Bulletin 39 / Décembre 2009

Les Suchard, chocolatiers, descendants d'huguenots persécutés

Recherches de Pierre-Arnold Borel

Jean Suchard naquit à Combovin dans le Dauphiné en 1650. Combovin se situe à l’est de Valence. La famille Suchard était huguenote comme la plupart des familles vivant dans ces vallées isolées.

Louys Suchard descendant de Jean. Natif de Combovin lui aussi, décide de gagner la Suisse pays de liberté religieuse, fuyant les dragonnades ensuite de la Révocation de l’Edit de Nantes en 1685. Passant par Genève il va vivre au Pays de Vaud, à Onnens où, le 15 décembre 1707, il épouse Marie-Magdelaine Dupuy née le 19 août 1685, Champenoise de Morcerf en Brie, qui est également réfugiée pour cause de religion. Marie-Magdelaine et Louys vont vivre à Boudry en la principauté de Neuchâtel en Suisse où naissent  leurs 7 enfants. Louys décède le 6 avril 1751 et Marie-Magdelaine le 19 octobre 1752. Leurs enfants ont été baptisés au temple de Boudry, ils sont:

  • Jeanne-Marie baptisée le 5 décembre 1708; meurt enfant.
  • Abram-Louis baptisé le 1er février 1711. Epousera au dit-lieu, le 9 décembre 1740 Elisabeth Amiet.
  • Guillaume ligne directe; baptisé le 9 juin 1713.
  • Jean-Pierre baptisé le 29 décembre 1715, meurt en bas âge
  • Daniel baptisé le 16 avril 1719
  • Jean-Pierre baptisé le 11 janvier 1722
  • Jeanne-Marie baptisée le 26 novembre 1724.

Un autre fils de Jean, donc frère de Louys, prénommé Pierre se réfugia aussi en la principauté de Neuchâtel. A Boudry il pratique son métier de tisserand d’étoffes de laine. Tous deux obtinrent la bourgeoisie neuchâteloise en date du 4 juin 1708.

 

Guillaume Suchard fils de Louys est né le 9 juin 1713 à Boudry. Bourgeois du dit lieu, paysan, vigneron, propriétaire de ses terres. Après son décès fin juin 1765 il est porté en terre le 1er juillet suivant. Le 7 janvier 1747 il avait épousé Jeanne Marie Bindith fille d’un communier de Boudry, village où naissent leurs 5 enfants:

  • Guillaume ligne directe né le 24 décembre 1747
  • Jean Louis né le 30 juin 1750, baptisé au temple le 11 juillet suivant
  • Abraham né le 14 décembre 1752 et baptisé le 24. Il mourra l’année suivante, le 25 octobre.
  • Suzanne Madeleine née le 21 décembre 1754, baptisée le 29 du mois. Elle meurt à l’âge de 8 ans, le 6 décembre 1762.
  • Samuel né le 3 mars 1758, baptisé le 19 du même mois. Mourra à Boudry en 1820 porté en terre le 18 septembre. Sa femme, Jeanne Marie Trelis, a été baptisée à Fleurier le 2 novembre 1755 et est décédée le 13 février 1832 à Boudry.

 

Guillaume Suchard fils de Guillaume. Né le 24 décembre 1747 à Boudry, village où il décèdera le 29 août 1833. Il a épousé Louise Sophie Dubey née à Grandcour près de Payerne le 19 novembre 1759. Décédée à Boudry le 12 novembre 1835. Leurs enfants sont nés à Boudry:

  • Louis né le 13 août 1785. Un certificat d’origine daté du 2 mars 1806 lui est établi par les autorités du village car il s’expatrie vers les Amériques.
  • Frédéric Guillaume né le 25 juin 1788; épouse Rosine Wyss.
  • Jeanne Salomé née le 21 avril 1791; elle épousera, à Boudry, le vigneron Guillaume Bindith, de Boudry, le 3 octobre 1812.
  • Guillaume Henri né le 25 février 1794. Son épouse sera Judith Schwarz.
  • Samuel Philippe né le 9 octobre 1797 ligne directe
  • Rosalie née le 25 octobre 1799. En 1830 elle épouse Jean Jacques Backhofner.
  • Auguste né le 27 juin 1802.

Guillaume Suchard, à l’âge adulte, quitte le Boudry de sa jeunesse pour aller vivre à La Chaux-de-Fonds. Dans ce village il ouvre un commerce de marchand drapier. Son affaire prospéra rapidement, la clientèle de cette région lui promet un avenir florissant. Mais,  hélas, le triste lundi 5 mai 1794, après une nuit infernale pour les habitants de La Chaux-de-Fonds tout vient de sombrer dans les flammes de l’incendie de terrible mémoire; se voyant ruiné comme presque tous ses voisins de malheur, Guillaume retourne avec sa famille à Boudry et y reprend courageusement, en location, l’Hôtel de Commune. Il soigne, en même temps, les vignes et autres terres à lui advenues par héritage de famille.

 

Samuel Philippe Suchard prénommé surtout Philippe. Fils de Guillaume. Bourgeois de Boudry, il y est né le 9 octobre 1797 et baptisé au Temple réformé le 28 du même mois. Décédé le 14 janvier 1884. Le 25 octobre 1828 avait épousé, à Neuchâtel, la fille d’un professeur Jordan; la famille Jordan est d’origine vaudoise. Rose Frédérique Jordan est née le 13 juin 1803 et décèdera le 1er février 1870.
Leurs enfants:

  • François Louis Emile né le 14 août 1829. Décédé en mai 1839.
  • Louise Rosalie née le 4 septembre 1830. Décédée le 6 décembre 1904. Epouse Edouard Wodey né le 19 décembre 1819, décédé le 31 mai 1876; confiseur au 5 de la rue du Seyon à Neuchâtel. En 2009, sous la raison sociale Wodey-Suchard S.A., la confiserie salon de thé est toujours exploitée.
  • Frédéric Guillaume né le 21 mai 1832, il meurt à l’âge de 4 mois à Blumenstein. Etant né dans une famille aux idées royalistes ses parents lui avaient donné les mêmes prénoms que le roi de Prusse prince de Neuchâtel: Frédéric Guillaume III. D’ailleurs, l’on peut  ajouter ici que le roi de Prusse prince de Neuchâtel appréciait beaucoup le chocolat Suchard.
  • François Louis Philippe prénommé communément Philippe. Né le 16 mars 1834. Ligne directe.
  • Rosalie Louise née le 1er avril 1837; décédée le 6 janvier 1890. Le 31 juillet 1861, elle épouse Edouard Simond, d’origine vaudoise, né à Yverdon le 10 novembre 1832. Décédé à Neuchâtel le 4 mars 1910.
  • Henri né en avril 1838, décédé en mai 1839.
  • Marie Eugénie née le 14 avril 1839, décédée le 15 avril 1900. Epouse Johannes Carl Maria Russ né le 22 novembre 1838, décédé le 12 janvier 1925.
Philippe Suchard

Samuel Philippe Suchard dès son enfance se familiarisa avec les travaux des champs avec un caractère curieux et ingénieux. Sa fille racontera plus tard qu’il avait dû se rendre à pied de Boudry à Neuchâtel à la pharmacie Matthieu, acheter  selon ordonnance médicale, une livre de chocolat pour sa mère malade. Pour l’époque le prix de 6 francs était exorbitant. Le chocolat ayant fortifié sa mère le gamin se livra à des réflexions à ce sujet. A l’âge de 13 ans il est envoyé en Argovie, à Lenzbourg, à pied depuis Neuchâtel, arrivant dans la famille d’un pasteur pour apprendre la langue allemande. Après deux années utiles Philippe reprend, à pied, avec joie, le chemin de sa maison. Durant l’hiver il fréquente l’école de Boudry, puis après avoir fait sa Première Communion au temple du village il commencera son apprentissage de confiseur à Berne chez son frère aîné qui y tenait une Konditorei. Frédéric Guillaume fait travailler son petit frère des 14 heures par jour. Cela n’empêche pas Philippe de prendre des cours d’italien et d’anglais. Après huit ans de collaboration entre frères, Philippe dispose d’une petite fortune de 6ooo. frs.

La lecture d’ouvrages relatant de nombreux voyages entretient en lui des illusions dont il berce son imagination juvénile; l’horizon de la Suisse lui semble trop exigu; il rêve de l’Amérique, de ses villes naissantes, des aventures des colons, des forêts peuplées d’Indiens. Il achète quelques montres et des dentelles de la Principauté de Neuchâtel et de Valangin, beaux produits d’exportation.

Riche d’espérance il quitte la Suisse. Le 1er juin 1824, plein d’envie de s’instruire et de connaître il s’embarque au Havre sur un voilier américain partant pour Baltimore. La connaissance des langues étrangères lui est d’un grand secours. Durant la traversée de 42 jours il fit plus ample connaissance avec le capitaine et les lieutenants en étant invité à leur table. Il prit même des leçons de pilotage en navigation maritime et ceci nous rapproche du 19 juillet de l’année 1834, jour du
lancement de son bateau à vapeur L’Industriel sur le lac de Neuchâtel. Philippe, quelques mois après son retour d’Amérique, ouvre une confiserie à la rue des Halles à Neuchâtel. En 1826 il loue un moulin désaffecté dont l’unique roue encore utilisée est actionnée par le débit de la Serrières. Elle ne met en action qu’un seul broyeur dans lequel il peut tout de même fabriquer 50 à 60 livres de pâte de chocolat par jour. Malgré les perfectionnements qu’il y apporte son installation technique demeure cependant bien primitive. Alors, pendant les trente premières années sa femme et ses enfants se partagent le travail, etalement pour refroidissement puis moulage en plaques. La vente n’est alors pas très forte. Dès 1840,  Philippe s’occupe d’autres intérêts, par exemple au prix de transport plus bas offert par la navigation fluviale. Il fait partie des membres fondateurs de la Société de Navigation  » Les Aigles du Haut Rhin ». La navigation à côté des chemins de fer intensifie l’exportation du chocolat. Après son succès aux expositions universelles de Londres en 1851 et de Paris en 1855 le chocolat Suchard est adopté avec une faveur grandissante.

François Louis Philippe Suchard fils de Samuel Philippe. Né à Neuchâtel le 16 mars 1834. Bourgeois de Boudry. Décédé le 26 mai 1883. Emma Langer son épouse, est née le 23 juin 1839 et décèdera le 14 janvier 1900; ils ont : 

  • Julia née le 5 mars 1863, qui épouse Bror Gö the Sjöstedt né le 13 septembre 1850.
  • Ida Emma née le 6 septembre 1864, décédée le 20 janvier 1925. A épousé Paul Léon Petitpierre originaire de Couvet, né le 15 décembre 1859
  • Eugénie Louise Rose née le 9 octobre 1865, décédée le 7 décembre 1920. A épousé Samuel de Perrot, de Neuchâtel, né le 17 juillet 1862.
  • Emma Louise née le 4 mai 1867, épouse, le 13 mai 1894, J. Ferdinand de Reynier, né le 7 juin 1862; aussi neuchâtelois
  • Hélène Laetitia née le 2 août 1878; épouse Léopold de Reynier, né le 24 juin 1876.

Dès lors, la branche mâle des chocolatiers Suchard s’éteint.

François Louis Philippe Suchard, dès 1857, parcourt toute l’Europe pour faire connaître et apprécier le chocolat Suchard; et, sous son habile direction la nouvelle fabrique de Serrières, dotée d’une machinerie moderne gagne en importance. Tout semble alors se diriger vers un avenir d’abondance. Malheureusement, vers 1864, Philippe Suchard subit les premières atteintes d’une paralysie qui l’immobilise complètement; après des années de souffrance, il meurt en 1883. Or, en 1860, un jeune Allemand, Carl Russ avait été engagé dans la partie commerciale, parlant allemand, anglais et français, usant de son savoir faire il ouvrit l’ère des commandes auprès de clients sûrs et fidèles en Europe. En 1868 Carl Russ entre dans la famille Suchard en épousant Eugénie Suchard.

Petit complément: En 2009, le Musée d’Art et d’Histoire de Neuchâtel et le Musée de l’Areuse à Boudry ont organisé d’importantes expositions pour faire connaître et rappeler la présence et le renom de nos fabriques de chocolat Suchard. Dans le Journal de Serrières de mai 1958, Mademoiselle Marthe Fallet 1893-1976, a publié un article sur L’Industrie du chocolat à Serrières. Ses écrits ont été utiles à Pierre-Arnold Borel pour compléter par plus de détails ses recherches généalogiques. Or, il se trouve que Mademoiselle Marthe Fallet était la marraine du généalogiste, et par fierté pour sa marraine, il aime souligner que Mademoiselle Fallet, dans l’administration de cette grande maison fut la première fondé de pouvoirs, poste encore très masculin dans ces années-là.

Une bien jolie pub rétro