Bulletin 53 / Décembre 2015

Bille, Nicolet, Humbert, des hommes qui ont porté la République

Auguste Bille

Auguste Wuille dit Bille est né à La Chaux-de-Fonds le 10 juillet 1796. Son père le destinait aux études, réservant sa maison d’horlogerie à ses deux autres fils. D’une santé fragile, il était atteint de rachitisme. Auguste Bille manifesta une forte volonté et une intelligence précoce. Il étudia le droit aux universités de Fribourg-en-Brisgau, de Besançon et de Genève.

Déjà, il se faisait remarquer par ses idées libérales: le 15 août 1817, avec une trentaine de Chaux-de-Fonniers, il assistait à la célébration d’une fête en l’honneur de Napoléon 1er au Bas-Monsieur. De retour à La Chaux-de-Fonds, les manifestants dansèrent la  carmagnole autour d’un brasier.

Bille s’installa bientôt comme avocat dans son village natal et ne tarda pas à être surveillé de près par la police en raison de ses convictions politiques. Les événements politiques se précipitant, il entama une polémique avec le secrétaire de la ville de Neuchâtel, Georges-Frédéric Gallot, opposé à toute innovation.

En janvier 1831, Auguste Bille proposait un programme de libéralisation du régime neuchâtelois (élection d’un Corps législatif directement par le peuple, publicité des séances parlementaires, liberté de presse).

Elu au nouveau Corps législatif en juin 1831, il se fit remarquer par ses idées avancées.

Les auteurs des soulèvements de septembre 1831 offrirent à Auguste Bille une place dans le gouvernement provisoire qu’ils voulaient créer. Celui-ci refusa sa nomination, opposé à toute violence.

Après l’échec de l’insurrection de décembre, Bille fut arrêté à La Chaux-de-Fonds, puis conduit aux prisons de Neuchâtel après avoir été roué de coups. A la surprise générale, malgré la défense de son ancien adversaire Gallot, il fut condamné à deux ans de prison et quatre ans de bannissement! Sa captivité ne fit qu’aggraver ses souffrances physiques et morales.

Libéré en janvier 1834, Bille se rendit tout d’abord à Marseille pour rétablir sa santé, puis s’installa à Berne où il occupa différentes fonctions dans l’administration cantonale. Il ne cessa de s’intéresser à la politique  neuchâteloise, réunissant chez lui les patriotes qui voulaient faire de la principauté de Neuchâtel une république. Ce fut lui, qui le 1er mars 1848, dépêcha Aimé Humbert à La Chaux-de-Fonds auprès du gouvernement provisoire en formation.

Candidat des Montagnes neuchâteloises pour le premier Conseil national créé par la Constitution fédérale du 12 septembre 1848, Auguste Bille n’eut pas la joie de servir à nouveau sa patrie, car la mort l’enleva le 25 septembre de la même année.

Célestin Nicolet

Science et politique

Plus connu comme pharmacien, géologue et botaniste, Célestin Nicolet (1803-1871) n’en a pas moins pris une part active aux événements de 1848.

Originaire de La Ferrière et de La Sagne, Adolphe-Célestin Nicolet est né le 27 juillet 1803 à La Chaux-de-Fonds. La famille Nicolet (le père était un guillocheur très habile), vivait dans une certaine aisance. Après avoir fréquenté les écoles de son village, il passa une année à Bâle pour apprendre l’allemand.

De retour à La Chaux-de-Fonds il trouva une place d’apprenti chez le pharmacien Soemmer au Locle. Il termina son apprentissage chez Desfosses, pharmacien et chimiste réputé, à Besançon. Il fréquenta ensuite les cours de l’Académie de Lausanne et termina ses études à Paris. 

En 1825, Célestin Nicolet fut reçu dix-septième sur 48 candidats au concours extrêmement difficile des élèves internes en pharmacie des hôpitaux et hospices civils de Paris. Il travailla dans divers hôpitaux de la capitale française jusqu’en 1832, année faste puisqu’il ouvrit sa propre pharmacie à La Chaux-de-Fonds.

Avant de quitter Paris, il avait reçu du gouvernement de Louis-Philippe, la Croix de Juillet pour les soins qu’il avait prodigués aux blessés des Trois Glorieuses de juillet 1830.

Après quelques années d’un bonheur parfait à La Chaux-de-Fonds, il perdit sa jeune épouse, Elzire Othenin-Girard, fille de l’associé de son père, ainsi que leur seul enfant. Dès lors Nicolet se consacra uniquement à sa pharmacie et à l’exploration scientifique. Il participa aux expéditions de Louis Agassiz sur les glaciers de Zermatt (1839) et de l’Aar (1840).

Déjà membre depuis 1840 de la Société géologique de France, Nicolet fonda à La Chaux-de-Fonds une section de la Société neuchâteloise des sciences naturelles. En 1865, il devenait le deuxième président de la nouvelle Société d’histoire et d’archéologie du canton de Neuchâtel. Cela illustre bien ses intérêts divers pour la géologie, la botanique, la météorologie et l’histoire de notre canton. Célestin Nicolet consacra ses dernières années à l’étude des lettres et des sciences. Il avait en effet remis sa pharmacie en 1863.

L’homme politique

Dès son retour à La Chaux-de-Fonds, Célestin Nicolet avait fait partie des sociétés secrètes qui conspiraient contre le gouvernement royaliste. Il affichait ouvertement ses opinions. C’est ainsi qu’il se retrouva parmi les députés de l’opposition au Corps législatif après 1831.

Pendant les derniers mois du régime monarchique, les patriotes de La Chaux-de-Fonds se retrouvaient régulièrement chez lui, place de l’Hôtel-de-Ville. Le 29 février 1848, il participa activement à la capitulation du gouvernement dans son village.

Après le 1er mars, il fut élu député à la Constituante, puis au premier Grand conseil neuchâtelois. Une fois la situation du canton stabilisée Célestin Nicolet se retira de la vie politique cantonale pour poursuivre ses travaux scientifiques.

Aimé Humbert

Professeur à l’Académie

Même s’il n’est pas entré à Neuchâtel aux côtés des volontaires républicains, Aimé Humbert (1819-1900) n’en est pas moins une des grandes figures de 1848.

Fils de Aimé-Louis Humbert-Droz et de Emilie Droz, il naquit aux Bulles, près de La Chaux-de-Fonds, le 29 juin 1819. Après avoir fait ses premières classes dans son village, il poursuivit ses études dans un pensionnat d’Orbe que dirigeait une sœur de sa mère, puis entra à l’Académie de Lausanne.

Certains de ses professeurs et de ses condisciples se sont fait un nom dans les lettres romandes : Juste Olivier, Charles Secrétan, Alexandre Vinet…

Après la mort de son père, en 1835, Aimé Humbert enseigna quelque temps le français à Ludwigsburg (Wurtemberg). Vivant ensuite sur ses économies, il put suivre des cours de philologie et de littérature générale à l’Université de Tübingen.

Agé maintenant de 21 ans, il revint en Suisse et fut nommé professeur au collège de Morges. Trois ans plus tard il épousait une jeune allemande, Marie Müller.

Après la révolution de 1845, le gouvernement vaudois diminua les traitements du corps enseignant et Humbert obtint un poste de français au collège bourgeois des jeunes filles de la ville de Berne.

Lié depuis longtemps avec les radicaux vaudois, il suivait de très près l’affrontement radicaux-conservateurs et la position du canton de Neuchâtel dans l’affaire du Sonderbund. «Personne, dit-il, ne se doutait de ma participation aux conciliabules neuchâtelois qui avaient lieu au domicile de l’avocat Bille, alors chef de bureau de la chancellerie jurassienne du canton de Berne… C’est là que la nouvelle de la révolution du 1er mars me surprit et que, encouragé par Bille et le colonel Courant, je pris à minuit la résolution de me
faire transporter à La Chaux-de-Fonds…»

Dès lors, Aimé Humbert consacra sa vie à la République neuchâteloise : d’abord secrétaire du gouvernement provisoire puis député à la Constituante, il devint conseiller d’Etat le 4 mai 1848 et dirigea le département de l’instruction publique de 1850 à 1858. Elu au Conseil des Etats en 1854, il joua un rôle important dans le règlement de la question de Neuchâtel (1856) sur le plan international.

Avant de devenir recteur, puis professeur de littérature française à l’Académie de Neuchâtel en 1866, Aimé Humbert servit les intérêts de l’horlogerie neuchâteloise et de la Confédération suisse en signant au Japon un traité d’amitié et de commerce entre la Suisse et l’Empire du soleil levant.

Il prit sa retraite en 1893 et consacra les dernières années de sa vie à la rédaction d’un important ouvrage sur «Alexis-Marie Piaget, d’après sa correspondance, et la République neuchâteloise de 1848 à 1858 ». Une longue et pénible maladie l’emporta le 19  septembre 1900.

Dans ses «Mémoires politiques», Louis Grandpierre écrit: «Une fois aux affaires, il se montra aussi bon administrateur qu’adroit politique… Humbert avait les qualités et les défauts des diplomates: son tact politique était très fin; cependant quelquefois il hasardait un peu trop. Les pièces qui sortaient de sa plume, toujours rédigées avec distinction, se sentaient quelque peu de la réserve de son caractère ; il était fait pour rédiger des notes diplomatiques.

C.-A Clerc, FAN1979