César, ni Shakespeare n’ont laissé d’enfants pour perpétuer leur race et leur réputation, mais nous trouvons dans les annales américaines de la science de remarquables exceptions à cette règle. John W. Draper [1] a eut le bonheur de donner le jour à trois fils, qui tous se sont distingués dans quelque branche des sciences ; Silliman [2] a eu un fils presque aussi capable que lui-même ; James D. Danna, dont nous avons parlé récemment, a trouvé un digne remplaçant en son fils Edouard [Danna] [3] qui suit maintenant les traces de son vénérable prédécesseur. Enfin nous avons Alexandre Agassiz, qui issu d’un père illustre, est lui-même un homme distingué, non seulement par le nom qu’il porte, mais encore par sa propre individualité. On a dit de lui avec raison qu’il est la meilleure autorité dans le monde scientifique pour certains types d’animaux marins.

La petite ville de Neuchâtel, jadis plateforme de seigneurs féodaux, est situé pittoresquement au pied du Jura, au bord d’un lac dont les eaux recèlent les traces de peuplades préhistoriques, qui nous sont connues seulement par quelques débris pêchés  occasionnellement dans les stations lacustres. La paix et le calme sont maintenant les traits caractéristiques du Pays de Neuchâtel, qui fut pourtant témoin des plus rudes batailles de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, et de nos jours sa population horlogère et industrielle est rarement distraite de ses paisibles occupations. De l’autre côté du lac s’étalent en une longue ligne, les Alpes couvertes de neiges éternelles, depuis le Mont Blanc, à droite, jusqu’aux splendides cimes de l’Oberland bernois, à gauche. Lorsque le temps est clair, l’étranger assis sur la terrasse d’une des nombreuses campagnes qui embellissent la côte, peut, tout en savourant son verre d’eau sucrée, ou mieux encore, son verre d’excellent vin rouge du pays, voir au-delà des plaines fertiles du canton de Vaud, ces montagnes colossales briller au soleil; il s’imaginera peut-être qu’il entend ruisseler de leurs flancs abrupts les torrents que le puissant Rhône emporte dans la Méditerranée après avoir traversé la France, ou bien ceux que le courant rapide de l’Aar pousse dans le Rhin avant de sortir de la Suisse. Si la beauté de la vue l’engage à prolonger jusqu’au soir ses méditations, il verra peut-être un point brillant s’élever tout à coup du sommet des montagnes, comme si un immense incendie venait d’éclater dans quelque forêt des Alpes ; c’est la lune qui bientôt sort de sa retraite dans toute sa gloire.

Ce fut en 1832 qu’Agassiz vint se fixer dans cette petite ville, comme professeur d’histoire naturelle. Là, en compagnie de Guyot [4] , de Lesquereux [5], de Desor [6] et d’autres savants bien connus du monde scientifique des Etats-Unis, il fonda la Société des  Sciences naturelles de Neuchâtel; là aussi naquit son fils Alexandre, le 17 décembre 1835. On montre encore dans une petite rue, non loin du palais Rougemont [7] et du lac, la maison qu’habitait Agassiz et je me demande si c’est bien celle où son fils est né!

En octobre 1833, Agassiz avait épousé Cécile Braun, sœur de son camarade d’université Alexandre Braun [1805-77] bien connu comme botaniste et philosophe distingué et de Max Braun, ingénieur des mines, directeur en chef de la plus grande mine de zinc en Europe, la Vieille Montagne. Arnold Guyot parlant d’elle s’exprime ainsi :

« C’était une jeune femme d’un noble caractère et d’une rare perfection morale. Sa sérénité accompagnée de dignité et combinée avec beaucoup d’amabilité et de simplicité de manières lui attiraient immédiatement le respect et l’affection. Les sentiments intimes étaient souvent voilés par une réserve naturelle, qui cependant ne dégénérait jamais en froideur. Elle avait un talent de premier ordre pour le dessin et se plaisait à le mettre à la disposition d’Alexandre [Braun] son frère favori. Les dessins d’histoire naturelle qu’elle a exécutés pour lui et plus tard pour Agassiz, ont fait l’admiration de chacun par leur bon goût et leur parfaite exactitude ». Il était bien naturel que son fils, comme nous allons le voir, sût aussi dessiner et eût un penchant prononcé pour l’histoire naturelle.

Alexandre Agassiz reçut sa première éducation en Europe; nous pouvons nous le représenter dans son enfance guettant les pêcheurs au moment où ils retiraient du lac leurs filets, ou bien poursuivant les papillons dans les plaines au dessus de la ville. Le grand bloc de granit, appelé Pierre-à-Bot [8], jadis transporté des Alpes par l’immense glacier qui recouvrait la plaine suisse, a probablement été la première curiosité géologique qui ait attiré son attention; sans doute aussi une partie de son temps était-elle employée à  recueillir les coquillages fossiles qui abondent dans le Néocomien si friable ce cette contrée.

Agassi arriva aux Etats-Unis en 1847, mais son fils, qui était resté à Neuchâtel ne le rejoignit que deux ans plus tard et poursuivit dès lors les études nécessaires pour entrer à l’université de Harvard, où il reçut des degrés en 1855. Parmi ses compagnons se trouvait Phillips Brooks [1835-93], l’éminent recteur de l’église de la Trinité à Boston, qui émit le jugement suivant sur le jeune Agassiz: «Nous avons tous remarqué que son habilité à manier le crayon et le pinceau lui avait été extrêmement utile pendant son séjour à l’université et qu’il avait hérité de son père une merveilleuse persévérance dans les études et les recherches scientifiques.»

En quittant l’université il se décida à étudier une branche spéciale pour en faire au besoin sa profession et ayant choisi celle d’ingénieur civil, il entra dans l’école « Lauwrence Scientific » de Harvard, où, en 1857, il obtint le grade de B.S. Il suivit ensuite trois séries de cours dans la section de chimie, tout en donnant des leçons dans l’école que le professeur Agassiz avait établi pour de jeunes demoiselles. Puis en mars 1859 il partit pour la Californie, y reçut sa nomination comme assistant du Coast-Survey des Etats-Unis et fut employé par cette administration sur la frontière Nord-Ouest du pays. Il revint à San Francisco au commencement de la saison des pluies et après avoir terminé les travaux qui lui étaient confiés, il se démit de ces fonctions. Son habilité à manier le crayon avait été mise à profit pendant ce voyage et lui avait permis de faire de bons dessins des poissons trouvés dans une région jusqu’alors inexplorée; il commençait aussi à recueillir des objets d’histoire naturelle pour son père et prouvait qu’il était déjà parfaitement initié aux moyens de les étudier et de les conserver. Il passa la plus grande partie de l’hiver de 1859-1860 à Panama et à Acapulco, occupé à enrichir le musée de zoologie comparée de Cambridge et au printemps il regagna San Francisco, où il continua à faire de précieuses collections et à étudier les poissons, dont il fit des dessins remarquables. Plus tard il explora l’intérieur de la Californie et en visita les principales mines. A son retour à Cambridge en 1860, il fut nommé agent du Musée puis reçut le titre d’assistant pour la zoologie, après avoir suivi un cours complet dans les sections de zoologie et de géologie de l’école scientifique « Lawrence ». Pendant le voyage de son père au Brésil on lui confia même la direction entière du Musée, ce qui ne l’empêcha pas de s’occuper aussi des mines de charbon de la Pennsylvanie.

En 1866, il se rendit au lac Supérieur, où il devint trésorier de la mine Calumet et se voua peu après à l’organisation de l’Hecla, mine voisine; l’année suivante il était directeur en chef de ces deux grandes compagnies réunies [9]. Pendant deux ans et demi il travailla en moyenne plus de quatorze heures par jour et à son retour à Boston en 1869, il se trouvait être le président de la compagnie des mines Calumet et Hecla, dont les dépôts de cuivre sont les plus considérables et les plus riches du monde. En les organisant et en les dirigeant avec une rare habilité, Alexandre Agassiz fit preuve de capacités extraordinaires comme ingénieur et surmonta des difficultés inouïes; grâce à lui ces mines ont acquis une immense valeur et une grande fortune l’a récompensé de ses travaux.

Edwin Abbot, l’un de ses camarades d’université a écrit à ce sujet les lignes suivantes: « Le développement qu’ont pris les mines Calumet et Hecla, qui maintenant fournissent à elles seules la troisième partie du cuivre consommé dans le monde entier et qui dirigent le marché américain, est dû plutôt aux capacités scientifiques et pratiques d’Alexandre Agassiz qu’à toute autre cause. Tout a été combiné ou créé sous son influence directe et il a établi ces mines sur un pied qui n’est surpassé nulle part. Les machines seules ont coûté plus de trois millions de dollars (15 millions de francs) [10]. Pour la plupart des hommes cette œuvre aurait rempli une vie entière et aurait fait la gloire de son auteur, mais pour Alexandre Agassiz, elle n’a été qu’un simple incident dans une vie scientifique qui l’a déjà placé au premier rang parmi les savants ».

Pendant l’automne de 1869 il entreprit un voyage en Europe pour visiter les musées et les collections d’Angleterre, de France, d’Allemagne, d’Italie et du nord de l’Europe ; au bout d’une année il entra à Cambridge et devint aide directeur du Musée, poste qu’il occupa jusqu’à la mort de son père, auquel il succéda comme directeur en 1874. Voici ce qu’en disait un journal de l’époque, le Popular Science Monthly de mars 1874 : « Il est rare que le manteau du père aille bien au fils, surtout quand le père a occupé une place si éminente dans les sciences, mais cette fois-ci, par bonheur pour l’Amérique et pour la science biologique, Alexandre Agassiz mettra autant que possible à exécution les plans grandioses et les vastes conceptions qu’a tracés le génie de son père. »

Alexandre Agassiz a dès lors conservé la direction complète du Musée dont il a été l’un des bienfaiteurs les plus généreux ; c’est ainsi qu’en 1880, dans une nombreuse assemblée (Harvard Club dinner, New York 20 févr. 1880), le président Charles W. Elliot faisait la remarque que depuis 1871 les dons d’Alexandre Agassiz en faveur d’un seul département de l’université, s’élevait au moins à deux cent trente mille dollars (près de 1,2 mio de francs) [11]. Il a une manière particulière de donner ; s’il remarque une lacune quelconque dans un département, il y pourvoit immédiatement, paie la note et n’en parle plus ; si l’on manque de place, il s’empresse de faire un contrat pour la construction de nouvelles salles et les fait achever sans même mentionner la chose au comité, aussi peut-on évaluer à plus de cinq cent mille dollars (2,6 mio francs) [12] ses dons en faveur de l’université Harvard, dont il était devenu l’un des directeurs.

En 1873, il faisait partie du comité de l’école d’histoire naturelle Anderson dans l’île de Penikese [13] et à la mort de son père il dirigea cet établissement jusqu’à ce qu’un désaccord avec Mr Anderson en amenât la clôture. En 1875, il partit pour la côte Ouest de l’Amérique du Sud dans le but de visiter les mines de cuivre du Pérou et du Chili ; en même temps il explore la région du lac Titicaca et, avec l’aide de Samuel Garman recueille un nombre considérable d’antiquités péruviennes, qui sont maintenant au Musée Peabody à Cambridge. Cette belle collection comprend les antiquités des régions de Trahuanaco, du lac et de la côte du Pacifique vers Ancon. Dans le courant de la même année, Sir Wyville Thompson l’invite à venir l’aider à classer et à décrire les collections sous-marines recueillies par le Challenger ; faute de temps, Alexandre Agassiz en emporta une partie à Cambridge, d’où il fit un rapport sur les oursins découverts dans cette remarquables expédition, rapport d’un grand mérite comme recherches originales. Les premiers travaux sur les échinodermes lui avaient valu en 1873 le prix Walker de mille dollars (cinq milles francs) [14], décerné alors pour la première fois. Il reçut également en 1878 le prix Serre que l’Académie des Sciences de Paris n’accorde que tous les dix ans et  qu’aucun étranger n’avait encore obtenu.

Pendant les hivers 1876 à 1881, Alexandre Agassiz s’occupa de dragages dans les grandes profondeurs, le Steamer Blake ayant été mis à sa disposition par le directeur du Coast Survey. Il put ainsi explorer le fond de la mer dans le golfe du Mexique et dans la mer des Caraïbes. Le succès de ces expéditions fut très grand, grâce à l’intérêt témoigné par les officiers du Blake, comme il le dit avec modestie ; toutefois il n’y a pas de doute que cet heureux résultat était dû avant tout à sa propre habilité et à sa profonde connaissance des engins employés dans les mines, ce qui lui permit de remplacer par des moyens nouveaux et perfectionnés l’outillage dont on s’était servi jusqu’alors dans les dragages de grandes profondeurs.

En 1869, il avait été élu membre du la Société américaine de l’avancement des sciences et en 1879 en était devenu le vice-président, mais il donna sa démission l’année suivante et à cette occasion prononça un discours remarquable sur le développement paléontologique et embryologique, se montrant fortement opposé à la théorie généralement adoptée à ce sujet.

Il avait également été nommé membre de l’académie nationale des sciences en 1866 et y remplit les fonctions de secrétaire pour l’étranger jusqu’en 1886, époque où le fâcheux état de sa santé l’obligea à renoncer à ses rapports avec cette société. En 1887, il reçut le brevet de LLD de l’université de Cambridge en Angleterre. Le 4 juillet 1887, Alexandre Agassiz a été nommé à l’unanimité par l’Académie des Sciences de Paris, membre correspondant de la section de zoologie. Il fait aussi partie de l’Académie des Sciences Naturelles de Philadelphie, de l’Académie des Sciences de New-York, de la Société américaine de philosophie à Philadelphie, de l’Institut Esse(…) à Salem, Massachusetts, de la Société d’histoire naturelle de Montreal, Canada, de la Société géologique de Manchester en Angleterre, des Sociétés zoologiques de Linné et Royale microscopiques de Londres, ainsi que de plusieurs autres sociétés étrangères moins importantes. Les travaux bibliographiques d’Alexandre Agassiz comprennent divers mémoires publiés dans les rapports de la société d’histoire naturelle de Boston, dans les annales du Lycée d’histoire naturelle de NewYork, dans celles de l’Académie américaine des Arts et des Sciences à Boston, du Naturaliste américain, du Journal américain des Sciences et des Archives de géologie; ils ont trait principalement à la zoologie marine. Le rapport de 1873 de l’école Anderson à Penikese et ceux du Musée de zoologie comparée pendant les années 1873 à 1885 ont été faits par lui. Il a aussi fourni des articles précieux aux Bulletins du Musée et aux Mémoires du Musée de Zoologie comparée ; c’est lui qui est l’auteur de la « Révision des échinodermes », des « Echinodermes de l’expédition du Hassler », et des « Rayonnées de l’Amérique du Nord ». En outre il a publié, en collaboration avec sa belle-mère Mme Elisabeth C. Agassiz [15], les « Etudes d’histoire naturelle au bord de la mer », Boston 1865, puis les « Animaux marins de la baie du Massachusetts » 1871, et le cinquième volume des « Contributions à l’histoire naturelle des Etats-Unis », laissé inachevé par la mort de son père. Tous ces grands travaux ont malheureusement ébranlé sa santé à un tel point qu’il s’est vu forcé d’abandonner tout travail pour pouvoir se reposer pendant quelque temps. Toutefois cela ne l’a pas empêché d’entreprendre cette année [1887], au commencement de mai, un grand voyage dans l’Alaska, d’où il reviendra, espérons-le, entièrement rétabli et en état de reprendre ses travaux scientifiques.

Alexandre Agassiz est un homme vif, actif et intelligent, d’un accès facile, ayant avec son esprit pratique, quelque chose de plus qu’un savant, et s’intéressant à tout ce qui concerne l’humanité, mais trop surchargé d’ouvrage pour n’avoir jamais de loisir. Sa vie a été un développement continuel dans les voies que lui traçaient naturellement son caractère et son génie. Quoique suisse de naissance, il est essentiellement américain par son genre de vie et par son activité intellectuelle.

Après avoir constaté tout ce qu’il a fait depuis qu’il a gagné une fortune qui lui a permis de réaliser son désir de se rendre le plus utile possible, que ne devons nous pas attendre encore de lui, maintenant qu’il est arrivé au point culminant de sa carrière ?

[Scientific American du 18 juin 1887, traduction d’Auguste Mayor (1815-1904)]

Notes

  1. John W. DRAPER (1811-82) chimiste, et ses fils Daniel (1841-1931) météorologiste et Henry (1837-82) astronome.
  2. Benjamin SILLIMAN (1779-1864) et son fils Benjamin jr (1816-85), tous deux chimistes et géologues.
  3. James D. DANNA (1813-95) et son fils Edouard DANNA (1849-1935), tous deux naturalistes.
  4. Arnold GUYOT (1807-84), professeur d’histoire et de géographie physique à Neuchâtel 1841-48, puis suivit Louis AGASSIZ aux E.-U.
  5. Léo LESQUEREUX (1806-89), botaniste, a suivit AGASSIZ aux E.-U. en 1848.
  6. Edouard DESOR (1811-82), naturaliste et bras droit d’AGASSIZ dès 1837, le suivit aux E.-U. en 1847 et revint à Neuchâtel en 1852.
  7. Palais Rougemont : ainsi est désigné l’hôtel DuPeyrou car son dernier propriétaire était la famille de Rougemont qui le vendit ensuite en 1860 à la ville de Neuchâtel pour en faire un musée de peinture.
  8. bloc erratique de Pierre-à-Bot : ainsi dénommé à cause de sa forme ramassée, anciennement dit Pierre au crapaud. Il est dédié aux naturalistes Agassiz, Guyot, Desor et Léon Dupasquier (1864-97). C’est un des plus grands blocs de granit connus et provient du massif du Mont-Blanc.
  9. Mines Calumet et Hecla : elles se trouvent au bord du lac Supérieur qui est le plus étendu des Grands lacs américains situé entre l’Amérique et le Canada. Il est à préciser que lorsqu’Alexandre s’est marié en même temps que sa sœur Pauline (novembre 1860), son beau-frère Quicy Adams Shaw († 1908) est alors directeur de ces mines. 
  10. Montant en FRS de l’époque mentionné dans le texte. Il est à multiplier par 10 env. pour trouver l’équivalence en francs actuels.
  11. Montant en FRS de l’époque mentionné dans le texte. Il est à multiplier par 10 env. pour trouver l’équivalence en francs actuels.
  12. Montant en FRS de l’époque mentionné dans le texte. Il est à multiplier par 10 env. pour trouver l’équivalence en francs actuels.
  13. l’école d’été de l’île de Penikese, dans la baie de Buzzard, est appelée école ANDERSON du nom de son riche soutien financier et négociant de New-York. Elle a été fondée par Louis Agassiz en 1872 et destinée aux instituteurs désirant s’instruire à l’histoire naturelle.
  14. Montant en FRS de l’époque mentionné dans le texte. Il est à multiplier par 10 env. pour trouver l’équivalence en francs actuels.
  15. Elisabeth Agassiz Cabot née Cary (1822-1907), 2e épouse (1850) de Louis Agassiz. C’est grâce à elle que ce dernier est introduit dans l’influente société américaine. Elle participe activement à ses travaux et écrit sa biographie mentionnée aux sources (1887).

Sources

  • Agassiz aux Etats-Unis, par Jean-Paul Schaer, in Nouvelle Revue Neuchâteloise, n°71-72/ 2001 : p.17 portrait d’Alexandre AGASSIZ.
  • DHBS et le DHS.
  • Dictionary American Biography, New York 1961, Alexandre AGASSIZp.113, BNS.
  • Dossier particulier Agassiz et fichiers de l’état civil, aux AEN.
  • Familles bourgeoises de Neuchâtel, de Ed. Quartier-la-Tente, éd. Attinger 1903, Agassiz: p.29-30.
  • Gazette de Lausanne du 9.4.1910 : nécrologie d’Alexandre Agassiz in Dossiers ATS aux ACV.
  • Généalogie de la famille MAYOR, de Grandcour VD et Neuchâtel 1818, de Robin Moschard, in bull. de la SNG n°13/1999, pp.11-21.
  • Livre d’Or des Familles Vaudoises, de Delédevant et Henrioud, éd. 1923, réimpr. Slatkine 1988, Agassiz: p.31-32,47.
  • Louis Agassiz, sa vie et sa correspondance, de E. C. Agassiz, trad. par Auguste Mayor, éd. N’tel 1887, Penikese : p.576-585.
  • Neue Deutsche Biographie, éd. Berlin 1955, t. 2, p.548 : Alexander Braun (1805-77) Botaniker.
  • Prominent Americans of Swiss Origin, éd. N.Y. 1932 : Alexander Agassiz, pp. 183-186, avec portrait, BNS.
  • Scientific American, du 18 juin 1887 : Alexandre Agassiz, traduit par Auguste Mayor, 8 p., BPUN.