Bulletin 37 / Mai 2009

Sortie d'automne à Grandval
samedi 25 octobre 2008

Compte rendu rédigé par Françoise Favre

Pour cette sortie dans la région de Moutier le rendez-vous était donné à 10h15 au restaurant « L’étrier d’Argent » à Corcelles BE. C’est autour d’une tasse de café que les 35 personnes présentes de nos deux sociétés pouvaient faire connaissance ou de reprendre  contact, puisque cela fait plusieurs années maintenant que nous faisons notre sortie d’automne en commun.

Il fait frisquet, mais déjà le stratus se dissipe, laissant augurer une belle journée d’automne ensoleillée.

Nous commencerons par la visite du Martinet de Corcelles. Il s’agit d’une ancienne forge, installée dans une maison datant de 1791. Mais bien avant cette date, il y avait déjà une forge à cet endroit. A l’intérieur, le forgeron est déjà au travail et nous attend. Au-dessus du foyer, pendent de vieilles pinces et tenailles de tous genres et de toutes grandeurs. La rouille qui les recouvre montre qu’elles sont là au repos depuis bien longtemps. Les murs sont couverts d’outils divers qui témoignent de l’activité d’autrefois, quand on y travaillait le fer et l’acier pour en faire des faux, des haches, des pioches et tant d’autres outils que réclamait le travail des paysans et des bûcherons.

Le Martinet de Corcelles a fonctionné jusque dans les années cinquante et il est l’un des dernier en Suisse à être encore en état de marche. En 1987, une Fondation a racheté la forge pour la sauver.

Nous avons donc la chance de pouvoir assister à une démonstration. L’installation était mue par les eaux de la Gabiatte. Deux roues à augets actionnaient les marteaux et la meule. Il y avait alors trois marteaux, dont un seul subsiste, un lourd marteau pesant 52 kg, qui vient frapper le métal rougi au feu à une cadence régulière et dans un bruit infernal.

La taillanderie était la principale activité de la forge et pour aiguiser les outils, il fallait une meule. Cette meule en grès des Vosges, venant de Saverne en Alsace, avait un diamètre de 2,40 m et pesait plus d’une tonne. Il fallait la remplacer chaque année, ce qui  nécessitait l’effort conjugué de douze hommes pour la mettre en place. 

Lors de l’édification de la ligne de chemin de fer Soleure-Moutier, au début du 20e siècle, et notamment lors de la construction du viaduc de Corcelles tout proche, la forge fonctionnait à plein rendement et produisait tout les outils nécessaires aux nombreux  ouvriers de ce gros chantier.

Dans une salle annexe, une exposition présente des exemplaires d’outils fabriqués à Corcelles (ils portaient tous un A, marque du martinet de Corcelles), des vieilles photos et des panneaux racontant l’histoire de la forge.

Retour à « L’étrier d’Argent » où nous attend un bon repas, occasion de dialogue et d’échanges. Après le café, nous accueillons Jean-Philippe Gobat, venu nous présenter la famille WISARD et en particulier le « Banneret Wisard ». On devrait plutôt parler – selon lui – du « bandelier » [1] WISARD.

L’origine de la famille WISARD se trouve à Corcelles en Grand Val dès le 16e siècle. L’orthographe de ce nom est fluctuante : on trouve WISARD dans les actes en allemand, puis VISARD au 18e siècle et jusqu’en 1876 où l’on rétablit l’orthographe WISARD.  Actuellement, il y a des WISARD originaires de Corcelles, Grandval, Bienne, Genève (20e ). Il y avait aussi une branche, aujourd’hui éteinte, en Prusse.

C’est de la lignée de Grandval que sort le personnage le plus illustre de la famille, Henri WISARD. Son père (né vers 1610) est cultivateur, propriétaire exploitant, à Corcelles. Il épouse Elisabeth SAUVIN en 1641. Henri naît vers  1650. Il est notaire , paysan, député puis maire de Grandval. Il est aussi ancien d’Eglise. Le 30 mai 1698, il est élu à vie bandelier, c’est-à-dire porte drapeau des milices prévôtoises, pour défendre leur coutumes et leurs droits et représenter le peuple face aux autorités.

En 1705, il refuse de prêter serment au nouveau prince-évêque, Jean Conrad de Reinach, avant que celui-ci n’ait consenti à renouveler les franchises des Prévôtés. Le prince le fait destituer. Il sera finalement rétabli dans sa fonction sous la pression du peuple, mais perd sa charge de maire. Le traité d’Aarberg, en 1711, met fin à ces années de troubles.

C’est cet acte courageux du bandelier, qui n’avait rien d’un révolutionnaire, mais qui se voulait conservateur des droits anciens de son peuple, qui ont fait de lui un héros et un personnage historique.

Sa descendance, qui prendra le nom de WISARD-dit-Bandelier, est éteinte aujourd’hui.

Après cet exposé fort intéressant, nous nous mettons en route (avec beaucoup de retard sur notre horaire !) pour nous rendre à Grandval où nous devons visiter la maison natale du Banneret WISARD, une des plus anciennes demeures du Jura bernois, sous la conduite de Ursula Lehmann.

Cette vieille ferme date de 1535 et était construite à l’origine exclusivement en bois. Les murs de pierre que l’on voit aujourd’hui datent de 1836. Son toit de forme pyramidal a retrouvé les bardeaux comme à l’origine. Vue de l’intérieur, la charpente est vraiment impressionnante et de toute beauté. Il n’y a pas de cheminée, mais un système d’évacuation par une « plate-forme de rondelats » laissant la fumée s’échapper par la grange. On distingue les ouvertures, entre le toit et les murs, qui permettait l’évacuation de la fumée. Les poutres noircies prouvent que la fumée passait par là.

La cuisine voûtée sert toujours de fumoir. Au 19e, deux « belles chambres » ont été ajoutées, l’une au Sud et l’autre au Nord.

En faisant le tour de la maison par l’extérieur, nous pouvons admirer le grenier (Stöckli), toujours construit à l’écart de la ferme, pour le mettre à l’abri en cas d’incendie, et le jardin didactique où poussent des légumes, des herbes aromatiques et même des fleurs à manger !

Depuis 1990, la bâtisse est propriété d’une Fondation créée pour sauvegarder cette maison. Des travaux de restauration à l’ancienne, fort bien réalisée, ont été entrepris pour en faire un musée vivant.

La journée a été bien remplie et le temps a passé très vite. Nous profitons des derniers rayons du soleil pour bavarder encore un moment avant de repartir.

Françoise Favre-Martel, Secrétaire de la SNG

Notes

  1. Le banneret est le porte-bannière ; le bandelier est le représentant du peuple et le chef de la milice.