Bulletin 4-5 / Décembre 1996

Procès-verbal du 10 mai 1996

Conférence de M. Bernard de Montmollin

Sont présentes : 16 personnes.

En ce vendredi soir, M. Junod nous accueille dans la salle de conférences de Silicon Graphics. Après une brève introduction, il passe la parole à M. Bernard de Montmollin, qu’une équipe de télévision est venue récemment interroger. Pourquoi a-t-il été contacté ? Simplement parce que le journaliste en charge de cette émission connaissait un des ses cousins à Genève. On a donc pris contact avec lui et on lui demande son accord. Le sujet étant l’héritage et la généalogie, toute sa famille devra paraître sur l’écran. Aussi, M. de Montmollin demande l’avis de tous : à sa grande surprise, ce sont les plus jeune qui marquent le plus d’enthousiasme, les aînés sont plus réticents, craignant une intrusion dans leur vie privée. Mais la famille décide tout de même de faire confiance à l’équipe de tournage.

Ils viennent en janvier et restent deux jours pleins chez les Montmollin. Pour eux, on recrée un « repas de Noël », dans lequel sont réunis les mêmes participants qu’au vrai souper de la Nativité, où sont servis les mêmes plats. A la fin de ce séjour, la présence de la télévision, devenue habituelle, passe presque inaperçue. Toutes les images tournées sont ensuite montées, afin de n’en garder que les moments les plus intéressants, afin que l’image et les commentaires se répondent. Ainsi, des deux jours de tournage, il ne reste que 8 minutes d’émissions.

Qu’est-ce que l’héritage, le souvenir ? M. de Montmollin a tout de suite pensé à la maison, la maison ancestrale, celle où, pendant sa jeunesse, on a fait des « crasses », des bêtises, celle où, les enfants étant devenus adultes, la famille se rassemble comme autrefois, pour célébrer des fêtes, des anniversaires. Notre conférencier, qui a vécu en appartement pendant quelques années, a vu à quel point cette notion est importante.

Famille de Merveilleux au Vallon de l'Ermitage

Aussi, en guise d’introduction à l’émission que nous allons voir, il va nous parler de sa maison. Elle se trouve au vallon de l’Ermitage, sur les hauts de la ville de Neuchâtel. Cette région ne jouit d’aucune vue sur le lac ni sur les Alpes, si bien qu’elle a été oubliée par les promoteurs et n’a pas été défigurée par des constructions envahissantes. Nous sommes presque à la campagne, tout en étant en ville.

L’endroit appartient au XVIIIe siècle au maître-bourgeois Poncier. Celui-ci laisse une fille, Euphrosine, qui épouse Samuel, fils de Guillaume de Merveilleux (le traité de mariage date du 21 juillet 1762). De ce couple, sont issus 6 garçons, dont deux ont de la descendance.

Le fils aîné, Jean (né en 1763) hérite de cette ferme du Pertuis. En 1800, il en transforme une partie en maison de maître avec l’aide de l’architecte Charles de Bosset, conseiller d’État. En 1802, il se marie avec Julie DuPasquier, fille de l’indienneur Abraham. Il fait de la politique, est membre des Audiences générales, mais surtout remplit la charge de banneret de la Ville. Par cette fonction, il participe aux autorités de la cité (les Quatre Ministraux), où il représente les bourgeois. Entre 1805 et 1832, il a été élu et réélu six fois à cette charge par l’ensemble de ses combourgeois, ce qui montre bien sa popularité.

Jean élève sa famille (trois garçons et une fille) à l’Ermitage. Seul, son fils Guillaume (1803-1853) se marie, avec Rose Augustine Coulon. Ce personnage remplit diverses tâches à Neuchâtel, mais il est surtout connu comme peintre paysagiste. Il a 5 enfants, trois filles et 2 garçons.

Jean, l’aîné (1833-1898), fait de brillantes études, en France et en Allemagne. Mais la Révolution de 1848 déjoue ses projets. Il consacre alors sa vie aux bonnes œuvres et participe à 22 comités de bienfaisance, de philanthropie ou d’utilité publique en tant que président, secrétaire ou caissier. Il habite dans notre maison, avec sa belle-mère, mais n’a pas de descendance. Son frère, Albert (né en 1841), et sa femme, Augusta de Reynier, en occupe une partie, y élevant leurs six enfants (3 filles et 3 garçons).

A la mort d’Augusta en 1934, son fils, le beau-père de notre conférencier, ne peut pas y habiter. Aussi cherche-t-il à la louer, sans succès auprès des privés. Seule, la Ville de Neuchâtel se déclare intéressée, elle y loge des travailleurs immigrés. En 1953, notre conférencier, nommé à l’hôpital de Pourtalès, s’y installe, y fait les transformations nécessaires et y élève ses enfants. Espérons que ceux-ci continueront cette tradition d’y résider.

Emission "Un si bel héritage, le désir de mémoire"

Après cette introduction fort intéressante, nous visionnons l’émission de la Télévision suisse romande diffusée dans la série « Viva » le 14 mars 1996. Cet épisode est réalisé par Pascal Rebetez et par Sylvie Bakhti. Il est intitulé « Un si bel héritage, le désir de mémoire ». Il dure environ 40 minutes, dont 7 minutes 53 secondes consacrées à notre conférencier.

Il n’est pas dans notre propos de faire un résumé complet de cette œuvre. Nous n’en montrerons que les articulations principales : après un reportage fictif tourné à Delémont, dans lequel le « héros » est spolié de l’héritage auquel il estimait avoir droit, nous allons à la rencontre de diverses formes de conservation de la mémoire de nos ancêtres. M. de Montmollin est le symbole d’une famille notable avec de prestigieux ancêtres. Le souvenir est concentré dans la maison ancestrale, avec ses tableaux, avec ses meubles; la génération actuelle, simple usufruitière du passé, se doit de les entretenir et de les passer à la suivante. L’album de photographies, le film remplissent ce rôle dans les familles ouvrières, coincés dans des appartements sans âme.

Ceux qui seraient privés de ce passé, peuvent s’en recréer un, par l’achat de bibelots dans les brocantes, par la visite d’un musée, recueillant des héritages qui ne doivent rien aux gènes ni à la sexualité.

Benoît de Diesbach y parle de généalogies reconstituées grâce à des recherches dans des archives publiques ou privées, grâce, dit-il, à des visites de cimetières (??). Il ne s’agit pas seulement d’aller vers ses ancêtres, mais aussi de décrire leur descendance, de rencontrer des cousins, des vivants.

Passons maintenant aux artistes : l’un décèle dans ses toiles un héritage de sa vie passée, un autre cherche à laisser des traces, essayant vainement de léguer ses œuvres d’inspiration ésotérique. Comment nos descendants garderont un souvenir de nous, alors que tout le monde nous ignore, alors que personne ne s’intéresse à ce que nous avons fait et pensé ? Une maison d’édition à Paris permet à tous ceux qui le veulent d’enregistrer leurs souvenirs, de raconter leur(s) histoire(s), d’élaborer un CD-Rom.

M. Hainard clôt cette émission en parlant de « l’ancestralité » qui semble être tournée uniquement vers le passé, mais qui, en fait, nous permet de construire le futur, la société à venir.