Bulletin 33 / Décembre 2007

Petit précis de chronologie technique

par Germain Hausmann

L’’idée de cet article m’est venue d’une question posée il y a une année environ par l’un de nos lecteurs à propos d’un problème technique de datation. Ces questions sont souvent sources d’erreurs et de confusion. Aussi, mon projet est d’expliquer en quelques mots le calendrier qui nous gouverne et de définir comment étaient appliquées chez nous et chez nos voisins les plus proches les règles qui peu à peu ont permis de décrire l’avancée du temps.

Généralités

Pour décrire l’avancement du temps, nos ancêtres se sont servis de trois phénomènes astronomiques: 1) l’alternance du jour et de la nuit, 2) les phases de la lune passant d’une surface non éclairée à la pleine lune pour revenir à la lune noire (le mois), 3) l’alternance des saisons (l’année). Or, ces trois cycles ne sont pas facilement descriptibles les uns par rapport aux autres, ce qui a conduit l’humanité à de multiples tâtonnements et à des descriptions pendant longtemps inadaptées de ces paramètres les uns par rapport aux autres.

Les ères

Chez les Romains, les années sont nommées d’après le nom des consuls qui remplissaient cette fonction annuellement. Ce système dura 1294 ans, de l’an 753 avant Jésus-Christ (quoique les premiers consuls soient sans doute mythiques) jusqu’en 541 après Jésus-Christ, époque où un personnage par ailleurs pas connu (un certain Flavius Basilius) exerça une dernière fois cette fonction alors purement honorifique. De 542 à 566, ce système perdure en quelque sorte, car on se réfère toujours à ce dernier consulat. On passe ainsi de la première à la 25e année après le consulat de Basilius, soit en latin pour l’an 564: post consulatum (abrégé P. C.) Basilii, anno vicesimo tertio (la 23e année après le consulat de Basilius).

À ce système, se substitua le décompte des années de règne ainsi exprimées: la Xe année du règne de Y. Ce système pose quelques problèmes, car pour résoudre la formule de datation, il faut connaître précisément non seulement l’an du début du règne (pas toujours facile à déterminer lorsqu’un roi doit lutter contre d’autres prétendants), mais aussi le jour à partir duquel le règne commence. Se base-t-on comme point de départ de la date de la mort de son prédécesseur, celle de son élection, celle de son couronnement ? En outre, le cycle ne prend jamais son départ à une même date (le 1er janvier par exemple), mais change à chaque règne qui, c’est bien normal, commence chaque fois à un jour différent. Ainsi le pape Jean Paul II n’a pas été élu le même jour que son successeur, Benoît XVI et le décompte des années de leur pontificat commence à d’autres dates. Ce système fut appliqué du VI au XIe siècle. Il est encore utilisé de nos jours par la chancellerie pontificale pour dater les actes émanant du pape.

Après l’an mille, on prit l’habitude de désigner les années à l’aide d’un chiffre se rapportant à un acte fondateur (soit une ère). Chez nous naturellement, on a choisi comme point de départ la naissance du Christ. Nous suivons donc l’ère chrétienne. Elle fut inventée par un moine originaire de Scythie nommé Denys le Petit. Il fixa la naissance du Christ au 25 décembre, 753 ans après la fondation de Rome. Ce mode de calcul a prévalu depuis. Signalons cependant que notre vénérable ecclésiastique s’est trompé, car le Seigneur est né, comme le disent expressément les Ecritures, pendant le règne d’Hérode le Grand qui est mort … 4 ans avant Jésus-Christ (??!!) (cf. Matthieu, 2.1: “Jésus naquit à Bethléem, localité du pays de Judée à l’époque où Hérode était roi”).

Avant l’an mille, ce système n’est pas couramment employé. Rare et assez abscons pour les contemporains, ils se trompent régulièrement lorsqu’ils s’ingénient à l’utiliser. Pour cette période, il convient donc de se méfier. Il se généralise après l’an mille, d’où le nom de millésime donné au chiffre qui sert à exprimer une date. D’autres ères que la chrétienne furent employées, mais elles ne touchent pas nos régions, si bien que nous les passerons sous silence.

Sauf l’ère républicaine employée par la France révolutionnaire dont le point de départ a été fixé au 22 septembre 1792 par décret de la Convention et qui fut en usage jusqu’au 31 décembre 1805. Cela concerne la Franche-Comté (département du Doubs) et le Jura, Jura Bernois et Bienne (Département du Mont-Terri, puis du Haut-Rhin), les forces françaises en campagne, mais pas la Suisse unifiée sous l’Helvétique et encore moins le Pays de Neuchâtel qui ne fut pas touché par l’activité révolutionnaire.

Terminons par expliquer un terme que l’on rencontre souvent dans les actes: l’indiction. Chez les Romains, ce terme désignait l’impôt foncier dont l’assiette était révisée tous les quinze ans. Puis, ce mot signifia ladite période de quinze ans entre deux révisions de la matrice cadastrale. Les Romains employèrent ce terme pour fixer une datation dès 313, début de la première indiction. Le chiffre qui accompagne l’indiction ne sert pas à déterminer le nombre de périodes écoulées depuis 313, mais le rang qu’occupe l’année en  question dans ce cycle de 15 ans. Indiction 4 signifie que l’on est dans la quatrième année de n’importe quelle indiction. Ce chiffre est souvent utile pour déterminer des dates qui nous posent problème, par exemple lorsqu’elles sont en partie effacée. Son calcul étant assez compliqué, nous conseillons au lecteur de se référer aux tables existantes pour la déterminer. 

Les années

Une année correspond à la révolution de la Terre autour du Soleil qui dure 365 jours 5 heures 48 minutes 47 secondes et 51 centièmes.

Calendrier julien: Au temps de la République, les Romains se servaient de l’année lunaire (de 10 jours plus courte que la solaire). Pour faire correspondre les deux et que les fêtes se trouvent toujours aux mêmes saisons, le grand prêtre appelé pontife rajoutait à période régulière un mois de différence après le mois de février. À la fin, pour des raisons essentiellement politiques, pour retarder ou avancer des élections, pour rallonger des magistratures, ce rattrapage n’était plus fait régulièrement. Profitant qu’il était pontife en 45 avant Jésus-Christ, Jules César s’entoura de scientifique qu’il fit venir d’Alexandrie, en particulier de l’astronome Sosigène. On prolongea les mois lunaires en alternant ceux à 30 jours avec ceux à 31 jours. Pour mettre en conformité l’année en cours avec le cours du soleil, on ajouta alors plusieurs mois. La réforme la plus novatrice fut la création d’années bissextiles tous les quatre ans, ce qui correspond quasiment à la durée d’une année astronomique. Cette année fut adoptée dans tout l’Empire romain, d’abord de manière hésitante, jusqu’à ce que l’Empereur Auguste fasse appliquer rigoureusement ces règles (chez nous dès l’absorption de l’Helvétie à l’Empire, soit environ en 15 avant Jésus-Christ), et plus tard en Europe du Nord, suite à la christianisation.

Calendrier grégorien: Mais, en agissant ainsi on mettait chaque année 11 minutes 13 seconde de trop par rapport à la réalité. Cette différence correspond à 3 jours en sus tous les 400 ans. La différence était faible, si bien qu’elle n’apparut que peu à peu. Il fallut du temps pour déterminer l’étendue de l’erreur. La réforme du calendrier se fit désirer. Il revint au pape Grégoire XII, lointain successeur du Grand Pontife païen, d’opérer ce changement. Après de longues discussions entre savants, un projet fut élaboré. La bulle “Inter gravissimas” promulguée le 24 février 1581 fixa cette réforme du calendrier. Il y avait alors 10 jours de différence entre l’année civile et l’année astronomique, on supprima donc ces dix jours et l’on décida que dorénavant une seule année séculaire sera  bissextile pendant 400 ans (celle qui est divisible en 400), mais pas les autres. Ainsi, 1600 fut bissextile, 1700, 1800, 1900 pas, 2000 l’a été. Désormais, il n’y a plus qu’une différence de 24 seconde 36 centième entre l’année réelle celle de nos calendriers, ce qui correspond à un jour tous les 35 siècles. Ce système de calcul est adopté aujourd’hui par le monde entier, à quelques exceptions près.

L’introduction de cette réforme du calendrier ne fut pas facile, car elle émanait d’une autorité catholique. Les Protestants et les Orthodoxes ne l’appliquèrent pas, et ne parlons pas des peuples non chrétiens. Dans nos régions, l’Espagne (et sans doute la Franche-Comté) l’adoptèrent dès sa promulgation en octobre 1582. La France quelques mois plus tard aussi en 1582. le canton de Fribourg en 1583. À Neuchâtel, on apprend que le 5 août 1700, le Conseil d’Etat est averti que le canton de Berne (actuellement Berne plus Vaud) a décidé d’adopter le calendrier grégorien. Le changement entre les deux calendriers s’effectuera au début de l’an 1701 où l’année commencera le 12 janvier (Manuel du Conseil d’Etat, t. 9, f. 133r). Tous ceux qui ont consulté des registres paroissiaux de cette époque ont remarqué que l’année 1701 était tronquée de 11 jours.

Il est d’usage chez les historiens de ne pas adopter le calendrier grégorien avant 1582, car cela ne changerait pas seulement le quantième du mois, mais le jour de la semaine et la date de Pâques. C’est ainsi que la “découverte” de l’Amérique par Christophe Colomb eut lieu dans les livres d’histoire le vendredi 12 octobre 1492, alors que, si on avait adopté l’usage grégorien de manière rétroactive on devrait dire le dimanche (??) 2 octobre 1492 (qui n’a jamais existé).

Divisions de l’année: L’année est divisée en 4 saisons: l’hiver du jour le plus cours (on dit solstice) à celui où nuit et jour sont de même longueur (on dit équinoxe), le printemps, de ce jour à celui qui est le plus long, l’été qui va jusqu’au jour d’équinoxe suivant (en septembre) et enfin l’automne se poursuit jusqu’au jour le plus court. Pour des raisons religieuses, Jules César avait fixé les dates butoirs de changement de saisons au 24 du mois de décembre (début de l’hiver), au 24 mars (début du printemps), au 24 juin (début de l’été) et au 24 septembre (début de l’automne). Par cet énoncé, vous voyez que trois fêtes importantes du calendrier chrétien dépendent de cette antique division de l’année: le 24 juin, jour des feux de la Saint-Jean, et surtout le 25 décembre, début alors du cycle du rallongement des jours, symbole de renouveau. En conséquence, l’annonciation de cette naissance miraculeuse a eu lieu neuf mois auparavant, le 25 mars, premier jour du printemps, signe d’espérance.

De même, Jules César avait fixé le jour supplémentaire rajouté une année sur quatre au 24 du mois de février. Ce jour se trouvait six jours avant le premier mars, ce qui se dit en latin bis sextilis dies ante kalendas Marcii (le 2e sixième jour avant les calendes de mars). Voilà ce qui explique le nom de ces années plus longues: années bissextiles

Lors du Concile de Nicée, du fait du différentiel entre l’année julienne et l’année astronomique, ces dates de solstices et d’équinoxes furent placées respectivement au 21 décembre, au 21 mars, au 21 juin et au 21 septembre. Cet usage s’est maintenu jusqu’à aujourd’hui.

Le début de l’année

Il n’y a pas de fait déterminant pour commencer l’année à un jour plutôt qu’un autre. L’usage fut donc fluctuant. Voici les principaux jours de début d’année:

1er mars: Les Romains fixèrent le début de l’an au premier mars, saison où l’on entrait en campagne militaire (voilà pourquoi pendant longtemps le mois de février fut considéré comme le dernier mois de l’année, au cours duquel on devait rajouter un jour supplémentaire).

1er janvier (style de la Circoncision): Mais, en 601 de l’an de Rome (153 av. J.-C.), l’année civile y débute le premier janvier. Au Moyen Age, ce terme reste partout le début de l’année astronomique (théorique) pour les savants, mais se heurte aux usages locaux (la pratique).

25 décembre (style de Noël): on voulut “christianiser” l’année après l’adoption de cette foi en Europe et l’on fit commencer l’an à la naissance du Christ. Pendant 6 jours en fin d’année (du 26 décembre au 31 décembre), il y a donc en ce cas un différentiel d’un an entre le millésime adopté au Moyen Age et le nôtre. Dans ce cas, un 26 décembre 1423 médiéval (on dit “ancien style” ou “a.s.) correspond au 26 décembre 1422 actuel (on dit “nouveau style” ou “n.s.”), car, en ce cas, l’année commence avant l’actuelle.

25 mars (style de l’Annonciation): Certains font commencer l’année à l’Annonciation. Il y a dans ce cas un peu moins de trois mois (entre le premier janvier et le 25 mars) où il existe un différentiel entre le millésime adopté au Moyen Age et le nôtre. Dans cette occurrence, dans nos régions, un premier février 1422 médiéval correspond au 1er février 1423 actuel, car l’année dure alors jusqu’à la fin de l’hiver.

Pâques Le changement d’année se fait à Pâques, jour de la fondation du Christianisme. Comme la date de Pâques change d’une année à l’autre, il se peut parfaitement qu’il y ait à une année de distance deux fois la même date. Par exemple, si on suit ce style il y a deux 1er avril 1293 médiévaux, la première fois le 1er avril 1293 comme on dirait aujourd’hui (Pâques = le 29 mars 1293) et le 1er avril 1294 actuel (Pâques est fêté cette année-là le 18 avril). En ce cas, le scribe dira 1er avril 1293 après Pâques (= celui de 1293) et 1er avril avant Pâques (= celui de 1294).

Voyons ce qu’il est chez nous à partir du XIVe siècle, époque où les documents deviennent suffisamment abondants pour que l’on puisse déterminer l’usage suivi pour le début de l’an. En Franche-Comté, on suivait le style de Pâques, jusqu’en 1566 où l’usage du  premier janvier fut imposé par le Parlement de Dole. À Berne, le style de la Nativité prédominait comme dans toute la Suisse alémanique. Dans la partie romande du diocèse de Lausanne (Vaud, Fribourg, Neuchâtel), on suivait le style de l’Annonciation. Cette façon de calculer était si typique à cette région qu’on l’appelait la coutume de la Cour de Lausanne (mos Curiae Lausannensis). Les deux dernières mentions connues chez nous de cet usage datent du 27 janvier 1520 (= le 27 janvier 1521) dans “Actes de chancelleries 1, f.
25v”, et le XIXe jour de janvier de l’an mil Vc et XXII (=19 janvier 1523) selon le style de Lausanne, dans “Actes de Chancellerie, volume 1, f. 25v et f. 72v”. Il se peut qu’il y ait des mentions un peu postérieures inconnues de nous, mais l’usage qui s’impose à cette époque (surtout après la Réforme qui eut lieu en 1530) est celui de Berne, soit de Noël. Puis, à la fin du XVIe siècle (sans doute vers 1575), on en vint au style du premier janvier.

Signalons enfin que le calendrier républicain commençait le 22 septembre.

L'année religieuse

Après la reconnaissance du Christianisme par l’empereur Constantin en 313, l’église a christianisé le calendrier en y fixant des fêtes chrétiennes. Nous avons déjà parlé de Noël. Abordons maintenant le cas particulier de Pâques.

Choisir quel était le jour où l’on allait célébrer la résurrection du Christ posait un problème. On commença par suivre l’usage juif, soit de fixer Pâques au 14 Nissan, soit au jour de la pleine lune du mois de l’équinoxe de printemps. Dans ce cas, cette fête se trouvait n’importe quel jour de la semaine, un lundi, un mercredi, etc. C’est pourquoi, certaines églises la fixèrent au dimanche qui suivait. En Gaule, on préférait une date fixe, soit le 25 mars. Il ne fut pas facile d’unifier tous ces systèmes. On ne se doute pas aujourd’hui des querelles que cela a provoquées, avec accusation de part et d’autre d’hérésies et d’apostasies.

Selon l’usage juif, cette fête dépendait du cycle de la lune et devait se situer juste après l’équinoxe de printemps. Le concile de Nicée en 325 entreprit d’apporter une unification rituelle. On fixa l’équinoxe de printemps au 21 mars, mais on ne prit aucune décision aux procédés de supputation. Chacun continua à utiliser son système. Ce n’est qu’au VIIIe siècle que l’ensemble de l’Eglise connut un même système. La fête de Pâques se situe depuis lors au dimanche qui suit la première pleine lune après le 21 mars (l’équinoxe de printemps), soit au plus tôt le 22 mars et au plus tard le 25 avril.

Le calendrier liturgique dépend fortement de Pâques. Les quarante jours qui la précèdent forme le Carême (en fait 47 jours, car les dimanches ne font pas partie du carême). 40 jours après se trouve l’Ascension, 50 jours la Pentecôte, le dimanche qui suit est  consacré à la Trinité et 60 jours après Pâques est célébrée la Fête-Dieu (institution récente, 1264).

Pour ne pas se perdre dans des calculs savants, il conviendra aux lecteurs pressés de consulter les tables dressées pour définir à la fois les dates des Pâques que les jours de la semaine. Le plus souvent les tableaux se déclinent en 7 cycles désignés par des lettres: la lettre A désigne une année commençant par un dimanche, la lettre B, pour celle débutant par un samedi et ainsi de suite en remontant jusqu’à la lettre G pour les années commençant par un lundi. Puis, Pâques pouvant se trouver sur l’un des 5 dimanches qui suit le 21 mars, on démultiplie par ce chiffre pour chacune de ces années le nombre des tableaux, ou l’on réunit sur une même table ces cinq possibilités.

Terminons par rappeler qu’une année normale se termine le même jour de la semaine qu’elle a commencé. Ainsi une année débutant un dimanche se termine un dimanche. Donc, l’an suivant va d’un lundi à un lundi, etc. Il en résulte un cycle. Compte tenu des années bissextiles qui coupe la régularité de celui-ci, compte tenu des différentes dates de Pâques possible, on obtient une période de 532 ans pour que les phases de la lune se reproduisent aux mêmes jours de la semaine et que les Pâques se retrouvent aux mêmes dates et dans le même ordre. Voilà ce qu’on appelle le cycle pascal. Une fois qu’on le connaît, on peut le reproduire ad libitum et connaître toutes les dates de notre calendrier dans l’avenir, même le plus lointain. 

Les mois

Le mois est censé correspondre à une lunaison. D’ailleurs le mot latin pour désigner cet espace de temps, mensis, à la même racine indo-européenne que le mot allemand Monn, la lune. Une lunaison correspond pour l’observateur terrestre à 29 jours 12 heures 44 minutes 38 secondes. On arrivait donc grossièrement à suivre ce rythme en alternant des mois de 29 et de 30 jours.

Quant à elle, une année solaire comprend 12 lunaisons 11 jours et 3 heures environ. Pour faire correspondre le cycle des mois à une année solaire, le mois a été rallongé d’un jour. Ainsi, en partant de mars, il y a une succession de 5 mois respectivement de 31 et de 30 jours, d’août à décembre de nouveau cinq mois respectivement de 31 et de 30 jours; suivent un mois long (janvier) et un mois court faisant le joint avec l’an suivant (février).

Chez les Latins, les 6 premiers mois de l’année portaient le nom d’un dieu ou des cérémonies religieuses qui s’y déroulaient, puis les 6 mois suivant n’étaient désignés que par un numéro d’ordre. Ainsi janvier (Januaris) était dédié au dieu Janus, février (Februarius) aux cérémonies de purification, mars (Martius) au dieu Mars (il marquait le début des campagnes militaires), avril (Aprilis) peut-être au sanglier, aper en latin, ou proche du mot apricus, ensoleillé (mais dès l’Antiquité on ne connaissait pas l’origine de ce nom, il faut cependant écarter la fausse étymologie rapprochant ce mot du verbe aperire, s’ouvrir, le mois où s’ouvrent les fleurs), mai (Maius) à la déesse Maïa, juin (Junius) de la déesse Junon, puis venait le cinquième mois compté d’après l’antique début de l’année des Romains (=le 1er mars) (Quintilis), le sixième (Sextilis), le septième (September), le huitième (October), le neuvième (November) et le dixième (December).

En souvenir des travaux de Jules César pour réformer le calendrier, le cinquième mois fut appelé Julius (juillet en français) en 38 avant J.-C., car il était né un 4 juillet. L’empereur Auguste fit beaucoup d’effort pour que ce calendrier soit appliqué avec rigueur et, en souvenir de son action, le sixième mois reçut le nom d’Augustus (août en français) en 8 avant Jésus-Christ. Nous voici arrivés au système en vigueur actuellement.

Quant à nos cousins germains, ils utilisent, à côté des noms de mois romain adaptés à leur idiome, des désignations mensuelles plus spécifiques. En voici la liste des appellations les plus courantes:
janvier = Januar
février = Hornung (Februar)
mars = März
avril = April
mai = Mai
juin = Brachmonat (Juni)
juillet = Heumonat (Juli)
août = August
septembre = Herbstmonat (September)
octobre = Wynnmonat, Weinmonat (October)
novembre = Wintermonat (November)
décembre = Christmonat ou Wolfmonat (Dezember)

Parlons pour terminer du calendrier républicain. Les mois duraient chacun trente jours, l’année se terminait par 5 jours supplémentaires (ou de 6 les années bissextiles) appelés sans-culottides et Jour de la Révolution. Ils portaient le nom d’événements censés se dérouler au cours de ce mois (en France du moins) suivi d’un suffixe marquant la saison: en automne les mois était en -aire, vendémiaire (mois des vendanges, septembre-octobre), brumaire (mois des brumes, octobre-novembre), frimaire (mois des frimas,  novembre-décembre), l’hiver était en -ôse, nivôse (mois de la neige, décembre-janvier), pluviôse (mois des pluies, janvier-février), ventôse (mois des vents, février-mars), les mois printaniers se signalaient par -al, germinal (mois de la germination, mars-avril), floréal (mois des fleurs, avril-mai), prairial (mois des prairies, mai-juin), l’été se déclinait en -or, messidor (mois des moissons, juin-juillet), thermidor (le mois des chaleurs, juillet-août) et fructidor (mois des fruits, août-septembre). Les mois républicains  commençaient vers le 20 de nos mois. 

Les semaines

Une lunaison est divisée en quatre quartiers. Un quart de 29 jours correspond grosso modo à 7 jours. Voilà l’origine de la semaine.

Chaque jour de la semaine portait chez les Romains des noms de dieux: Lundi = jour de la Lune, Mardi = jour de Mars, Mercredi = jour de Mercure, Jeudi = jour de Jupiter, Vendredi = jour de Vénus. L’usage français concernant le Samedi = jour du sabbat juif s’écarte des coutumes romaines saturni dies = jour de Saturne (correspondant à l’anglais Saturday). Quant au nom du dimanche, il est chrétien et signifie “Jour du Seigneur” dies dominica.

Nos cousins germains ont adapté ce vocabulaire à des divinités germaniques: Lundi = Montag (jour de la Lune), Mardi = Dienstag (jour de Thingsus, le mars germanique), Mercredi = Mittwoch (milieu de la semaine), Jeudi = Donnerstag (jour de Donar dit ailleurs Thor), Vendredi = Freitag (jour de la déesse Freia), Samedi = Samstag (jour du sabbat), Dimanche = Sonntag (jour du Soleil, comme les Romains).

Il existe encore un usage moins influencé par les mœurs païennes pour désigner les jours de la semaine: les féries (férie signifie jour de la semaine): la première férie correspond au dimanche, la deuxième au lundi, la troisième au mardi, la quatrième au mercredi, la cinquième au jeudi, la sixième au vendredi et la septième au samedi. On rencontre au Moyen Age cette façon de faire. Elle est actuellement en usage au Portugal.

Les jours et les heures

Jours: Les Romains calculaient les jours des mois d’une façon totalement différente de la nôtre. Il y avait dans le mois trois dates butoirs: les calendes (le premier du mois), les nones (les 5 des mois de janvier, février, avril, juin, août, septembre, novembre,  décembre – ou les 7 des mois de mars, mai, juillet, octobre) et les ides (en gros au milieu du mois, les 13 ou les 15 du mois selon la même clé de répartition que pour les nones). Pour les Romains, le calcul consistait à se demander combien de jours il restait jusqu’à la prochaine de ces trois dates butoirs. La numérotation était donc rétrograde. Ainsi, 7 des ides d’octobre correspondait au septième jour avant les ides, soit au 9 octobre actuel. Il faut aussi être conscient que, lorsqu’on se réfère aux calendes, le jour décrit se trouve dans le mois précédent. Ainsi les 7 des calendes d’octobre (7 jours avant le premier octobre) correspond au 25 septembre actuel. Il faut encore préciser que, lorsqu’on déclare être les 18 des calendes de janvier 1352 (18 jours avant le premier janvier), nous nous trouvons le 13 décembre, mais l’année est juste: 1352.

Cet usage subsista jusqu’à la fin du Moyen Age, mais on trouve dès une époque très ancienne, notre façon de calculer les jours du mois, c’est-à-dire par quantième depuis le commencement du mois jusqu’à sa fin. On en voit les premiers exemples dès l’époque mérovingienne. Il s’imposa peu à peu, mais devint courant dès le XVIe siècle.

Heures: Les Anciens prirent l’habitude de compter 12 heures du lever au coucher du soleil, et 12 autres heures la nuit. Sous nos latitudes, la durée des heures diurnes différaient le plus souvent de celle des heures nocturnes, du fait que les jours et les nuits sont rarement de même longueur.

En outre, on prenait toujours en compte l’heure réelle du lieu où l’on se trouvait. Dans le cas du canton de Neuchâtel, on vivait au Landeron une minute plus tôt qu’aux Verrières. Lausanne précède d’une minute Genève, Zurich de six minutes.

Lors de la propagation du Christianisme, l’écoulement du temps fut réglé par les autorités religieuses. La vie fut rythmée par l’Eglise. Dans les couvents régnait ce que l’on appelait l’heure canoniale, c’est-à-dire les divers offices qui séquençaient chaque journée, des laudes aux vigiles, chacune précédée d’une sonnerie qui appelait les moines à remplir leurs obligations (qui étaient entendues des laïcs qui vivaient aux environs). Dans les campagnes, les cloches paroissiales coupaient les longues journées de labeurs des paysans, comme l’évoque très joliment le tableau de Millet intitulé “l’Angélus”.

Au XIIème siècle, les cités florissantes des Flandres ou d’Italie cherchèrent à laïciser le temps, les horloges ne trouvent plus seulement aux clochers des églises, elles ornent désormais les beffrois et les hôtels de Ville. Cela ne se fit pas sans heurts (sic). Des batailles mémorables parsemèrent cette période, mais au bout du compte les autorités laïques vainquirent.

Dès le XIVe siècle, l’adoption de l’horloge pour montrer l’écoulement du temps a peu à peu poussé les utilisateurs à fixer des temps égaux aux heures au sein d’une même journée. Agir comme autrefois correspondait à faire subir des réglages continuels aux montres et autres pendules, ce qui était préjudiciable à leurs rouages … et à leur régularité déjà bien aléatoire.

L’apparition du chemin de fer qui présupposait l’usage d’un horaire poussa les administrations à déclarer une heure légale. On ne suit plus une heure solaire différente d’un lieu à l’autre. Désormais, chaque train part à la même heure, que l’on soit à Genève ou à Romanshorn. Dans notre canton, on lit dans la feuille officielle du 22 mars 1894: selon arrêté du 5 mars 1894, le canton de Neuchâtel adopte l’heure de l’Europe centrale. Dès lors, l’heure légale avance de 30 minutes un quart par rapport à l’heure réelle à Berne.  Après l’adoption en Suisse de l’heure d’été le différentiel se monte à une heure 30 minutes un quart une partie de l’année.

Seconde: La définition de la seconde remonte aux Babyloniens. Elle correspond au battement du coeur. Ils remarquèrent qu’il y avait environ 3600 battements par heures. Ce chiffre poussa sans doute les savants de l’époque à adopter une division sexagésimale des heures (une heure = 60 minutes) et des minutes (une minute = 60 secondes). La minute n’a aucune autre justification que d’être la soixantième partie d’une heure.

Conclusion

Ce qui précède n’est qu’un bref aperçu de ce que l’on appelle la chronologie technique et notre petit pense-bête est sans doute fort maladroit. Je tiens à fournir à tous ceux que le sujet intéresse des traités plus complets qui m’ont d’ailleurs servi pour le présent essai. Chacun a ses défauts et ses qualités. Ces ouvrages ont été de multiples fois rééditées, je vous donnerai ci-dessous l’édition que j’ai utilisée. Sauf le premier, ils sont en vente dans toutes les bonnes librairies.

Pour les francophones, nous avons: Arthur GIRY, Manuel de diplomatique, Hildesheim-New York, Georg Olms Verlag, 1972 (fac-similé de l’édition originale de Paris, librairie Hachette, 1894), p. 79-314.
Pour les germanophones: Hermann GROTTEFEND, Taschenbuch der Zeitrechnung, Hanovre, Hahnsche Buchhandlung, 1982 (12e réédition), p. 1-110.
Pour les italianophones: Adriano CAPPELI, Cronologia, Cronographia e Calendario perpetuo, Milan, Editore Ulrico Hoepli, 2002 (7e édition), p. 1-21.

Enfin, les données locales proviennent de quelques notes trouvées dans l’un des multiples fichiers qui parent les Archives de l’Etat de Neuchâtel.