Bulletin 62 / Janvier 2021

Le village de Buttes vu à travers la presse locale de l’époque…

par Fabienne Grandjean

Voici un exemple de reconstitution de la vie au quotidien d’un village, que l’on peut faire en consultant les archives  numérisées (consistoire, jugements, presse ancienne, revues économiques, etc.). Ce sont de petites choses, des anecdotes comme celle de la cloche de Buttes, qui étoffent la généalogie.

Le village de Buttes

Situé dans le Val de Travers, Buttes est un lieu de passage. Au Moyen âge, une route du sel traversait le village. Cette route servait au commerce entre la France et la Suisse. Le village organise trois foires dans l’année. En 1761, elles ont lieu en mai, juillet et octobre.

En 1775, le moulin constitue un ensemble de trois moulins dont une scie et un battoir. L’un des trois peut produire de l’huile. En 1792, il est précisé qu’il contient une gruière[1], une ribe[2], le tout sur la même poutre. A cette époque, ce n’est pas un moulin banal. Il est proposé en bail de neuf ans.

En 1793, le village a une tuilerie qui est considérée comme vaste. Elle est implantée au village depuis 16 ans. Elle est équipée d’un four d’une contenance de 30 milliers [de tuiles]. Il y a des dépendances permettant de loger un maître et des ouvriers.

Vers 1701, le village dispose d’une maison de commune, dont la charpente est modifiée en 1744. L’extérieur a été refait deux ans plus tard par l’emploi de pierre de taille et l’ajout d’un perron. En 1798, une reconstruction totale de la maison de commune est opérée, sans doute d’après les plans de Charles Auguste Grandjean et d’Abraham Henri Juvet.

Vers 1831, Buttes apparaît comme un foyer insurrectionnel où se prépare le renversement de l’Ancien régime. Le principal promoteur et l’inspirateur de la conspiration serait Henri Constant Dubois, surnommé L’Herboriste parce qu’il cueillait et vendait certaines plantes sous le nom de « thé suisse ». C’est sous son impulsion que fut fomenté

la prise du Château de Neuchâtel le 12 décembre 1831. Cent habitants de Buttes y auraient participé.

Le 15 novembre 1852, un petit bureau de poste est ouvert sur la route reliant Buttes à La Côte-aux-Fées. Un bureau de télégraphe est installé en 1866.

Le village de Buttes est érigé en municipalité en 1870. Dans la seconde moitié du siècle, la commune concentre ses efforts à établir de nouvelles fontaines, de nouvelles routes permettant de relier les différents quartiers des montagnes, à restaurer le temple, à gérer le domaine forestier, la correction du tracé de la rivière et l’ouverture de la ligne ferroviaire Fleurier-Buttes.

La région n’est pas bien desservie en équipement médical et en médecins. D’après une chronique, au 18e siècle, David DuBois, docteur des bêtes, prenait aussi soin de la santé des gens. Il limait et arrachait les dents et préparait ses potions. Sa salle de consultation était la forge du village où il se rendait chaque vendredi.

Jusqu’en 1860, les habitants doivent se rendre à Neuchâtel s’ils ont besoin d’une hospitalisation. A cette date, un hôpital s’ouvre à Couvet, puis 8 ans plus tard, à Fleurier.

En 1858 une institution pour enfants, Le Home des Hirondelles, est créée à Buttes pour accueillir des jeunes filles déshéritées ou indigentes. Par la suite, ce foyer s’ouvrira aussi aux garçons, le but étant d’accueillir des orphelins, ou des enfants abandonnés. Cet établissement vit de legs, de dons et du produit fourni par le travail des enfants, qui doivent participer aux travaux agricoles. En 1866, le foyer, appelé Asile de Buttes, organise une vente pour recueillir des fonds, car ses ressources restent précaires. En 1892 le foyer accueille 16 fillettes. Elles sont 13 en 1902.

Le 22 avril 1861, le village de Buttes voit la naissance du peintre Eugène Gilliard, décédé à Genève en 1921. Il a été professeur de dessin à l’école secondaire de Fleurier.

[1]Gruière (où gruyère) : Moulin pour monder et concasser le gruau (Dictionnaire du parler neuchâtelois, W. Pierrehumbert).

[2]Ribe (ou rebatte) : Moulin à meule dressée pour écraser le chanvre ou les fruits (Dictionnaire du parler neuchâtelois, W. Pierrehumbert).  

L’école de Buttes  

En 1789, le village a une école et on recrute un instituteur appelé régent. Régulièrement, le poste de régent est vacant… En 1794, le régent doit présenter ses certificats et témoignages de bonne conduite. Sa rémunération est fixée à 13 louis d’or neufs. Il doit prendre en charge environ 70 enfants, scolarisés à partir de 7 ans, qui paient chacun 6 batz par an. Le régent reçoit du bois pour le chauffage, un logement et un jardin. Il enseigne la lecture, la religion, l’écriture, la grammaire, l’orthographe, l’arithmétique. Il sonne les cloches.

En 1797, il est précisé que le régent prend aussi en charge les fonctions publiques de l’église. Il dispose de deux mois de vacances du 15 juillet au 15 septembre. Sa rémunération passe à 12 louis d’or neufs et deux chars de foin en plus.

Les recrutements sont diffusés dans la presse, précisant bien les fonctions à remplir et la rémunération. Le lieu et le type d’école sont indiqués car on distingue l’école temporaire de l’école permanente, même si l’embauche proposée a une durée déterminée.

Ainsi, le 27 janvier 1837 suite au remplacement du régent et de l’institutrice des écoles permanentes de Buttes, un avis est diffusé dans la presse locale. Les intéressés sont invités à prendre contact avec le pasteur. L’instituteur doit assurer les fonctions d’un régent de campagne, à savoir l’enseignement d’une bonne école primaire. Son salaire est fixé à 30 louis par an, plus 5 louis environ pour l’école du soir pendant les cinq mois d’hiver, payé par la commune. Il dispose aussi d’un grand jardin, de bois rendu brut devant la maison, et d’un casuel[1] qui peut s’élever jusqu’à 30 francs.

Il est attendu de l’institutrice, un bon enseignement comme le prévoit une bonne école de campagne, y compris les ouvrages du sexe. Son salaire est fixé à 16 louis, une bonification pour l’école du soir en hiver, un petit logement, un jardin et le bois rendu devant la maison.

Le 31 janvier 1845, un avis passe dans le journal Le Temps pour recruter une institutrice pour l’école des filles de Buttes, à pourvoir pour le commencement d’avril. L’enseignement demandé comprend la lecture, écriture, grammaire, orthographe, arithmétique, géographie, histoire sainte, chant sacré, et les ouvrages du sexe. La rémunération est fixée à 16 louis par an, une rétribution mensuelle de un franc de France par élève pour les leçons du soir en hiver, un petit logement, un jardin et le bois rendu brut devant la maison. Les intéressées, munies de leurs certificats, doivent prendre contact avec le pasteur DuBois au moins huit jours avant le 28 février. Cet avis est rédigé par le notaire Ami Grandjean de Buttes, secrétaire de commune.

Le 10 octobre 1850, un poste est à pourvoir à l’école primaire de Buttes. Il s’agit de l’école permanente des garçons qui est vacante dès le mois prochain. L’instituteur devra effectuer 36 à 39 heures de leçons par semaine suivant la saison, et 15 à 18 heures de leçons le soir pendant les cinq mois d’hiver. Il devra délivrer l’enseignement d’une bonne école primaire. Il faut ajouter les fonctions de l’église. Son salaire est fixé à 30 louis payés par la commune, plus la

jouissance d’un logement, d’un jardin et du bois de chauffage, environ 4 louis pour les écoles du soir et un petit casuel pour les inscriptions.

Un poste est également proposé pour l’école de quartier du Mont de Buttes vers Vent, vacant pour le 1er décembre. Ce poste prévoit 36 à 39 heures de leçons par semaine pendant quatre mois et 12 à 15 heures par semaine le soir pendant trois mois. L’enseignement demandé est identique à celui de l’école permanente primaire des garçons. L’instituteur retenu percevra un salaire de 7 louis au moins. Les candidatures seront examinées dans la maison commune de Buttes, le 11 novembre 1850.

Le 10 novembre 1851, la commission d’éducation de Buttes émet un avis dans la Feuille Officielle pour recruter des instituteurs pour l’école temporaire de Buttes.

Le 3 septembre 1852, un nouvel avis passe dans la Feuille Officielle pour recruter un instituteur à Buttes. Il est émis par le pasteur DuBois. Il indique que le poste de régent de l’école temporaire du Mont de Buttes vers Vent est à pourvoir. Durée de l’école du 1er novembre au 31 mars. Objets d’enseignement et traitement sont ceux qui sont fixés par la loi pour de semblables écoles. Les instituteurs brevetés ou au bénéfice de l’exception prévue à l’article 50 de la Loi sur l’instruction primaire, qui seraient disposés à desservir ce poste sont invités à s’adresser au soussigné jusqu’au 10 octobre. Signé le président de la commission d’éducation DuBois.

[1]Casuel = Ensemble des bénéfices variables qui s’ajoutent au traitement fixe (Larousse 1910).

Le temple de Buttes

La construction du temple de Buttes date de 1705. La première pierre est posée le 30 avril, sous la direction de Simon Leuba et David Grandjean, gouverneurs. A cette époque le clocher est en bois. Il est remplacé par un clocher en pierre en 1854.

La cloche du village acquière la réputation de sonner après les autres et aurait donné naissance à l’expression « La cloche de Buttes », pour signifier le fait d’être en retard sur les autres, et remonterait à un fait datant de 1840. Selon la coutume, toutes les cloches de la Principauté de Neuchâtel devaient sonner pendant une heure lors du décès d’un souverain en résidence à Berlin. La règle fut mise en pratique lors du décès de Frédéric-Guillaume III en 1840. Or la cloche de Buttes sonna de dix heures du matin… à midi !

L’église de Buttes possède trois cloches. Elle a conservé son ancien mouvement d’horloge manuel jusqu’au 20e siècle. Celui-ci étant défectueux et difficilement réparable, il a été remplacé par un mouvement électrique qui assure également la sonnerie des cloches. L’ancien mouvement a été transféré au Musée régional de Môtiers en novembre 1972. Cette modification a entraîné la suppression de

la fonction de marguillier qui avait la charge de sonner les cloches. La vieille chapelle du quinzième siècle est dédiée à Saint Maurice.

La cure, résidence des curés puis des pasteurs, est commune aux villages de Buttes et Saint Sulpice qui forment une seule paroisse. La maison tombant en ruine, le 27 mai 1737, la seigneurie des lieux prend la décision de la raser et d’en construire une nouvelle à côté. Les deux communes de Buttes et Saint Sulpice ont fourni tous les matériaux pris sur place : bois de construction, pierre de roc et pierre jaune, pierre de maçonnerie, chaux, sable et terre glaise. Tous les autres matériaux étant fournis par le souverain, de même que le sciage et la main d’œuvre. Il accorde 125 livres faibles, plus de 200 charrois et 200 «journées à bras» dues à la seigneurie par les sujets du Val-de-Travers. Les deux communes prennent en charge les charrois nécessaires pour apporter les tuiles, briques, fourneaux et bois dur… La construction de la cure, située à Saint Sulpice, est terminée et habitée dès 1741.

Le 8 janvier 1835, Buttes est érigée en paroisse autonome. Le 11 janvier 1835, le village de Buttes installe son premier pasteur à domicile. Il s’agit de Célestin DuBois. A cet effet, la maison inachevée de Henri Grandjean est affectée en presbytère. Le pasteur DuBois reste à Buttes jusqu’en 1855. Il est ensuite nommé professeur de théologie à Neuchâtel.

Le grand incendie de 1864

Le 29 août un incendie de grande envergure détruit 24 maisons du village. La maison Antiglio est la seule maison du quartier épargnée lors de ce grand incendie. A cette époque, les incendies se propageaient rapidement en raison du mode de construction des maisons. 

D’une part, le bois était le principal matériau de construction. Il était utilisé pour les parois extérieures, appelées ramées, et pour couvrir le toit, les tuiles étant faites de planches, selon la technique du bardeau. La proximité des maisons était aussi un facteur de propagation favorable.

D’autre part, les habitants, s’ils étaient éloignés d’une source, d’une fontaine ou d’un ruisseau où puiser rapidement de l’eau, n’avaient à disposition que leurs citernes et celles-ci pouvaient ne contenir que de faibles réserves d’eau. Les habitants constituaient une double chaîne et transportait l’eau dans des seaux en bois qui perdaient une partie de leur contenu lorsqu’ils se disjoignaient ou se cassaient. Les habitants se munissaient aussi d’échelles et de crochets avec un long manche pour arracher les planches de bois en flammées. Les pompes, appelées seringues, sont apparues dans les Montagnes au 18e siècle. Enfin la saison pouvait aussi jouer un rôle dans la propagation des incendies, en cas de sécheresses ou grand gel.

Suite à l’incendie de 1864, un comité de secours pour les incendiés de Buttes est créé. Ce comité reçoit une grande caisse d’effets mobiliers et une somme d’argent pour les sinistrés.