Bulletin 42 / Décembre 2010

Ah! le bon vieux temps...

Au hasard de mes lectures, j’ai remarqué un texte qui me semble intéressant pour les généalogistes que nous sommes. En effet, plongés dans nos recherches, qui n’a pas imaginé dans quelles conditions nos aïeux vivaient dans les siècles passés ? Lequel de nous n’a pas entendu l’un ou l’autre de nos grand-parents regretter le bon vieux temps? Le texte ci-après, tiré du livre « Les écrivains témoins du peuple » de Françoise et Jean Foutastié (Ed j’ai Lu, 1964) nous donne une idée de ce qu’était le « bon vieux temps… »

Maurice Frainier

La vie moyenne traditionnelle, c’est-à-dire celle qu’ont connue nos ancêtres jusque vers 1800, n’était pas une vie biologiquement complète. Elle commence à pouvoir être chiffrée, à la suite du dépouillement des registres d’état civil de certaines paroisses. De ces  études, il résulte que l’espérance de vie, ou vie moyenne, à la naissance, était de l’ordre de 25 ans en France, à la fin du XVIIème siècle et au début du XVIIIème siècle. Pour certaines générations particulièrement éprouvées ce chiffre pouvait tomber, dans l’ancienne Europe, jusqu’à 20 ans. Ces nombres: 20 ans, 25 ans doivent être comparés aux chiffres actuels qui sont de 70 ans (hommes) à 78 ans (femmes).

Dans l’humanité traditionnelle, sur 1’000 enfants nés vivants, environ 440 arrivaient à l’âge du mariage. Compte tenu du célibat qui retenait (hier comme aujourd’hui) environ 10% des humains, il fallait une moyenne de 4,5 naissances vivantes par ménage pour maintenir fixe le nombre de la population.

Les âges moyens au mariage étaient de 27 ans pour les hommes et de 25 ans pour les femmes. La vie commune ne durait en moyenne que de 17 à 20 ans; un ménage sur deux en moyenne était frappé par la mort d’au moins l’un des deux conjoints avant son quinzième anniversaire de mariage. C’est à quatorze ans que, s’il parvenait à cet âge, l’enfant moyen devenait orphelin de l’un de ses deux parents.

Un père de famille moyen avait, avant de mourir à 52 ans, vu lui-même mourir neuf membres de sa famille directe (c’est-à-dire sans parler des oncles, neveux et cousins, ni des alliés), un de ses grands-parents (les trois autres étant morts avant sa naissance), ses deux parents, trois de ses enfants et trois frères ou sœurs. Il avait vécu deux ou trois famines et, en outre, quatre ou trois périodes de grain cher, famine et cherté étant liées aux mauvaises récoltes. Il avait, en plus des morts, vécu les maladies de ses frères, de ses enfants, de ses femmes, de ses parents et les siennes propres; il avait connu deux ou trois épidémies infectieuses, sans parler des coqueluches, scarlatines et diphtéries obligatoires; il avait souffert longuement de maux physiques, tels que dentaires, et de blessures longues à  guérir. La souffrance et la mort étaient au centre de la vie comme le cimetière au centre du village.

C’est dans de telles conditions, ou dans des conditions souvent pires, que la tenace humanité a subsisté durant des dizaines de milliers d’années. Il y fallait une ardeur de vivre, des vertus; à court terme une gaieté sans cesse renaissante; à long terme un grand courage.

A méditer…