Bulletin 16 / Avril 2001

Éditorial

par Philippe Borel

La fin du mois de février presque à la porte, je tapais furieusement l’autre jour « Ma Vie d’étudiant à Neuchâtel » de Louis Favre, dont la dernière partie est reproduite dans ce premier numéro de l’an 2001. Souhaitant travailler en musique, je suis allé « surfer » sur le site-web de la Société Radio Canada. Quelques instants plus tard, j’écoutais, en direct, la radio locale d’Iqaluit, ville capitale du territoire de Nunavut dans le grand nord du Canada. Ensuite, je me suis promené à Montréal, Vancouver puis Toronto avant de revenir, dans mon imagination et grâce à Louis Favre, au bord du lac de Neuchâtel.

La révolution de la technologie à laquelle nous participons depuis quelques années apporte d’importants changements dans nos vies qu’elle compresse le temps et l’espace dans lesquels nous vivons. Nou tenons à l’idée que ces deux éléments qui encadrent notre réalité sont définis, cadrés, mesurables. C’est faux. Le temps et l’espace dans lesquels vivaient Louis Favre ne sont pas les mêmes que ceux dans lesquels nous existons. Une émission transmise en direct et en temps réel de Vancouver (12’000 kilomètres et 9 heures de décalage) comprime en fait le temps. A l’époque de Louis Favre, une information aurait été transmise par courrier et aurait mis des semaines avant d’être livrée par le facteur à Neuchâtel ou à Genève. Les deuxième et troisième dimensions de notre univers sont donc en continuel mouvement. Notre époque se distingue des précédentes dans la mesure où ce mouvement, autrefois très lent, est devenu perceptible par sa progression exponentielle. Le temps et l’espace se contractent de plus en plus vite.

Nous avons tendance à nous plaindre des changements qu’entraîne ce mouvement dans les meta-structures de notre réalité temporelle et spatiale. Cependant, nous en tirons les bénéfices dans ce numéro même. C’est grâce à ces changements que nous pouvons garder contact avec nos membres qui habitent hors canton, et que nous pouvons lire dans ce fascicule un article sur la famille Vielle de Jean-Pierre au Mexique, une liste de recherches faites par David Diana en Ecosse ou des questions venant du sud des Etats-Unis. Sous maintes formes dans notre vie quotidienne, nos vies sont enrichies, notre vision du monde élargie par cette révolution technologique.

Eric-André Klauser cite le Professeur Rémy Scheurer dans son article préfaçant le grand beau livre sur la famille Sandoz, qui affirme que notre recherche généalogique permet à l’être humain de passer au-delà du « fil mince d’une courte ligne » de sa propre existence pour se situer « dans l’épaisseur du temps et dans l’étendue de l’espace ». Peut-être est-ce cette même volonté inconsciente d’inscrire son existence dans un plus long courant de l’histoire qui a poussé nos ancêtres à se marier pour des raisons d’affaires. Son fils Hugues Scheurer dans son article (reproduit ci-dessous et qui accompagne sa présentation à l’assemblée générale de la SNG en janvier 2001) sur les familles neuchâteloises actives dans l’industrie horlogère, de même que notre ami Eric-André Klauser, dans son article sur quatre générations d’absinthiers, nous révèlent cette volonté, intemporelle, de se sentir participant [partie prenante] à un projet familial, social, voire historique, qui donne un sens à notre court passage sur terre. Par le biais de la reconstruction de notre lignée généalogique, songeons-nous à compresser le temps comme nous compressons l’espace quand nous écoutions les ondes radiophoniques transmises à la vitesse de la lumière depuis Iqaluit ?

Nos activités, nos réunions, comme celle de la famille Bille que nous résument Simone Bovey et Louis Barrelet, sont des événements qui nous rappellent de manière concrète que nous sommes une partie intégrante du projet familial et historique. Les activités de la famille Verdan qu’a recherchées Pierre-Arnold Borel avec la collaboration de Mme Caroline Schuster abondent dans le même sens.

J’écoute par conséquent les émissions de la Société Radio Canada sur Internet pas uniquement pour savoir les dernières nouvelles de l’autre côté de l’Atlantique… J’espère que vous partagerez mon plaisir, et pour les mêmes raisons, à lire les articles publiés dans ce Bulletin. Ils sont réunis dans une même thématique du changement dans le temps et du temps.