Bulletin 53 / Décembre 2015

Sortie d'automne aux mines d'asphalte du Val de Travers
du samedi 3 octobre 2015

rapportée par Françoise Favre-Martel

Pour sa traditionnelle sortie d’automne, le comité de la SNG avait invité les généalogistes du canton de Genève (Gen-Gen) et du Jura – où plutôt de l’Ancien Evéché de Bâle (CGAEB) – à venir découvrir les anciennes mines d’asphalte de la Presta, dans le Val de Travers.

Têtes casquées et lampes de poche en mains, nous voilà parés pour découvrir l’activité de la mine et le dur travail de ceux qui y ont travaillé, hommes et chevaux… Nous entrons dans les entrailles de la montagne où règne une température constante de 8°.
Notre guide commence par expliquer la différence entre asphalte naturel (celui que nous voyons autour de nous), asphalte industriel (celui que l’on produit à partir du pétrole) et goudron. Nous sommes impressionnés d’apprendre que l’asphalte tiré du Val de Travers était exporté dans le monde entier et qu’il recouvre encore aujourd’hui certaines rues de Londres, Paris, Francfort ou New York… C’est que l’asphalte naturel a une souplesse et une élasticité que n’a pas l’asphalte industriel… mais ce dernier a pour lui l’avantage de  coûter beaucoup moins cher à la production! Et comme nous l’a bien précisé notre guide, ce n’est pas parce qu’il n’y avait plus d’asphalte que la mine a été fermée, mais parce que la production coûtait trop cher. Aujourd’hui, le principal, pour ne pas dire le seul,  gisement d’asphalte naturel encore exploité se trouve dans l’île de Trinidad.

Mais revenons sur l’histoire de la mine de la Presta. En 1711, le médecin grec Eirini d’Eyrinys, surtout intéressé par les effets thérapeutiques de l’asphalte, identifie les premiers gisements du Val-de-Travers. La première mine fut exploitée artisanalement dès 1712, d’abord à ciel ouvert, avant de s’enterrer au milieu du 19e siècle. C’est un labyrinthe de 100 km de galeries sur plusieurs étages qui a été creusé au fil des ans. Après la mort d’Eirini d’Eyrinis, plusieurs sociétés ont exploité la mine… dont Philippe Suchard ! Depuis 1873, la concession est entre les mains d’une société anglaise.

Les « mineurs » étaient pour l’essentiel des paysans de la région, qui allaient travailler à la mine à 6 h du matin, après avoir trait leurs vaches, et retournaient à leurs champs à 15 h, en sortant de la mine. Plus tard, ont a aussi fait appel à des Italiens. Le minerai était extrait à la pioche, puis remonté à la surface dans des chariots tirés par des chevaux, avant qu’ils ne soient remplacés par des locomotives électriques dans les années 1960. Le dernier cheval a quitté la mine en 1975 !

La mine a employé entre 80 et 100 personnes, le pic se situant autour de 1900 avec 120 ouvriers et une production de 53’000 tonnes d’asphalte brut en 1913. Les débuts de l’automobile, donc des routes asphaltées, étaient alors un débouché important. Après la  Deuxième Guerre Mondiale, la concurrence de l’asphalte industriel a fait pencher la balance, la demande a progressivement chuté et la mine a été définitivement fermée en 1986, après avoir produit environ deux millions de tonnes de minerai. Il ne restait alors  qu’une demi douzaine de mineurs. Dix ans plus tard, en 1996, un circuit touristique d’un kilomètre a été aménagé dans la mine, pour conserver vivant ce patrimoine industriel, et les premiers guides ont été les anciens mineurs eux-mêmes. La Presta accueille plus de 20’000 visiteurs chaque année.

Après la visite, nous goûtons la spécialité du lieu, le jambon cuit dans l’asphalte, à une température de 160°C. C’était à l’époque le repas de fête de la Ste-Barbe, patron des mineurs. Aujourd’hui, il nous est servi avec un gratin de pommes de terre et des haricots verts… et bien sûr, pour le dessert, de la glace à l’absinthe du Val de Travers ! Un plaisir d’autant plus grand qu’il est partagé en bonne compagnie.