Bulletin 8-9 / Août 1997

Texte des placards

par Germain Hausmann

[Ce texte se présente, hormis le titre, en cinq paragraphes débutant chacun par quelques mots en gras, qui occupent la place de deux lignes. En marge, se trouvent des références aux textes bibliques ou à d’autres écrits religieux. Ce document est photographié dans : Biographies neuchâteloises I : de Saint Guillaume à la fin des Lumières, Hauterive 1996, t. I, p. 171.

A noter que les textes bibliques que nous citons en français moderne proviennent de : La Bible, Ancien et Nouveau Testament, traduit de l’hébreu et du grec en français courant, Villiers-le-Bel 1982]

Principe de l’édition : L’orthographe du texte original est scrupuleusement respectée. Cependant, afin d’en faciliter la lecture, la ponctuation, les règles concernant les majuscules, les aigus, graves et circonflexes suivent l’usage moderne.

Articles véritables sur les horribles, grandz & importables abuz de la Messe papalle

(2) inventée directement contre la Saincte Cène de Jésus-Christ.

Je invocque le Ciel & la Terre en tesmoingage de vérité contre ceste pompeuse & orgueilleuse messe papalle par laquelle le monde (si Dieu (4) bientost n’y remédie) est & sera totallement ruiné, baysmé, perdu & désolé quand en icelle Nostre Seigneur est (5) si oultrageusement blasphémé & le peuple séduict & aveuglé, ce que plus on ne doibt souffrir ny endurer. Mais, affin que plus aysément le cas soit d’ung chascun (6) entendu, par articles il convient de procéder.

Premièrement, à tout fidèle chrétien est & doibt estre très certain que Nostre Seigneur & seul sauveur, Jésus-Christ, comme grand évesque & pasteur (8) éternellement ordonné de Dieu, a baillé son corps, son âme, sa vie & son snag pour nostre sanctification en sacrifice très parfaict, (9) lequel ne peult & ne doibt jamais estre réitéré par aucun sacrifice visible. Qui ne veult entièrement renoncer à iceluy comme s’il estoit inefficax, insuffisant & impar-(10)-faict ? Laquelle chose non seulement dire mais aussi penser est horrible & exécrable blaphème. Et toutesfoys la Terre a esté & est encore de présent en plusieurs (11) lieux chargée & remplie de misérables sacrificateurs lesquelz, comme s’ilz estoient nos rédempteurs, se mettent au lieu de Jésus-Christ ou se font compaignons d’iceluy, (12) disans qu’ilz offrent à Dieu sacrifice plaisant & aggréable comme celuy de Abraham, Isaac & Jacob pour le salut tnat des vivants que des trespasséz. Laquelle chose (13) ilz font apertement contre toute vérité de Saincte Escripture, car, par le grand & admirable sacrifice de Jésus-Christ, tout sacrifice extérieur et visible est aboly et (14) évacué & jamais aultre n’est demouré. ce que je dis est très amplement monstré en l’Épistre aux Hébrieux ès chapitres 7, 9 & 10, lesquelz je supplie à tout le monde diligen-(15)-tement considérer. Toutesfoys, pour ung peu le toucher & ayder l’esperit des plus petis, au 7 il est ainsi escrit [extrait des versets 26 et 27] : « Il estoit convenable que nous eussions ung évesque sainct, (16) innocent & sans macule, lequel n’a point nécessité de offrir tous les jours sacrifices, premièrement pour ses péchéz, puis après pour ceux du peuple, car il a faict ce (17) en se offrant une foys. » Notamment il dit « en se offrant une foys » car jamais ces oblation ne fut ny ne sera réitérée ne aucuen pareille. Item au 9 chapitre [extraits du verset 11] : « Christ, (18) évesque des biens à advenir par osn propre sang, est entré une foys ès sancutaires. » Voicy où derechief il dit que, par se estre présenté une foys, rédemption (19) éternelle est faicte; par quoy il est évident que, en nostre rédemption, ne avons besoing de telz sacrificateurs, si nous ne voulons renoncer à la mort de Jésus-Crist. (20) Item, au 10 chapitre [extrait des versets 9, 15, 17 et 18] : « Voici, je viens affin, sire Dieu, que je face Ta volunté. Par laquelle volunté, nous sommes sanctifiéz par l’oblation une foys faicte du (21) corps du Christ. Et aussi le Sainct Esperit le certifie, disant : « Je n’auray plus souvenance de leurs iniquitéz »; & là où est rémission d’icelles, il n’y a plus d’oblation pour (22) le péché. » Ce que, par argument de sainct Paul, je monstre ainsi : aux chapitres 5, 7, 8 & 10 des Ébrieux, le sainct apostre dit que pour l’imper-fection des sacrifices (23) de l’ancienne foy, fallait tous les jours recommencer jusque à ce que il en ayt esté offert ung du tout parfait, ce qui a esté faict une foys par Jésus-Christ. Donc, je (24) dmande à tous sacrificateurs si leur sa-crifice est parfaict ou imparfaict. Pourquoy abusent-ilz ainsi le paovre monde ? S’il est parfaict, pour-(25)-quoy le fault-il réitérer ? Mettez-vous en avant, sacrificateurs, et si vous avez puissance de respondre, respondez !

[en marge de ce paragraphe se trouve au niveau de la ligne 8 :] PS 109 [référence à l’ensemble du psaume aujourd’hui numéroté 110 et en particulier aux phrases reprises dans l’Épitre aux Hébreux, chapitre 7, versets 17 et 21 : « Tu seras prêtre pour toujours dans la tradition de Melkisédec » {Psaume 110.4}, « Le Seigneur l’a juré, et il ne se dédira pas : tu sera prêtre pour toujours » {Psaume 110.4}]

[Encore en marge de ce paragraphe, au niveau des interlignes 15-16 jusqu’à 25:] Christum / mori; et / eundem pre-/-sentari; / (idem. / Voyez / tous les / chapitres). / Non est / dare me-/-dium.

Secondement, en ceste malheureuse messe, on a provocqué quasi l’universel monde à idolâtrie publicque quand faulcement on a donné à entendre que, soubz les (27) espèces de pain & de vin, Jésus-Christ corporellement, réallement & de faict entièrement & personnellement en chair & en os, aussi grand & (28) parfaict comme de présent il est vivant, est contenu & caché. Ce que la Saincte Escripture & nostre foy pas ne nous enseigne, mais du tout au contraire. Car Jésus-Christ après (29) sa résurrection est monté au Ciel, assi à la dextre de Dieu le Père tout puissant, & de là viendra juger les viz & les mortz. Aussi sainct Paul aux Colossiens 3 escript ainsi [extrait du verset 1] (30) : « Si vous estes resuscitéz avec Christ, cerchez les choses qui sont en hault où Christ est séand à la dextre de Dieu. » Il ne dit point « cerchez Christ qui est à la messe ou (31) au sacraire », mais au Ciel. Par quoy, il s’ensuit bien si osn corps est au Ciel, pour ce mesme temps il n’est point en la Terre; & s’il estoit en la Terre, il ne seoit point au (32) Ciel, car, pour certain, jamais ung véritable corps n’est qu’en ung seul lieu pour une foys. Ce que sainct Augustin a bien congneu quand, en parlant de Jésus-Christ, (33) il a ainsi escript : « Donec finiatur seculum sursum Dominus est, sed temen hic nobiscum est veritas Domini. Corpus enim in quo resurrexit in uno loco esse oportet, veritas autem eius ubique (34) diffusa est ». Item Fulgence escrit ainsi : « Absens erat Celo secundum humanam substantiam quum esset in Terra; & derelinquens Terram quum ascendisset in Celum secundum vero (35) divinam & immensam substantiam, nec Celum dimittens quum de Celo descendit, nec Terram deserens quum ad Celum ascendit » ¹

Oultre nous avons infallible certification par (36) la Saincte Escriputre, Matthieu 24, [versets 29-31″que l’advènement du Filz de l’homme, quand il luy plairra partir du Ciel, sera visible & manifeste. & se aucun vous dict : « Icy (37) est Christ » ou là : « Ne le croyez point », Jésus-Crhist dit : « Ne le croyez point », & les sacrificateurs disent : « Il le fault croyre ». Disposez-vous, paovres idolâtres, à (38) recongnoistre vostre erreur & confesser vérité, ou en brief temps vous conviendra respondre à ung petit traicté lequel (Dieu aydant) sera composé particuliè-(39)-rement de ceste présente matière, si clairement & apertment qu’il n’ y aura femme ne enfant qui ne congnoisse vostre damnable cécité²

¹ [Dans l’une des dernières éditions de Fulgence {Sancti Fulgentii, episcopi Ruspensis, opera, cura et studio J. FRAIPONT, Turnholti 1968 (Corpus Christanorum, series latina XCI), p. 142, lignes 904-905}, le texte de ce passage rité d el’ouvrage intitulé Ad Trasamundum, livre II, chapitre XVII, fin du « verset » 2, est légèrement différent : Unus idemque secundum humanam substantiam absens Caelo cum esset in Terra et dereliquens Terram cum ascendisset in Caelum; secundum divinam vero immemsamque substntiam nec Caelum dimittens cum de Caolo descendit, nec Terram deserens cum ad Caelum ascendit].

² [en effet, Marcourt est en train de préparer deux ouvrages : le Petit traicté très utile et salutaire de la Saincte Eucharistie de Nostre Seigneur Jésu-Christ, [Neuchâtel] 16 novembre 1534; et la Déclaration de la messe …, [Neuchâtel 1534], écrit non daté sans doute postérieur au premier].

[en marge de ce paragraphe au niveau de la ligne 28] Mat. 28 [versets 1-10 : récit de la résurrection]

[en marge de ce paragraphe au niveau de la ligne 29] Mar. 16 [versets 1-8 : récit de la résurrection]

[en marge de ce paragraphe au niveau de la ligne 30] Act. 1 [versets 6-11 : Jésus monte au Ciel]

[en marge de ce paragraphe au niveau de la ligne 31] Ébr. 1 [verset 3 : « Après avoir purifié les hommes de leurs péchés, il s’est assis à la droite de Dieu, la puissance suprême »]

[en marge de ce paragraphe au niveau de la ligne 32] Act. 8 [sans doute versets 32-33 {rapportant es. 53.7-8 d’après l’ancienne version grecque} : « Il a été comme un mouton qu’on mène à la boucherie… Qui pourra parler de ses descendants ? Car on a mis fin à sa vie sur terre »]

[en marge de ce paragraphe au niveau de la lignes 33-37] [une main avec un index montrant la droite, soit le texte du paragraphe] // Fulgen-/-tieus, Ad / Tharsim., / libro 2.

Tiercement, iceulx paovres sacrificateurs, pour adjouster erreur sur erreur, ont en leur frénaisie dict et enseigné après avoir soufflé ou parlé sur ce (41) pain que ilz prennent entre leurs doigtz & sur le vin qu’ilz mettent au calice, qu’il n’y demeure ny pain ny vin mais, comme ilz parlent de (42) grans & prodigieux motz, par « Transsubstantiation » Jésus-Christ est soubz les accidens du pain & du vin caché & enveloppé, qui est doctrine des diables (43) contre toute vérité & apertement contre toute l’Escripture. Et je demande à ces gros enchaperonnéz où ont-ilz inventé & trouvé ce gros mot « Transsubstantiation » (44) Sainct Paul, sainct Matthieu, sainct Marc, sainct Luc & les anciens pères n’ont point ainsi parlé; mais, quand ilz ont faict mention de la Sainte Cène de Jésus-Christ, ilz ont (45) apertement & simplement nommé le pain & le vin. Voyez sainct Paul comme il escript [1 Corinthiens 11, verset 28] : « L’homme se espreuve soy-mesme » Il ne dit point : « Voy se a ung tondu pour (46) estre esprouvé »; mais il dit « se espreuve soy-mesme »; puis s’ensuyt; & ainsi « mangeusse de ce pein », il ne dit point « mangeusse le corps de Jésus-Christ qui est soubz (47) la semblance, soubz l’espèce ou apparence de pain », mais apertement & purement il dit « mageusse de ce pein ». On est-il certain que l’Escripture ne use point de (48) déception & que, en icelle, il n’y a point de faintise, donc il s’ensuyt bine que c’est « pain ». Item, en ung autre lieu, il est ainsi escript [Act. 20, versets 7 et 11] : « Et ung jour de sabbat (49) quand nous estions assembléz pour rompre le pain. » Ausquelz tant évidens passages la Saincte Escripture dit & prononce expressément estre « pain », non point (50) « espèce, apparence ou semblance de pain ». Qui pourra donc nous soubstenir, porter & endurer telz mocqueurs, telles pestes, faulx antéchristz lesquelz, comme (51) présumptueux & arrogans selon leur ordinaire coustume, ont esté si téméraires et hardis de conclurre & déterminer au contraire. Par quoy, comme ennemys de (52) Dieu et de sa Saincte Parolle, à bon droict on les doibt rejecter et merveilleusement détester.

[en marge de ce paragraphe au niveau de la ligne 43] 1 Corin. 11 [versets 23-26 : « Le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain et, après avoir remercié Dieu, il le rompit et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous. Faites ceci en souvenir de moi ». De même, il prit la coupe après le repas et dit : « Cette coupe est la nouvelle alliance de Dieu, arantie par mon sang. Toutes les fois que vous en boirez, faites-le en souvenir de moi ». En effet, jusqu’à ce que le Seigneur vienne, vous annoncez sa mort toutes les fois que vous mangez de ce pain et que vous buvez de cette coupe]

[en marge de ce paragraphe au niveau de la ligne 44] Mat. 26 [versets 26-30  : récit de la Sainte-Cène]

[en marge de ce paragraphe au niveau de la ligne 45] Mat. 14 [versets 22-26  : récit de la Sainte-Cène]

[en marge de ce paragraphe au niveau de la ligne 46] Luc 22 [versets 14-23  : récit de la Sainte-Cène]

[en marge de ce paragraphe au niveau de l’interligne 46-47] 1 Corin. 11 [versets 28 : « Que chacun donc s’examine soi-même et qu’il mange alors de ce pain et boive de cette coupe »]

[en marge de ce paragraphe au niveau de l’interligne 49-50] Act. 20 [versets 7 et 11 : « Le samedi soir, nous étions réunis pour prendre le repas de la communion … Puis il remonta, rompit le pain et mangea »]

Quartement, le fruict de la messe est bien contraire au fruict de la Saincte Cène de Jésus-Christ qui n’est pas de merveilles, car entre Christ & Bélial [nom cité dans la Bible, en particulier dans 2 Corinthiens 6, verset 15, où ce terme est généralement traduit par « diable »] (54) il n’y a rien de commun. Le fruict de la Saincte Sène de Jésus-Christ est publicquement faire protestation de sa foy &, en confidence certaine (55) de salut, avoir actuelle mémoire de la mort & passion de Jésus-Christ par laquelle nous sommes racheptéz de damnation et perdition, avoir aussi souvenance (56) de la grande charité et dilection de quoy il nous a tant ayméz que il a baillé sa vie pour nous et de son sang nous a purgéz. Aussi, en prenant tous d’ung pain (57) & d’ung breuvage, nous sommes admonnestéz de la charité & grande union en laquelle tous d’ung mesme esperit nous debvons vivre et mourir en Jésus-(58)-Christ. Et cecy, bien entendu, resjouyst l’âme fidèle, la remplissant de divine consolation de toute humilité croissante en foy de jour en joru, se exerceant ent toute (59) bonté très doulce et amiable charité. Mais le fruict de la messe est bien autre, mesme comme expérience nous démonstre, car par icelle toute congnoissance (0) de Jésus Christ est effacée, prédication de l’Évangile rejectée & empeschée, le temps occupé en sonneries, urlemens, chanteries, cérémonies, luminaires, encense-(61)-mens, desguisemens & telles manières de singeries, par lesquelles le paovre monde est comme brebis ou moutons misérablement entretenu & pourmené et par (62) ces loups ravissns mangé, rongé & dévoré. Et qui pourroit dire ne penser les larrecins de ces paillardz ? Par ceste messe, ilz ont tout empogné, tout destruict, (63) tout englouty. Ilz ont déshérité princes & roys, marchans, seigneurs & tout ce que on peult dire soit mort ou vif. Par icelle, ilz vivent sans soucy, ilzn’ont (64) besoing de faire rien, d’estudier encore moins. Que voulez-vous plus ? Il ne se fault donc esmerveiller se bien fort ilz la maintiennent, ilz tuent, ilz bruslent, (65) ilz détruisent, ilzl meurtrissent comme brigans tous ceux qui à eulx contredisent, car aultre chose ilz n’ont plus que la force. Verité leur fault. Vérité les (66) menasse. Vérité les suyt et pourchasse. Vérité les espouvante, par laquelle birefvement seront destrucit. Fiat, Fiat. Amen.

Je invoque le ciel & la terre