Bulletin 28 / Mai 2006

Toiles peintes neuchâteloises

par Maurice Evard

Il nous paraît judicieux de consacrer une partie de ce bulletin à une manifestation culturelle d’importance, l’exposition des toiles pentes neuchâteloises organisée par notre membre éminent et historien, Monsieur Maurice Evard. Inaugurée le 29 avril dernier, vous pouvez la visiter jusqu’au 30 septembre prochain à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel, Place Numa-Droz 3. Elle est ouverte du lundi au samedi de 8h à 20 h. et le samedi de 8 h à 17 h.

Pour ceux et celles qui désirent se documenter sur ce sujet fort intéressant, nous conseillons la lecture du No 89-90 de la Nouvelle revue neuchâteloise « Toiles peintes neuchâteloises » réalisée par Maurice Evard.

Techniques, commerce et délocalisation

Dès la fin du XVIIe siècle, l’économie d’exportation repose sur trois piliers: dentellerie, indiennerie et horlogerie. Le succès apporte la prospérité dans le pays de Neuchâtel qui bénéficie d’une bonne main-d’œuvre, de capitaux de quelques réfugiés, de l’absence de réglementation trop stricte, de la bienveillance des autorités politiques…

Si la dentellerie et l’horlogerie se pratiquent essentiellement à domicile, l’indiennerie requiert un travail en atelier. Comme toutes les régions limitrophes de la France (Pays-Bas, Alsace, Genève, Avignon, Marseille), Neuchâtel trouve dans ce royaume notamment un terrain d’exportation grâce à la contrebande. En effet, Louis XIV interdit l’impression et la vente des étoffes imprimées dès 1686, soit un an après la Révocation de l’Edit de Nantes. Ces tissus sont employés dans l’ameublement (rideaux, dessus-de-lit, coussins, garniture de fauteuils), dans la confection de vêtements pour enfants comme pour dames (fichu, chapeau, robe, foulard…). L’essentiel de la production neuchâteloise se déroule dans le delta de l’Areuse. Cette industrie occupe plus de 2000 personnes dans le
dernier quart du XVIIIe siècle. L’économie est tributaire d’une situation politique stable et d’échanges commerciaux non entravés. Malheureusement, elle sera l’objet de tous les tracas: blocus, guerres, fermeture de marchés, délocalisation, fluctuation de la  conjoncture (essor mais aussi stagnation et déclin) jusqu’à sa disparition totale en 1874. Dans l’exposition, le visiteur trouve l’esquisse de quelques pistes de cette activité complexe : sur le plan technique, les métiers, les produits colorants, appelés drogues, et les matières premières; sur le plan administratif et financier, il pourra découvrir des acteurs de la fabrication, de l’investissement ou du commerce. Ceux-ci ont marqué les sites industriels et la construction privée.

Pour terminer, le visiteur jettera un coup d’œil à cette délocalisation douce de Vaucher Du Pasquier & Cie (VDC) qui, en 1817, achète une manufacture à Neunkirchen (Autriche) afin de contourner les barrières douanières. Ce n’était pas la première car il faut rappeler qu’en 1802 la fabrique du Bied (Colombier) fut transférée à Thann, en Alsace. Robert Petitpierre & Cie cherche à éviter les droits de douane. Une tranche de vie qui n’est pas sans rappeler la situation actuelle!