Bulletin 60 / Décembre 2019

Sortie au Musée de la vie d'Antan à Montlebon (Doubs)

Notes de Françoise Favre

Pour sa sortie d’automne, la SNG avait invité ses membres en France voisine, à Montlebon dans dans le Doubs. Le rendez-vous avait été fixé à 11 h 30 à l’Auberge du Charron, située au milieu de nulle part, à 6 km du centre du village. Le paysage était noyé dans un brouillard automnal, il faisait froid et il pleuvait. Mais comme il faisait bon dans cette vieille ferme comtoise, où nous attendait un menu traditionnel de la montagne jurassienne : tarte au lard et au comté, assiette comtoise (pommes de terre, saucisse de Morteau, brési et cancoillote [1]) et deux boules de glace surmontées de chantilly pour le dessert… nous voilà d’emblée plongés dans us et coutumes du Haut-Doubs !

Le Musée de la vie d’antan occupe la ferme voisine, une bâtisse de 2000 mètres carrés totalement remise à neuf après l’incendie qui l’a ravagée en 2015. En deux ans, Joseph Simonin, le fondateur du musée, s’est attaché à tout reconstruire. Après l’incendie, une chaîne de solidarité s’est rapidement mise en route et les gens ont spontanément apporté tout ce qu’ils pouvaient pour reconstituer le musée. Aujourd’hui, plus de 3000 objets et machines sont exposés sur 3 étages et témoignent de la vie rurale en moyenne montagne  (1100 m d’altitude) entre 1900 et 1950.

Comme sa cousine des Montagnes neuchâteloises, la ferme comtoise est recouverte d’un toit aux larges pans permettant de récupérer l’eau, rare dans ce pays calcaire, et qu’il fallait donc économiser. La ferme se divisait en deux parties, d’un côté le bétail, de l’autre l’habitation, séparées par le « tuyé », cette grande cheminée où l’on pouvait sécher, fumer et conserver la viande. Autres éléments importants : le four à pain et la cave, où l’on conservait les fruits, les légumes et la meule de comté, logée dans une « pierre à fromage » recouverte d’une planche pour tenir les souris éloignée.  Dans les fermes, ici, on n’élevait pas plus de 5 à 8 vaches qui produisaient 30-35 kg de lait qu’on transportait au « chalet » (qu’on appelle aujourd’hui « fruitière ») au Gardot, à 4 km, avec un âne. Les chevaux servaient pour tous les travaux de la ferme et pour le débardage, une activité complémentaire en hiver.

En bas, le visiteur est impressionné par l’importante collection de tracteurs (45) alignés côte à côte et tous en état de fonctionner. Joseph Simonin nous en donne une démonstration bruyante dans un nuage de fumée malodorante ! Les premiers tracteurs sont arrivés ici après la guerre, au début des années 1950, dans le sillage du plan Marchal, mais auparavant déjà, quelques artisans des villages alentour, plein d’idées, avaient bricolé des tracteurs à partir de vieilles automobiles. De vrais bijoux d’ingéniosité, comme ces tracteurs à trois roues qui permettaient de remplacer les chevaux, qui avaient trop de travail en été. Au fil de la visite, on mesure les progrès techniques de ces machines.

Au rez-de-chaussée est exposé la vie dans la ferme : la cuisine, où nous retrouvons les ustensiles de notre enfance. Remarquons au passage, au milieu d’une belle collection de fers à repasser, un fer de voyage à essence que nous aurions de la peine à glisser aujourd’hui dans notre petite valise de cabine ! La lessiverie, où l’on faisait la « grande les­sive » (draps, linge de maison et chemises d’homme) deux  fois par an, tandis que le petit linge était lavé une fois par mois. L’écurie, où des guides-cornes pendent au mur, parce qu’une vache aux belles cornes faisait alors la fierté de son propriétaire ! Et même une salle de classe avec ses cartes des colonies !

Au premier, on retrouve la forêt, le bûche­ronnage, la faune et la flore, l’artisanat: maréchal-ferrant, menuisier, cordon­nier… tout ce qui n’a pas trouvé de place ailleurs : une collection de machines à coudre – certaines avec leur table en marqueterie – et de journaux de mode, des jouets  qui ont encore le goût de notre enfance…

Nous avons suivi notre guide pendant près de deux heures dans ce musée tout neuf avec une muséologie moderne et agréable, et fait un bond dans le temps qui  nous a permis d’appréhender de près la vie dure et besogneuse de nos  grands-parents et de nos arrière-grands-parents. Avant de nous séparer,  nous avons encore pris le temps de boire une bière ou une « Bisontine » pour conclure ce bon moment passé ensemble.

Notes

  1. La cancoillote est un fromage à pâte fondue typiquement franc-comtois. On disait de lui que c’était le « fromage du pauvre » parce qu’il est fabriqué avec les résidus de lait caillé. Ce fromage maigre est un des rares fromages français qui n’a pas franchi la frontière…